Jean Ziska | Page 4

George Sand
beau matin, en 1393, l'empereur Wenceslas fut mis aux arr��ts dans la maison de ville, ni plus ni moins qu'un ivrogne ramass�� par la patrouille. Il s'en ��chappa tout nu dans un bateau, o�� une femme du peuple le recueillit, �� telles enseignes qu'il en fit, dit-on, sa femme. Cependant Sigismond, levant le masque, fondait sur la Boh��me. Les Boh��miens relev��rent leur fant?me de roi pour tenir l'usurpateur en respect et le repousser. Wenceslas n'en fut pas plus sage, et se mit en besogne de vendre son royaume pour boire. Il commen?a par la Lombardie, qui ��tait un fief de l'Empire et qu'il donna �� Jean Gal��as Visconti pour 150,000 ��cus d'or. Il avait d��j�� perdu les villes, forts et chateaux de la Bavi��re, que Rupert, l'��lecteur palatin, lui avait enlev��s; si bien que, traduit au ban de l'Empire, d��clar�� relaps, ha? des siens, m��pris�� de tous, d��pos�� le lendemain de son nouveau mariage avec Sophie de Bavi��re, il se trouva, en 1400, r��duit �� sa petite Boh��me. Pour un prince juste, aim�� de son peuple, c'e?t ��t�� pourtant une forteresse inexpugnable. La division et le morcellement des plus grandes puissances spirituelles et temporelles prouvait bien alors qu'il n'y avait plus de force que dans le sentiment national de quelques races chevaleresques. Mais Wenceslas ne savait et ne pouvait s'appuyer sur rien. En 1401, ?revenu �� son mauvais naturel,? il fut pris par les grands et enferm�� dans la tour noire du palais de Prague. Transf��r�� dans diverses forteresses, il alla passer un an en captivit�� �� Vienne, d'o�� il s'��chappa encore dans un bateau. La Boh��me l'accueillit encore, parce que Sigismond d��solait le pays avec une arm��e de Hongrois. ?Ils y firent des d��sordres inexprimables, tuant et violant partout o�� ils passaient. Ils enlevaient, sur leurs selles, de jeunes gar?ons et de jeunes filles, et les vendaient comme des chevreuils. Sigismond ne se montra pas moins cruel que ses gens; ne pouvant venir �� bout de prendre un fort qu'il avait assi��g��, il en tira sous de belles promesses, le jeune Procope, marquis de Moravie, prince du sang, et le fit attacher �� une machine de guerre qui ��tait devant la muraille, afin que les assi��g��s fussent contraints de tuer leur ma?tre �� coups de fl��ches.? Cet infortun�� ayant surv��cu �� ses blessures, Sigismond le fit conduire �� Brauna et l'y laissa mourir de faim.
Wenceslas n'eut qu'�� se montrer aux intr��pides Boh��miens pour que Sigismond f?t repouss��; mais plusieurs des principales places fortes de la Boh��me rest��rent entre ses mains, et l'on peut dire que jusqu'�� la guerre des Hussites, cette nation gouvern��e par un fant?me, et surveill��e par un ennemi int��rieur, fit l'apprentissage du gouvernement r��publicain qu'elle r��vait depuis longtemps et qu'elle allait essayer de mettre en pratique. Pendant cette sorte d'interr��gne, qui dura encore une quinzaine d'ann��es, si l'anarchie gagna les institutions et paralysa les moyens de d��veloppement mat��riel, il se fit en revanche un grand travail de recomposition dans les id��es religieuses et sociales. L'esprit r��formateur, qui, sous divers noms et sous diverses formes, fermentait en France, en Hollande, en Angleterre, en Italie et en Allemagne depuis plusieurs si��cles, commen?a �� asseoir son si��ge en Boh��me, et �� pr��parer ces grandes luttes que hataient l'��tablissement et l'exercice de l'inquisition. Quelques souvenirs historiques sont indispensables ici pour faire comprendre la courte mission de Jean Huss (de 1407 �� 1415), l'influence prodigieuse que dans l'espace de ces sept ann��es il exer?a sur son pays, enfin le retentissement inou? de son martyre, que les quatorze sanglantes ann��es de la guerre hussite firent si cruellement expier au parti catholique.
La race slave des Tch��ques, que nous appelons �� tort les Boh��miens[5], avait conserv�� ces institutions sorties de son propre esprit, et n'avait subi aucun joug ��tranger depuis le temps de sa reine Libussa, jusqu'apr��s celui de Wenceslas V, au commencement du quatorzi��me si��cle. La dynastie des Przemysl ducs de Boh��me, avait donc dur�� six si��cles. Le premier des Przemysl, tige de cette race illustre, fut, dit-on, un simple laboureur, que la reine Libussa tira de la charrue (comme Rome en avait tir�� Cincinnatus), pour en faire son ��poux et le chef de son peuple. La l��gende na?ve et touchante de l'antique Boh��me rapporte qu'elle lui fit conserver ses gros souliers de paysan, et qu'il les l��gua au fils qui lui succ��dait, afin qu'il n'oubliat point sa rustique origine et les devoirs qu'elle lui imposait[6]. Wladislas II fut le second de ses descendants qui porta le titre de roi. Ce titre lui fut conf��r�� par Fr��d��ric Barberousse. Mais il semble que ce fut pour cette race le signal de la fatalit��. L'esprit conqu��rant qui s'emparait des souverains de la Boh��me devait, suivant la loi ��ternelle, d��truire la nationalit�� de leur domination. Przemysl-Ottokar II poss��da, avec la Boh��me, l'Autriche, la Carniole, l'Istrie, la
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