Journal des Goncourt (Deuxième volume)

Edmond de Goncourt
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Journal des Goncourt (Deuxième Volume)?by Edmond de Goncourt

The Project Gutenberg EBook of Journal des Goncourt (Deuxième Volume)
by Edmond de Goncourt Jules de Goncourt
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Title: Journal des Goncourt (Deuxième Volume) Memoires de la vie literaire
Author: Edmond de Goncourt Jules de Goncourt
Release Date: January 25, 2005 [EBook #14803]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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JOURNAL DES GONCOURT MéMOIRES DE LA VIE LITTéRAIRE
DEUXIèME VOLUME 1862-1865

PARIS, G. CHARPENTIER ET Cie, éDITEURS, 11, RUE DE GRENELLE. 1888, tous droits réservés.
QUATRIèME MILLE
IL A éTé TIRé: Cinquante exemplaires numérotés sur papier de Hollande. Prix: 7 fr.
Dix exemplaires numérotés sur papier du Japon. Prix: 12 fr.

JOURNAL DES GONCOURT

ANNéE 1862
1er janvier.--Le jour de l'an, pour nous, c'est le jour des morts. Notre coeur a froid et fait l'appel des absents.
Nous grimpons chez notre vieille cousine Cornélie, en sa pauvre petite chambre du cinquième. Elle est obligée de nous renvoyer, tant il vient la voir de dames, de collégiens, de gens, jeunes ou vieux, qui lui sont parents ou alliés. Elle n'a pas assez de sièges pour les asseoir, ni assez de place pour les garder longtemps. C'est un des beaux c?tés de la noblesse, qu'on n'y fuit pas la pauvreté. Dans les familles bourgeoises, il n'y a plus de parenté au-dessous d'une certaine position de fortune, au-dessus du quatrième étage d'une maison.
* * * * *
--Le pas d'un mendiant, auquel on n'a pas donné, et qui s'en va, vous laisse son bruit mourant dans le coeur.
* * * * *
--De quoi est faite très souvent la renommée d'un homme politique?--de grandes fautes sur un grand théatre! C'est être un grand homme d'état que de perdre une grande monarchie. On mesure l'homme à ce qu'il entra?ne avec lui.
* * * * *
--Une scène qui se passe devant moi à la Bibliothèque, et qui juge M. Thiers, ses livres et l'universalité de sa gloire.
Un quidam arrive: ?Je voudrais un roman.--On ne donne pas de romans.--Eh bien, alors, donnez-moi M. Thiers!--Quel ouvrage?--L'Histoire de France.--Il n'a pas fait d'histoire de France.--Alors, l'Histoire d'Angleterre.--Il n'a pas fait d'histoire d'Angleterre.?
Là-dessus le quidam s'en est allé avec un grand désappointement sur la figure.
* * * * *
10 janvier.--L'art n'est pas un, ou plut?t il n'y a pas un seul art. L'art japonais a ses beautés comme l'art grec. Au fond, qu'est-ce que l'art grec: c'est le réalisme du beau, la traduction rigoureuse du d'après nature antique, sans rien d'une idéalité que lui prêtent les professeurs d'art de l'Institut, car le torse du Vatican est un torse qui digère humainement, et non un torse s'alimentant d'ambroisie, comme voudrait le faire croire Winckelmann.
Toutefois dans le beau grec, il n'y a ni rêve, ni fantaisie, ni mystère, pas enfin ce grain d'opium, si montant, si hallucinant, et si curieusement énigmatique pour la cervelle d'un contemplateur.
* * * * *
--Ce temps-ci n'est point encore l'invasion des barbares, il n'est que l'invasion des saltimbanques.
* * * * *
--Je ne me rappelle plus ce que me racontait aujourd'hui ma ma?tresse, mais j'ai attrapé au milieu de son récit, se passant je ne sais où, cette réjouissante phrase: ?Je me serais trouvée mal, si j'avais osé!?
* * * * *
15 février.--Je me trouvais au quai Voltaire, chez France, le libraire. Un homme entra, marchanda un livre, le marchanda longtemps, sortit, rentra, le marchanda encore. C'était un gros homme, à mine carrée, avec des dandinements de maquignon. Il donna son adresse pour se faire envoyer le livre: M*** à Rambouillet.
--Ah! dit le libraire en écrivant, j'y étais en 1830 avec Charles X.
--Et moi, reprit le gros homme, j'y étais aussi... J'ai eu sa dernière signature. Vingt minutes avant que la députation du gouvernement provisoire arrivat... J'étais là avec mon cabriolet... Ah! il avait bien besoin d'argent... Il vendait son argenterie, et il ne la vendait pas cher... J'en ai eu vingt-cinq mille francs pour vingt-trois mille... Si j'étais arrivé plus t?t... Il en a vendu pour deux cent mille... C'est que j'avais quinze mille bouches à nourrir... sa garde. J'étais fournisseur.
--Ah! bien, s'écria le libraire, vous nous nourrissiez bien mal... Je me rappelle une pauvre vache, que nous avons tuée dans la campagne!
Le hasard les avait mis face à face, le vieux soldat de la garde de Charles X, et le fournisseur qui avait grappillé sur une infortune royale et acheté la vaisselle d'un roi aux abois: le soldat, pauvre libraire; le fournisseur, gros bourgeois épanoui, sonnant
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