de laboratoire qui, aux Charmettes le rendit aveugle, dit-il, pendant six semaines). En somme, et pour ne retenir que ses maux durables: r��tention d'urine (soit par vice de conformation, soit par mouvements spasmodiques), neurasth��nie profonde, art��rio-scl��rose, voil�� son lot.
Il est ais�� de voir la r��percussion de ces mis��res physiques sur son ��tre moral.
D'abord sa neurasth��nie nous fournit l'explication la plus indulgente des menus vols de son enfance et de sa jeunesse, et aussi de certains actes d'impudence et de hablerie, comme lorsque, �� Lausanne, il compose et donne un concert sans savoir la musique, ou lorsque, pendant son voyage de Montpellier, il se fait passer pour un Anglais jacobite sans savoir un mot d'anglais. Sa neurasth��nie permet de substituer aux mots d��sobligeants de menteur et de voleur ceux de ?simulateur? et de ?cleptomane?.
Puis, il se peut que la premi��re de ses infirmit��s ait contribu�� �� son go?t de la solitude et notamment de la promenade �� pied, et de la promenade solitaire, et de la promenade dans la campagne et dans les bois, o�� l'on n'est g��n�� par personne, o�� l'on peut s'arr��ter quand on veut. Il nous dira lui-m��me qu'apr��s le succ��s du Devin du Village, ce fut cette infirmit��, plus que sa fiert�� d'homme libre, qui l'emp��cha de demander une audience au roi.
Mais surtout ses maux physiques ont profond��ment agi sur sa sensibilit��, sur sa vie passionnelle, et par cons��quent sur ses livres eux-m��mes.
La vie passionnelle de Jean-Jacques est bien curieuse et bien triste. Sa sensualit�� s'��veille �� dix ans, sous la fess��e qu'il re?oit de mademoiselle Lambercier (une fille de trente ans). Je ne puis d��cid��ment descendre dans les d��tails et dans ce qu'il appelle ?le labyrinthe obscur et fangeux de ses confessions?. Mais il faut pourtant indiquer ce qui est. Il a une enfance et une adolescence vicieuses: les jeux avec mademoiselle Gothon, ses d��testables habitudes, ses extravagances exhibitionnistes �� Turin, dans les all��es sombres et pr��s de ce puits o�� les jeunes filles viennent chercher de l'eau. Et avec cela, corrompu et d'une d��pravation maladive, il garde jusqu'�� vingt-deux ans ce que j'appellerai son innocence. Pourquoi? Par une timidit�� qui est ��videmment un effet de son ��tat pathologique. C'est pour cela qu'�� vingt-deux ans, �� la fois vicieux et intact, il arrive aux bras de madame de Warens pour y conna?tre l'amour dans des conditions qu'il n'est gu��re possible de ne pas qualifier de d��shonorantes. C'est pour cela aussi que, madame de Warens et Th��r��se mises �� part, Jean-Jacques n'a eu de sa vie d'autre ?aventure d'amour? que sa rencontre avec madame de Larnage, laquelle, il est vrai, y mit beaucoup du sien, car il crut d'abord qu'elle voulait se moquer de lui. (Le pauvre Jean-Jacques raconte cette unique aventure avec orgueil, et il ajoute: ?Je puis dire que je dois �� madame de Larnage de ne pas mourir sans avoir connu le plaisir.?)--Et c'est pour cela encore que, plus tard, il se condamnera �� Th��r��se. Et ces choses en expliquent d'autres, soit dans la Nouvelle H��lo?se, soit m��me dans l'��mile.
(Je n'oublie pas d'ailleurs qu'�� cette timidit�� nous devons la grace de son idylle chez madame Basile, la petite marchande italienne.)
J'ai nomm�� plusieurs fois madame de Warens. Elle est assez singuli��re pour qu'on d?t s'arr��ter sur elle. Mais vous la connaissez. Je n'ai pas �� vous rappeler sa naissance protestante, son mariage, sa fuite de Vevey, �� la suite d'on ne sait trop quel incident domestique, son recours au roi de Sardaigne, sous les auspices de qui elle se convertit au catholicisme et qui lui fait une pension de deux mille francs. Elle travaillait elle-m��me dans les conversions (comme on le voit par sa premi��re rencontre avec Jean-Jacques), quoique son catholicisme fut extr��mement latitudinaire. Elle ��tait d'une activit�� brouillonne, s'occupait de pharmacie et de chimie, d��sordonn��e, chim��rique, cr��dule aux aventuriers et aux inventeurs, et toujours dans les entreprises.--En amour, un vieux monsieur lui avait appris dans sa jeunesse que l'acte est chose indiff��rente en soi, et elle l'avait cru. Elle se donnait �� ses amis pour leur faire plaisir et pour se les attacher, et elle n'��tait pas regardante sur leur condition sociale. Elle se disait, avec cela, de temp��rament froid. Bref, elle ��tait en amour un homme,--un peu comme notre George Sand, mais moins d��cemment: car madame de Warens ne redoutait pas d'��tre indulgente �� plusieurs �� la fois.
Rousseau l'a aim��e profond��ment; mais la nature de cette affection est bien marqu��e par les noms qu'ils se donnaient: ?maman? et ?petit?. La premi��re fois qu'il la voit, elle a vingt-huit ans, il en a seize. C'est un petit vagabond totalement abandonn��, tr��s timide. Elle est la premi��re femme ��l��gante et belle, et riche (�� ses yeux) qu'il ait rencontr��e. Et tout de suite elle est bonne pour lui, et d'une bont�� simple et maternelle. Elle

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