Histoire de deux enfants douvrier | Page 8

Hendrik Conscience
la table, couverte avec autant de propret�� et de coquetterie que si ces pauvres gens allaient manger des mets exquis sur des assiettes de porcelaine et avec des cuillers en argent. Et cependant ils n'allaient manger que des pommes de terre ��tuv��es, dans des assiettes grossi��res, avec des fourchettes de fer; sans compter la petite sole frite, qui r��pandait un fumet app��tissant et qui occupait le milieu de la table comme une pi��ce d'honneur ou plut?t comme un cadeau d'amiti��.
Tous ensemble firent le signe de la croix et remerci��rent Dieu en silence; apr��s quoi, ils se mirent �� manger avec app��tit. Seulement, lorsque le poisson allait ��tre entam��, le silence fut un peu troubl��. Damhout ne pouvait pas se d��cider �� manger �� lui seul la sole, si petite qu'elle f?t; il voulait partager la friture avec sa femme et ses enfants; mais la femme pr��tendait qu'elle l'avait achet��e pour lui seul et qu'il lui ferait de la peine en insistant plus longtemps. Quoique les enfants, pr��venus par la m��re, insistassent avec elle, la discussion se termina �� l'amiable par le partage du poisson entre tous les membres de la famille.
Imm��diatement apr��s le souper, la nappe fut pli��e et tout disparut en un clin d'oeil de la table.
La femme s'assit �� la droite de son mari et commen?a �� parler avec lui du travail et de la fabrique; les deux petites filles grimp��rent sur les genoux du p��re. Bavon se tenait �� sa gauche, le livre �� la main, et attendait que ses parents eussent fini de causer.
C'��tait un spectacle simple et ��mouvant que de voir cet ouvrier, dans ses v��tements us��s et souill��s par le travail, tenant sur ses genoux deux petits anges si propres et si souriants, entre une femme ch��rie et un fils studieux qui levait vers lui un regard respectueux et suppliant.
--Ch��re p��re, puis-je lire? demanda enfin le petit gar?on. Nous avons re?u aujourd'hui une si belle le?on! Je ne sais pas si je la sais bien, mais je ferai de mon mieux.
--Oui, Bavon, lis ta le?on devant ton p��re, dit la femme.
Le fils ouvrit son livre et lut avec une certaine difficult�� et quelques interruptions, mais assez distinctement pour ��tre compris:
?Mes enfants, voulez-vous ��tre b��nis de Dieu sur la terre, honorez votre p��re et votre m��re. Ils vous ch��rissent comme la lumi��re de leurs yeux; ils travaillent pour vous du matin au soir; le seul but de leurs efforts, de leurs soins et de leurs pri��res n'est que votre bonheur. Aimez-les tendrement, soyez-leur soumis et restez-leur reconnaissants; devenez le soutien et la joie de leurs vieux jours, et r��compensez ainsi l'amour paternel, cette abn��gation pure et presque divine.?
Cette lecture parut faire une mauvaise impression sur l'esprit de Damhout; elle lui rappelait ce que Wildenslag lui avait dit et donnait de nouvelles forces �� la crainte que son ami avait, pour la vingti��me fois, r��veill��e en lui. Son visage devint s��rieux et il secoua la t��te d'un air pensif.
--Bavon, comprends-tu ce que tu viens de lire? demanda-t-il apr��s un instant de r��flexion.
--Oui, cher p��re, r��pondit l'enfant. Cela veut dire que vous travaillez pour moi, et que je dois toujours vous aimer, vous et ma m��re.
--Jusque dans nos vieux jours, Bavon.
--Oui, p��re, jusque dans vos vieux jours, aussi longtemps que je vivrai.
--Et le feras-tu, mon enfant?
Le petit gar?on regarda son p��re d'un air ��tonn��, mais ne r��pondit pas, comme s'il ne concevait pas son doute.
--C'est bien, Bavon, dit Damhout; tu es sage. Reste toujours ainsi et n'oublie jamais ce qui est ��crit dans ton livre; sinon, Dieu te punira.
Il y eut un moment de silence; la femme ��piait la physionomie de son mari, qui semblait absorb�� dans de sombres pens��es.
--Adrien, murmura-t-elle, qu'as-tu donc, cher homme? Tu parais si pensif! Je l'ai remarqu�� d��s que tu es entr��. Tu as quelque chose en t��te. As-tu du chagrin?
--Je n'ai pas de chagrin, Christine, r��pondit-il; mais il y a pourtant quelque chose qui me chiffonne. Les camarades vont quelquefois boire ensemble une pinte de bi��re; ils rient, causent et s'amusent un peu apr��s le long travail de la semaine. Je suis toujours �� la maison comme si j'��tais d'un autre monde, et les amis se moquent de moi. Peut-��tre est-ce insens�� de sacrifier ainsi toute sa vie, sans savoir ce qu'il en adviendra par la suite.
Quoique ces paroles l'��tonnassent, la femme prit une pi��ce d'argent de sa poche et la tendit �� son mari en souriant amicalement.
--Mon cher Damhout, dit-elle, tu ne dois pas te priver pour moi: voici de l'argent. Si tu d��sires passer quelques heures avec tes camarades, satisfais ton envie. Va, cela me fera plaisir, de savoir que tu t'amuses.
Mais l'homme, comme honteux de son murmure, repoussa doucement sa main.
--Non, garde l'argent, dit-il, mon envie est pass��e... Cependant, Christine, ce soir, les amis c��l��brent le jubil�� de
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