LA. B. C. du libertaire | Page 8

Jules Lermina
homme d'arracher à la terre les ressources nécessaires à sa vie?
Alors celui qui n'a pas rongé son frein s'irrite à voir passer les oisifs qui le narguent; l'éblouissement que lui met aux yeux l'étincellement des richesses auxquelles il n'a aucune part, se mue en lueurs rouges dans son cerveau, et c'est lui que la Société appelle criminel, lorsqu'elle l'a incité, provoqué, bravé!...
Sous tout crime, quel qu'il soit, il y a, à la base, une crime de la société, et pour qu'elle s'arrogeat le droit de punir, il faudrait tout d'abord qu'elle se chatiat elle-même.
La propriété crée l'assassinat: le grand industriel est un dévoreur d'hommes, et il se soucie de leur vie comme de leurs revendications. Dans les hauts-fourneaux, dans les mines, le bétail humain peine et meurt; et chaque goutte de sueur qui tombe, chaque goutte de sang qui coule est par lui monnayée et entassée dans ses coffres.
Elle crée l'assassinat: car à qui lui prend sa vie, le sacrifié rêve de lui prendre la sienne. C'est la propriété, c'est le capital qui ont assassiné le malheureux Watrin, c'est l'égo?sme et la férocité capitalistes qui ont chargé les fusils de Fourmies et de Limoges; et les soldats tueurs ne sont que les exécuteurs des décrets de mort rendus par le capital.
Supprimer la propriété individuelle, c'est régénérer l'humanité, c'est rendre impossibles--parce qu'inutiles--toutes les révoltes dont les manifestations sont qualifiées de crimes: vols et meurtres.
Le jour où, la propriété étant collective, tout sera à tous, pourquoi voler autrui, puisque c'est se voler soi-même? Pourquoi exercer une reprise individuelle par la violence, meurtre ou assassinat, puisque cette reprise s'exercerait sur son propre bien?
Pourquoi envier autrui, puisque les ressources individuelles étant à la disposition de tous, il suffira de vouloir pour avoir?
Et n'oublie pas, Camarade, que ces désirs, ces passions dont l'explosion est au principe de tous les crimes, sont réellement créés, développés, entretenus par l'état de privation qui résulte pour la majorité de l'organisation propriétaire de la Société.
Suppose que tes besoins soient légitimement satisfaits, que tu aies--comme on dit--ton compte, crois-tu que ne diminueraient pas en toi ces appétits, parfois excessifs, que crée la souffrance de la perpétuelle pénurie?
Celui qui n'a pas faim, qui ne subit pas l'angoisse quotidienne du lendemain, celui qui est entouré, non point de luxe--on y viendrait plus tard--mais du confortable relatif sans lequel la vie est un supplice, celui-là n'est plus un envieux, ni un haineux. Il jouit de la vie et est heureux que les autres en jouissent comme lui.
* * *
La propriété crée la dépravation; ceci peut te para?tre étrange, parce que tu n'as peut-être jamais réfléchi que l'amour est gangréné jusqu'au fond par le sentiment propriétaire.
L'orientation générale des idées est faussée à ce point que la Société a inventé tout un code--de lois ou d'usages--en vertu duquel l'être humain n'est plus ma?tre de lui-même, de son corps, de ses désirs.
L'homme, affolé par le virus propriétaire, en est arrivé à ce degré d'erreur qu'il admet le droit de propriété d'un être sur un autre être, de l'homme sur la femme, de la femme sur l'homme; et la Société défend l'union de ces deux êtres si n'est intervenu un pacte de vente et d'achat, qu'elle appelle contrat de mariage. Et de ceux qui l'ont signé, chacun devient le propriétaire de l'autre, avec interdiction sous peine de prison--et même de mort--contre celui qui prétend rester ma?tre de sa personne, de sa chair, de son coeur.
En dehors même du mariage, l'amant s'affirme le ma?tre de sa ma?tresse et la tue si, lasse de lui, elle entend se donner à un autre; la ma?tresse poignarde ou défigure celui qui l'abandonne.
La Société nouvelle, te dira-t-on, sera impuissante contre les crimes passionnels. Non, Camarade. Elle les atténuera, jusqu'au jour où ils dispara?tront tout à fait. Comment? En proclamant le principe de la liberté dans l'amour comme dans les autres actes de la vie.
C'est l'esprit d'égo?sme, exploité par les religions, qui a souillé les manifestations de l'amour en les entourant d'on ne sait quelle apparence repoussante d'indécence et d'obscénité; dès que l'amour ne sera plus classé au nombre des choses défendues, le prurit malsain que les prohibitions développent et surexcitent diminuera de lui-même, et l'amour redeviendra ce qu'il aurait d? toujours être, l'exercice normal d'une faculté légitime. Les enfants ne seront plus la propriété des parents--qui ont déguisé leur tyrannie sous le nom de droit paternel, maternel, familial,--mais seront les membres de la collectivité et par conséquent investis, de par leur naissance même, du droit absolu à la vie, à la richesse, au bien-être universels.
* * *
Il n'est pas une seule des bases--c'est le mot consacré--de la Société qui ne soit étayée sur un tuf d'illusion ou de mensonge.
Ne te dissimule pas qu'à les saper on court des risques; les uns, par conservatisme intéressé, les autres par incompréhension les défendent avec acharnement, avec
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