conciliŠrent aux brigands le coeur des peuples. On ha‹ssait les 
brigands quand ils volaient des chevaux, du bl‚, de l'argent, en un mot, 
tout ce qui leur ‚tait n‚cessaire pour vivre; mais au fond le coeur des 
peuples ‚tait pour eux; et les filles du village pr‚f‚raient … tous les 
autres le jeune gar‡on qui, une fois dans la vie, avait ‚t‚ forc‚ d'andar' 
alla machina, c'est-…-dire de fuir dans les bois et de prendre refuge 
auprŠs des brigands … la suite de quelque action trop imprudente. 
De nos jours encore tout le monde assur‚ment redoute la rencontre des 
brigands; mais subissent-ils des chƒtiments, chacun les plaint. C'est que 
ce peuple si fin, si moqueur, qui rit de tous les ‚crits publi‚s sous la 
censure de ses maŒtres, fait sa lecture habituelle de petits poŠmes qui 
racontent avec chaleur la vie des brigands les plus renomm‚s. Ce qu'il 
trouve d'h‚ro‹que dans ces histoires ravit la fibre artiste qui vit toujours 
dans les basses classes, et, d'ailleurs, il est tellement las des louanges 
officielles donn‚es … certaines gens, que tout ce qui n'est pas officiel 
en ce genre va droit … son coeur. Il faut savoir que le bas peuple, en 
Italie, souffre de certaines choses que le voyageur n'apercevrait jamais, 
v‚c–t-il dix ans dans le pays. Par exemple, il y a quinze ans, avant que 
la sagesse des gouvernements n'e–t supprim‚ les brigands*, il n'‚tait pas 
rare de voir certains de leurs exploits punir les iniquit‚s des
gouverneurs de petites villes. Ces gouverneurs, magistrats absolus dont 
la paye ne s'‚lŠve pas … plus de vingt ‚cus par mois, sont naturellement 
aux ordres de la famille la plus consid‚rable du pays, qui, par ce moyen 
bien simple, opprime ses ennemis. Si les brigands ne r‚ussissaient pas 
toujours … punir ces petits gouverneurs despotes, du moins ils se 
moquaient d'eux et les bravaient, ce qui n'est pas peu de chose aux yeux 
de ce peuple spirituel. Un sonnet satirique le console de tous ses maux, 
et jamais il n'oublia une offense. Voil… une autre des diff‚rences 
capitales entre l'Italien et le Fran‡ais. * Gasparone, le dernier brigand, 
traita avec le gouvernement en 1826; il est enferm‚ dans la citadelle de 
Civita-Vecchia avec trente-deux de ses hommes. Ce fut le manque 
d'eau sur les sommets des Apennins, o— il s'‚tait r‚fugi‚, qui 
l'obligea … traiter. C'est un homme d'esprit, d'une figure assez 
revenante. 
Au seiziŠme siŠcle, le gouverneur d'un bourg avait-il condamn‚ … 
mort un pauvre habitant en butte … la haine de la famille pr‚pond‚rante, 
souvent on voyait les brigands attaquer la prison et essayer de d‚livrer 
l'opprim‚. De son c“t‚, la famille puissante, ne se fiant pas trop aux huit 
ou dix soldats du gouvernement charg‚s de garder la prison, levait … 
ses frais une troupe de soldats temporaires. Ceux-ci, qu'on appelait des 
bravi, bivaquaient dans les alentours de la prison, et se chargeaient 
d'escorter jusqu'au lieu du supplice le pauvre diable dont la mort avait 
‚t‚ achet‚e. Si cette famille puissante comptait un jeune homme dans 
son sein, il se mettait … la tˆte de ces soldats improvis‚s. 
Cet ‚tat de la civilisation fait g‚mir la morale, j'en conviens; de nos 
jours on a le duel, l'ennui, et les juges ne se vendent pas; mais ces 
usages du seiziŠme siŠcle ‚taient merveilleusement propres … cr‚er des 
hommes dignes de ce nom. 
Beaucoup d'historiens, lou‚s encore aujourd'hui par la litt‚rature 
routiniŠre des acad‚mies, ont cherch‚ … dissimuler cet ‚tat de choses, 
qui, vers 1550, forma de si grands caractŠres. De leur temps, leurs 
prudents mensonges furent r‚compens‚s par tous les honneurs dont 
pouvaient disposer les M‚dicis de Florence, les d'Este de Ferrare, les 
vice-rois de Naples, et Un pauvre historien, nomm‚ Giannone, a voulu
soulever un coin du voile; mais, comme il n'a os‚ dire qu'une trŠs petite 
partie de la v‚rit‚, et encore en employant des formes dubitatives et 
obscures, il est rest‚ fort ennuyeux, ce qui ne l'a pas empˆch‚ de mourir 
en prison … quatre-vingt-deux ans, le 7 mars 1758. 
La premiŠre chose … faire, lorsque l'on veut connaŒtre l'histoire 
d'Italie, c'est donc de ne point lire les auteurs g‚n‚ralement approuv‚s; 
nulle part on n'a mieux connu le prix du mensonge, nulle part, il ne fut 
mieux pay‚*. * Paul Jove, ‚vˆque de C“me, l'Ar‚tin et cent autres moins 
amusants, et que l'ennui qu'ils distribuent a sauv‚s de l'infamie, 
Robertson, Roscoe, sont remplis de mensonges. Guichardin se 
vendit … C“me Ier, qui se moqua de lui. De nos jours, Colletta et 
Pignotti ont dit la v‚rit‚, ce dernier avec la peur constante d'ˆtre destitu‚, 
quoique ne voulant ˆtre imprim‚ qu'aprŠs sa mort. 
Les premiŠres histoires qu'on ait ‚crites en Italie, aprŠs la grande 
barbarie du neuviŠme siŠcle, font d‚j… mention des brigands, et en 
parlent comme s'ils eussent exist‚ de    
    
		
	
	
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