heure, monsieur le curé. 
LE CURÉ. 
Demain, déjà! Je vous bénis de tout mon coeur et du fond du coeur, 
mes enfants. N'oubliez pas de prier le bon Dieu et la sainte Vierge de 
vous venir en aide dans tous vos embarras, dans vos privations, dans 
vos dangers, dans vos peines. Ce sont vos plus sûrs et vos plus 
puissants protecteurs.... Et quant à cette petite, mère Hélène, 
emmenez-la chez vous jusqu'à ce que sa mère revienne la chercher. Je 
vous l'enverrai si elle vient chez moi. 
«Et vous, mes enfants, continua-t-il en ouvrant un tiroir, voici un 
souvenir de moi qui vous sera une protection pendant votre voyage et 
pendant votre vie.» 
Il retira du tiroir deux cordons noirs avec des médailles de la sainte 
Vierge et les passa au cou de Jean et de Jeannot, qui les reçurent à 
genoux et baisèrent la main du bon curé. 
La petite fille avait fini de manger; elle recommença à demander sa 
maman. Hélène l'emmena après avoir pris congé de M. le curé; Jean et 
Jeannot la suivirent. Hélène espérait trouver la mère de la petite aux 
environs de l'église, devant laquelle ils devaient passez pour rentrer 
chez eux; mais, ni dans l'église ni à l'entour de l'église, elle ne vit 
personne qui réclamât l'enfant. 
La petite pleurait; Hélène soupirait. 
«Que vais-je faire de cette enfant? pensa-t-elle. Je n'ai pas les moyens 
de la garder. Je ne me suis pas séparée de mon pauvre petit Jean pour
prendre la charge d'une étrangère. Mais je suis bien sotte de m'inquiéter; 
le bon Dieu me l'a remise entre les mains, le bon Dieu me donnera de 
quoi la nourrir, si sa mère ne vient pas la rechercher.» 
Rassurée par cette pensée, Hélène ne s'en inquiéta plus; elle la coucha 
au pied de son lit, la couvrit de quelques vieilles hardes; le printemps 
était avancé, on était au mois de juin; il faisait beau et chaud. Les petits 
garçons se couchèrent; Jeannot s'établit dans le lit de son cousin, et 
Jean s'étendit près de lui. 
«C'est notre dernière nuit heureuse, maman, dit Jean en l'embrassant 
avant de se coucher. 
--Non, mon enfant, pas la dernière; laissons marcher le temps, qui passe 
bien vite, et nous nous retrouverons. Dors, mon petit Jean: il faudra se 
lever de bonne heure demain.» 
La petite fille dormait déjà, Jeannot s'endormait; Jean fut endormi peu 
d'instants après; la mère seule veilla, pleura et pria. 
 
II 
LA RENCONTRE 
Le lendemain au petit jour, Hélène se leva, fit deux petits paquets de 
provisions, les enveloppa avec le linge et les vêtements des enfants, et 
s'occupa de leur déjeuner; au lieu du pain sec, qui était leur déjeuner 
accoutumé, elle y ajouta une tasse de lait chaud. Aussi, quand ils furent 
éveillés, lavés et habillés, ce repas splendide dissipa la tristesse de Jean 
et les inquiétudes de Jeannot. La petite fille dormait encore. 
Le moment de la séparation arriva: Hélène embrassa dix fois, cent fois 
son cher petit Jean; elle embrassa Jeannot, les bénit tous deux, et fit 
voir à Jean plusieurs pièces d'argent qui se trouvaient dans la poche de 
sa veste. 
«Ce sont les braves gens, nos bons amis de Kérantré, qui t'ont fait ce
petit magot, pour reconnaître les petits services que tu leur as rendus, 
mon petit Jean. M. le curé y a mis aussi sa pièce.» 
Jean voulut remercier, mais les paroles ne sortaient pas de son gosier; il 
embrassa sa mère plus étroitement encore, sanglota un instant, s'arracha 
de ses bras, essuya ses yeux, et se mit en route comme son frère le 
sourire sur les lèvres, et sans tourner la tête pour jeter un dernier regard 
sur sa mère et sur sa demeure. 
«Je comprends, se dit-il, pourquoi Simon marchait si vite et ne se 
retournait pas pour nous regarder et nous sourire. Il pleurait et il voulait 
cacher ses larmes à maman. Pauvre mère! elle ne pleure pas; elle croit 
que je ne pleure pas non plus, que j'ai du courage, que j'ai le coeur 
joyeux, tout comme pour Simon. C'est mieux comme ça; le courage des 
autres vous en donne: je serais triste et malheureux si je pensais que 
maman eût du chagrin de mon départ. Elle croit que je serai heureux 
loin d'elle.... Calme, gai même, c'est possible; mais heureux, non. Sa 
tendresse et ses baisers me manqueront trop.» 
Pendant que Jean marchait au pas accéléré, qu'il réfléchissait, qu'il se 
donnait du courage et qu'il s'éloignait rapidement de tout ce que son 
coeur aimait et regrettait, Jeannot le suivait avec peine, pleurnichait, 
appelait Jean qui ne l'entendait pas, tremblait de rester en arrière et se 
désolait de quitter une famille qu'il n'aimait pas, une patrie qu'il ne 
regrettait pas, pour aller dans une ville qu'il craignait, à cause de son 
étendue, près d'un    
    
		
	
	
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