Jane Eyre | Page 7

Charlotte Brontë
des pas se diriger de ce c?té; la clef tourna; Bessie et Mlle Abbot entrèrent.
?Mademoiselle Eyre, êtes-vous malade? demanda Bessie.
-- Quel bruit épouvantable! J'en ai été toute saisie, s'écria Mlle Abbot.
-- Emmenez-moi, laissez-moi aller dans la chambre des enfants, répondis-je en criant.
-- Pourquoi? êtes-vous malade? avez-vous vu quelque chose? demanda de nouveau Bessie.
-- Oh! j'ai vu une lumière et j'ai cru qu'un fant?me allait venir.?
Je m'étais emparée de la main de Bessie, et elle ne me la retira pas.
?Elle a crié sans nécessité, déclara Mlle Abbot avec une sorte de dégo?t; et quels cris! On aurait pu l'excuser si elle avait beaucoup souffert, mais elle voulait seulement nous faire venir. Je connais sa méchanceté et sa malice.
-- Que signifie tout ceci?? demanda une voix impérieuse; et Mme Reed arriva par le corridor.
Son bonnet était soulevé par le vent, et sa marche précipitée agitait violemment sa robe.
?Bessie et Abbot, j'avais donné ordre de laisser Jane dans la chambre jusqu'au moment où je viendrais la chercher moi-même.
-- Madame, Mlle Jane criait si fort! hasarda Bessie.
-- Laissez-la, répondit-on. Allons, enfant, lachez la main de Bessie; soyez certaine que vous ne réussirez pas par de tels moyens. Je déteste l'hypocrisie, particulièrement chez les enfants, et il est de mon devoir de vous prouver que vous n'obtiendrez pas de votre ruse ce que vous en attendiez; vous resterez ici une heure de plus, et ce n'est qu'à condition d'une soumission et d'une tranquillité parfaites que vous recouvrerez votre liberté.
-- Oh! ma tante, ayez pitié de moi, pardonnez-moi; je ne puis plus souffrir tout ceci; punissez-moi d'une autre manière; je vais mourir ici...
-- Taisez-vous, votre violence me fait horreur!?
Et sans doute elle le pensait; à ses yeux j'étais une comédienne précoce; elle me regardait sincèrement comme un être chez lequel se trouvaient mélangés des passions emportées, un esprit bas et une hypocrisie dangereuse.
Bessie et Abbot s'étaient retirées.
Mme Reed, impatientée de mes terreurs et de mes sanglots, me repoussa brusquement dans la chambre, et me renferma sans me dire un seul mot. Je l'entendis partir. Je suppose que j'eus alors une sorte d'évanouissement, car je n'ai pas conscience de ce qui suivit.

CHAPITRE III
Dès que la sensation se réveilla en moi, il me sembla que je sortais d'un effrayant cauchemar, et que je voyais devant mes yeux une lueur rougeatre rayée de barres noires et épaisses. J'entendis des voix qui parlaient bas et que couvrait le murmure du vent ou de l'eau. L'agitation, l'incertitude, et par-dessus tout un sentiment de terreur, avaient jeté la confusion dans mes facultés. Au bout de peu de temps, je sentis quelqu'un s'approcher de moi, me soulever et me placer dans une position commode. Personne ne m'avait jamais traitée avec autant de sollicitude; ma tête était appuyée contre un oreiller ou posée sur un bras. Je me trouvais à mon aise.
Cinq minutes après, le nuage était dissipé. Je m'aper?us que j'étais cachée dans mon lit et que la lueur rougeatre venait du feu. La nuit était tombée, une chandelle br?lait sur la table; Bessie, debout au pied du lit, tenait dans sa main un vase plein d'eau, et un monsieur, assis sur une chaise près de mon oreiller, se penchait vers moi.
J'éprouvai un inexprimable soulagement, une douce conviction que j'étais protégée, lorsque je m'aper?us qu'il y avait un inconnu dans la chambre, un étranger qui n'habitait pas le chateau de Gateshead et qui n'appartenait pas à la famille de Mme Reed. Détournant mon regard de Bessie (quoique sa présence f?t pour moi bien moins gênante que ne l'aurait été par exemple celle de Mlle Abbot), j'examinai la figure de l'étranger; je le reconnus: c'était M. Loyd, le pharmacien. Mme Reed l'appelait quelquefois quand les domestiques se trouvaient indisposés; pour elle et pour ses enfants, elle avait recours à un médecin.
?Qui suis-je?? me demanda M. Loyd.
Je pronon?ai son nom en lui tendant la main. Il la prit et me dit avec un sourire:
?Tout ira bien dans peu de temps.?
Puis il m'étendit soigneusement, recommandant à Bessie de veiller à ce que je ne fusse pas dérangée pendant la nuit. Après avoir donné quelques indications et déclaré qu'il reviendrait le jour suivant, il partit, à mon grand regret. Je me sentais si protégée, si soignée, pendant qu'il se tenait assis sur cette chaise au chevet de mon lit! Quand il eut fermé la porte derrière lui, la chambre s'obscurcit pour moi, et mon coeur s'affaissa de nouveau. Une inexprimable tristesse pesait sur lui.
?Vous sentez-vous besoin de sommeil, mademoiselle? demanda Bessie presque doucement.
-- Pas beaucoup, hasardai-je, car je craignais de m'attirer une parole dure; cependant j'essayerai de dormir.
-- Désirez-vous boire, ou croyez-vous pouvoir manger un peu?
-- Non, Bessie, je vous remercie.
-- Alors je vais aller me coucher, car il est minuit passé; mais vous pourrez m'appeler si vous avez besoin de quelque chose pendant la nuit.?
Quelle merveilleuse
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