faite en riant et dont, je vous l'affirme, Defodon n'était nullement 
effrayé. 
D.--Malgré ces explications, il ressort de l'enquête que vous avez 
toujours été d'un caractère violent. 
R.--Je ne suis pas un mouton, mais je ne suis pas un tigre. 
D.--Je fais encore une fois appel à votre franchise: dans la soirée du 23 
avril, une discussion s'est-elle, oui ou non, élevée entre vous et
Defodon?... 
R.--Non. 
D.--Vous persistez à dire qu'il s'est jeté sur vous sans provocation, et 
que c'est seulement en vous défendant que vous lui avez donné la mort? 
R.--Je le jure. 
LE PRÉSIDENT.--Messieurs les jurés apprécieront. Nous allons 
entendre les témoins. 
 
IV 
L'interrogatoire avait produit sur l'auditoire une pénible impression; 
plusieurs fois des murmures s'étaient élevés aux réponses de l'accusé, 
qui, d'ailleurs, protestait sans énergie contre l'accusation; il semblait 
n'attacher au drame qu'une importance secondaire et paraissait ressentir 
pour la victime l'indifférence qu'il s'attachait à montrer pour sa 
maîtresse. Il n'y avait aucune forfanterie dans la façon dont il 
s'exprimait. Il répondait avec la précipitation d'un homme à qui il tarde 
d'échapper à une formalité ennuyeuse. 
Pendant la courte suspension d'audience qui suivit l'interrogatoire, je 
demandai à Maurice ce qu'il pensait de tout cela. 
--Oh! oh! me dit-il, vous allez vite en besogne. Ne pensons jamais si 
promptement. Laissons-nous d'abord entraîner à l'impression du 
moment. 
--J'avoue, interrompis-je, que cette première impression est absolument 
défavorable à l'accusé... 
--Qui vous dit que je ne sois pas de votre avis? Nous avons choisi cette 
affaire au hasard; sa simplicité peut rendre inutiles toutes recherches de 
notre part. En tout cas, nous ne perdons pas notre temps. Écoutons et 
attendons.
L'audition des témoins commença. 
TREMPLIER, concierge de la maison, répéta les détails déjà consignés 
dans l'acte d'accusation; il avait vu Beaujon s'élancer, nu-tête, hors de la 
maison. Un mouvement irraisonné l'avait porté à l'arrêter au passage. Il 
n'avait d'ailleurs aucun soupçon. Mais l'attitude de Beaujon lui 
paraissait extraordinaire. 
D.--N'a-t-il prononcé aucune parole au moment où vous l'avez arrêté? 
R.--Non, il se débattait en poussant des cris inarticulés. Je le croyais 
fou. 
D.--Quel était le caractère de Defodon? 
R.--C'était un brave jeune homme, mais un peu trop noceur, d'autant 
qu'il était d'une mauvaise santé; il avait à tout moment des mouvements 
nerveux, quand une porte se fermait trop fort, au moindre bruit... mais 
c'était un bon garçon, et pas chiche du tout... 
D.--Que savez-vous sur les relations de l'accusé avec la fille Gangrelot? 
R.--Ah! ça, c'est une traînée comme il y en a beaucoup (ici quelques 
expressions trop pittoresques qui excitent l'hilarité et que nous nous 
abstenons de reproduire). 
D.--Les deux jeunes gens se cachaient-ils l'un de l'autre dans leurs 
relations avec elle? 
R.--Pour ça, je n'en sais rien... je crois pourtant qu'elle aimait mieux M. 
Defodon. 
Trois personnes avaient entendu du bruit dans la chambre de Defodon 
et étaient accourues les premières aux cris poussés par Beaujon. 
LA DEMOISELLE RATEAU (Émilie), dix-neuf ans, sans profession, 
était occupée, dit-elle, lorsque des cris s'échappèrent de la chambre qui 
n'est séparée de la sienne que par une cloison. La personne qui était 
avec elle s'élança au dehors et elle la suivit.
Elle a trouvé Defodon étendu par terre en chemise. Il ne remuait plus. 
D.--Avez-vous entendu parler haut... quelque chose comme une 
querelle? 
La demoiselle Rateau hésite, puis répond en baissant la voix, qu'elle ne 
faisait pas attention, à ce moment-là, à ce qui se passait à côté. 
Le sieur BARNIOLI (Giacomo), rentier, quarante-cinq ans, était en 
visite chez la fille Rateau. Il affirme avoir entendu des éclats de voix 
qui lui semblent, bien qu'il ne puisse l'affirmer, indiquer une querelle. 
Puis une porte s'était ouverte violemment, et quelqu'un s'était élancé sur 
l'escalier. Il a cru alors à un accident, et obéissant à une première 
impulsion, s'est élancé pour porter secours si cela était nécessaire. 
À une question du président, qui insiste sur le point de savoir s'il y avait 
ou non querelle, le sieur Barnioli répond qu'il n'a pas bien remarqué, 
mais que cependant les éclats de voix ne lui ont pas paru résulter d'une 
conversation amicale. 
LAVORIT (Gustave), étudiant, vingt-trois ans, travaillait dans sa 
chambre, au-dessus de celle qu'occupaient en ce moment ces deux 
jeunes gens. Il a entendu du bruit et est rapidement descendu. Il a 
trouvé Defodon sans mouvement. 
Le DOCTEUR MERCIER, trente ans, habite la maison. On est allé 
aussitôt le chercher, et il a tenté de donner à Defodon les premiers soins. 
Mais il a reconnu aussitôt que tout effort était inutile. Les marques des 
doigts étaient très visibles sur le cadavre. Defodon était vêtu seulement 
de sa chemise, les jambes et les pieds nus. Évidemment, il s'était levé 
précipitamment ou avait été tiré de son lit. Les couvertures étaient 
rejetées, le tapis dérangé. 
Lorsque Beaujon est remonté, ramené par le concierge, il était 
extrêmement pâle, et, au premier    
    
		
	
	
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