jeune fille eut dévoré ces caractères, et tous ses 
membres frémirent d'épouvante. 
A cet instant, le son d'une trompette éveilla les échos du manoir. Laure 
se précipita à la fenêtre, ses regards se rivèrent sur l'esplanade qui 
longeait le pont-levis de l'entrée principale. 
--Le marquis de la Roche et Jean de Ganay! fit-elle avec effroi... Sainte 
Vierge! Bertrand est perdu! 
 
III
LE MANOIR 
Bâti sur le plateau d'un rocher abrupt, le manoir de la Roche était une 
des plus redoutables forteresses de la Bretagne. Sa configuration 
générale ressemblait à celle d'un trapèze, dont l'axe se dirigeait du 
sud-ouest au nord-ouest, et dont le petit côté s'étendait au nord-est. 
Cette configuration était décrite par une enceinte de remparts élevés de 
trente pieds. Derrière, on apercevait le château proprement dit. Quatre 
grosses ailes, en pierres de taille, reliées entre elles par des tours carrées, 
le composaient. Derrière encore, au centre d'une vaste cour, s'élançait, à 
vingt toises de hauteur, la citadelle, sorte de donjon octogonal couronné 
d'un diadème de tourelles à encorbellement. C'était là qu'on déposait les 
armes, les munitions, qu'on enfermait les prisonniers de guerre, qu'on 
se réfugiait dans les cas désespérés. Un fossé profond, taillé en biseau, 
dans le roc vif, et aux parois hérissées de pointes de fer, entourait le 
donjon à son pied. Cinq portes y conduisaient: les deux premières 
situées, sous une voûte, dans le rempart extérieur et séparées par une 
herse intermédiaire, les deux suivantes établies dans le corps de 
l'édifice habité, également séparées par une herse intermédiaire, et la 
cinquième pratiquée à la base du donjon. Nul fossé de circonvallation 
ne longeait les premières fortifications, posées à même sur des rochers 
perpendiculaires d'une escalade impossible. On ne pouvait arriver au 
château que par un sentier en zigzag, incrusté, pour ainsi dire, dans le 
flanc de la montagne et qui menait à un pont-levis sous lequel on avait 
creusé un puits très-profonds. Deux masses de granit, en forme de 
demi-lunes, pourvues de nombreux créneaux et de barbacanes, 
défendaient ce pont. 
Le château de la Roche avait été construit au treizième siècle par 
Aymon de la Roche à son retour des croisades. C'est assez dire que le 
style du monument appartenait à l'architecture féodale. 
Dès que le cor eut sonné, un archer parut sur la plate-forme de la porte. 
--Bretagne et Navarre! lui cria le marquis. 
Aussitôt on entendit un grincement de chaînes sur des treuils, et le pont
s'abaissa bruyamment. La cavalcade entra, le seigneur de la Roche en 
tête. Arrivé dans la cour d'honneur, il s'arrêta, donna quelques ordres 
concernant le captif, sauta, de cheval et fit signe à son écuyer de le 
suivre.--Prenant un large escalier, ils traversèrent bientôt la salle 
d'armes, et pénétrèrent dans une pièce déplus étroite dimension, 
contiguë à cette salle. 
C'était la chambre du marquis de la Roche-Gommard. 
Elle avait l'air bien sombre et bien austère, cette chambre! 
On eût dit de la cellule d'un dominicain. 
Rien pour flatter le regard..... Mais l'ameublement consistait en un lit de 
camp simplement couvert d'une peau d'ours, deux tables chargées de 
livres, cartes, mappemondes, instruments de physique et d'astronomie, 
quelques escabeaux et une cassette scellée dans la muraille blanchie à 
la chaux. Le seul ornement digne d'attention était un grand christ en 
bois noir, d'une exquise pureté de formes. On prétendait que ce christ 
était l'oeuvre du fameux Michel-Ange, qu'il avait été enlevé à l'église 
du Saint-Esprit, à l'époque des guerres d'Italie, et vendu cent marcs 
d'argent au père de Guillaume de la Roche. 
Le marquis avait pris un siège, tiré de son pourpoint un parchemin 
scellé aux armes de France et de Navarre, dont il parcourait la teneur, 
tandis que Jean de Ganay se tenait à quelques pas, dans une attitude 
respectueuse. 
Le parchemin renfermait ces lignes: 
«Nous, Henry, quatrième du nom, par la grâce de Dieu, roi de France et 
de Navarre, à notre ami et féal Troillus des Mesgonnets, chevalier de 
notre ordre conseiller en notre conseil et capitaine de cinquante 
hommes d'armes de nos ordonnances, le sieur de la Roche, marquis de 
Cotemmineal, baron de Las, vicomte de Caventon et Saint-Lô, en 
Normandie, vicomte de Travallet, sieur de la Roche-Gommard, et 
Quermolac, de Gornac, Benteguigno et Lescuit, conformément à la 
volonté du feu roi Henry troisième, avons créé lieutenant-général du
pays de Canada, Hochelaga, Terres-Neuves, rivière de la Grande-Baie, 
Norimbègne et terres adjacentes, aux conditions suivantes: 
»Que le sieur de la Roche aura particulièrement en vue d'établir la foi 
catholique; que son autorité s'étendra sur tous les gens de guerre, tant 
de mer que de terre: qu'il choisira les capitaines, maîtres de navires et 
pilotes: qu'il pourra les commander en tout ce qu'il jugera à propos, 
sans que, sous aucun prétexte, ils puissent refuser de lui obéir; qu'ils 
pourra disposer des navires et des équipages qu'il trouvera dans les 
ports de    
    
		
	
	
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