se présenta. 
--Mon gars, va à la découverte... et sache qui nous arrive. 
Le gars prêta l'oreille. 
--Je le sais, Madame... c'est mon maître Jean-Nu-Pieds qui revient. 
--Lui! dit la princesse, et elle regarda Fernande qui chancela. 
Aubin Ploguen, le lecteur l'a reconnu, se pencha vers Fernande, et lui 
dit, de manière que la princesse pût entendre: 
--Ne craignez rien, maîtresse. Ma Tante est bonne... ayez foi en elle. 
--Ah! tu connais donc ce qu'elle a à me demander? mon gars, dit 
Madame avec un sourire. 
--Je le sais. 
--Elle te l'a raconté? 
Aubin Ploguen s'inclina, puis: 
--C'est moi qui lui ai conseillé de venir, ajouta-t-il tranquillement. 
--Et tu as eu raison, mon gars: elle ne s'en repentira pas.
--C'est mon opinion. 
Madame se mit à rire. 
--Va dire à ton maître, reprit-elle, que je le prie de venir me trouver. 
Aubin Ploguen s'éloigna de la fenêtre que la princesse referma. 
--Quoi! Votre Altesse veut.. s'écria Fernande en pâlissant. 
--Retirez-vous au fond de la chambre, mademoiselle. J'ai ma mission: il 
faut que j'écoute ce que va me dire mon féal. 
Fernande recula dans le fond de la pièce, ainsi que le lui avait ordonné 
la princesse. 
L'humble chandelle ne répandait qu'une lueur tremblante qui 
assombrissait les deux tiers de la chambre. Mademoiselle Grégoire 
comprit que Jean la distinguerait à peine et, en tout cas, ne la 
reconnaîtrait point. 
En effet, M. de Kardigân entra presque immédiatement et vint saluer la 
princesse, attendant qu'elle lui adressât la parole. 
Madame, d'un coup d'oeil, s'était aperçue que la jeune fille ne verrait 
pas son incognito trahi. 
--Eh bien! marquis, dit-elle, avez-vous fait la reconnaissance? 
--Oui, Madame. 
--Avez-vous poussé jusqu'au château de la Pénissière? 
--Oui, Madame. J'y ai trouvé quelques-uns de nos amis. Ils attendaient 
les délégués du Midi. 
--Et rien de dangereux? 
--Je l'ignore. Sur la route nous avons aperçu un grand nombre de
soldats de ligne et quelques dragons. Je crains que le général 
Dermoncourt n'ait eu avis de la réunion royaliste qui doit s'y tenir 
demain. 
--Ah! murmura la princesse, en fronçant le sourcil, ceci est grave. Je 
tiendrais cependant à ce que l'entrevue de la Pénissière ne fût pas 
troublée. 
--Votre Altesse me permet-elle une observation? 
--Si je vous la permets? Je vous la demande, au contraire. Vous êtes de 
ceux, marquis, qui sont bons soldats dans la bataille, et bons juges dans 
le conseil. 
--Eh bien! Madame, il faudrait peut-être avertir vos amis de transporter 
la réunion ailleurs... à Clisson, par exemple. 
J'ai comme un pressentiment que nos ennemis pourraient bien diriger 
demain une colonne d'attaque contre le château. 
--En effet... 
--Il est environ minuit: Votre Altesse doit être écrasée de fatigue. Au 
surplus, demain dès la première heure, il sera encore temps de prendre 
une décision à cet égard. Si Madame le désire, M. de Charette, M. de 
Coislin et moi, nous pourrons nous réunir ici demain matin. 
--Très-bien! c'est en effet ce qu'il y de mieux à faire. 
--Alors... 
Jean faisait deux pas dans la direction de la porte: Madame étendit le 
doigt. 
--A propos, marquis, j'aurais besoin de vous dans un quart d'heure. 
--Je suis aux ordres de Madame. 
--Envoyez-moi donc votre serviteur... Comment le nommez-vous, ce
gars-là? Il a une figure qui me revient. 
--Aubin Ploguen, Madame; son père a été de ceux de la grande 
chouannerie. 
--Envoyez-le moi, continua la princesse, et dites-lui d'attendre là, sous 
ma fenêtre. Quand j'aurai besoin de vous, je n'aurai qu'à ouvrir la 
fenêtre pour dire à Aubin Ploguen d'aller vous chercher. 
Le marquis salua et sortit. 
--Allons, venez maintenant, mon enfant, dit Madame, tout haut, quand 
Jean-Nu-Pieds eut disparu, et achevez-moi votre récit. Votre père ne 
pouvant plus vous donner à un autre, votre fiancé et vous vous aimant, 
de qui pouvait venir le refus à votre mariage? 
Fernande répondit en relevant le front, non sans fierté: 
--De lui d'abord, de moi ensuite. 
--De lui et de vous? Je ne comprends plus, alors... 
--Ah! Madame, il y a une fatalité entre nous, la fatalité du crime! Il y 
avait dans le passé de mon père... un acte que moi, sa fille, je n'ai pas le 
droit de juger, mais que, chrétienne, je condamne. 
Fernande tira de sa poche un papier; c'était la copie du testament de M. 
de Kardigân que Jean lui avait envoyée naguères. 
--Lisez, Madame, dit-elle. 
La princesse, étonnée, ne comprenait pas. 
Alors, la jeune fille déplia le papier et lut elle-même: 
«Vous ne devez jamais vous laisser aller aux concessions du siècle. Il 
est des hommes que vous devez haïr. Mon fils, qu'il n'y ait jamais rien 
de commun entre vous et ceux qui ont renversé le Roi.
Quant à ceux qui vivent encore parmi les régicides, votre devoir est de 
les punir si Dieu le permet. Je ne vous dis pas que je vous défends de 
faire commerce    
    
		
	
	
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