Histoire de St. Louis, Roi de France | Page 2

Richard de Bury
femme fut néanmoins de la fête, ainsi que la comtesse de Flandre, qui se disputèrent entre elles le droit de porter l'épée devant le roi, comme représentant leurs maris absens. Mais, sur le refus qu'on leur en fit, elles consentirent que Philippe, comte de Boulogne, oncle du roi, e?t cet honneur, sans préjudice de leurs droits, ou plut?t de ceux de leurs maris.
L'affront qu'on venait de faire au comte de Champagne ne pouvait manquer, vu son caractère brouillon, de le jeter dans le parti des factieux, et il semble qu'il e?t été de la prudence de ne lui en pas donner l'occasion. Mais ou l'on savait qu'il y était déjà, ou la reine régente ne se crut pas assez d'autorité pour obtenir des grands seigneurs assemblés qu'il n'en f?t pas exclu: peut-être aussi ne fut-elle pas fachée de voir mortifier un seigneur qui avait eu la hardiesse de lui témoigner de l'amour.
Quoi qu'il en soit, il fut un des premiers qui fit ouvertement des préparatifs pour la révolte, de concert avec deux autres seigneurs mécontens: c'étaient Pierre de Dreux, comte de Bretagne, surnommé Mauclerc[1], auquel Philippe-Auguste avait fait épouser l'héritière de ce comté; et Hugues de Lusignan, comte de la Marche, qui avait épousé Isabelle, fille d'Aymard, comte d'Angoulême, veuve de Jean-Sans-Terre, roi d'Angleterre, mère de Henri III, qui y régnait alors.
[Note 1: C'est-à-dire, suivant le langage du temps, homme malin et méchant.]
Comme l'archevêché de Reims était alors vacant, ce fut de Jacques de Bazoche, son suffragant, évêque de Soissons, que Louis re?ut cette onction qui rend les rois sacrés pour les peuples. Quoiqu'il f?t encore bien jeune, il était déjà assez instruit pour ne pas regarder cette action comme une simple cérémonie[2]. Il ne put faire, sans trembler, le serment de n'employer sa puissance que pour la gloire de Dieu, pour la défense de l'Eglise et pour le bien de ses peuples. Il s'appliqua ces paroles qui commencent la messe ce jour-là, et dont David se servait pour dire: Qu'il mettait en Dieu toute sa confiance, et qu'il s'assurait d'être exaucé.
[Note 2: Joinville, p. 15.]
Comme cette cérémonie est trop connue pour nous arrêter à la décrire, je dirai seulement que, lorsqu'elle fut finie, on fit asseoir le roi sur un tr?ne richement paré, que l'on mit entre ses mains le sceptre et la main de justice, et qu'ensuite tous les grands seigneurs et prélats, qui étaient présens, lui prêtèrent serment de fidélité, ainsi qu'à la reine sa mère, pour le temps que sa régence durerait.
Dès le lendemain, la reine partit pour ramener le roi à Paris; elle souhaita qu'il n'y e?t aucunes marques de réjouissances, comme il n'y en avait point eu à Reims: car, quelque satisfaction qu'elle e?t de voir régner son fils, rien n'effa?ait de son coeur le regret dont elle était pénétrée de la perte qu'elle venait de faire. D'ailleurs l'affliction était si générale, que les grands et le peuple n'eurent pas de peine à suspendre les mouvemens de leur joie, et la sagesse de la régente ne lui permettait pas de perdre en vains amusemens un temps dont elle avait besoin pour arrêter et éteindre les factions qui se formaient dans l'état.
Caractère de la régente.
Blanche de Castille était une princesse dont la prudence, la présence d'esprit, l'activité, la fermeté, le courage et la sage politique, rendront à jamais la mémoire chère et respectable aux Fran?ais. Elle s'appliqua uniquement à dissiper les orages qui se formaient contre l'état: elle n'eut d'autres vues que de conserver à son fils les serviteurs qui lui étaient restés fidèles, de lui en acquérir de nouveaux, et de prévenir les dangereux desseins de ses ennemis. Les seigneurs de la cour se ressentirent de ses bienfaits, et tout le monde de ses manières obligeantes et naturelles qu'elle employait pour gagner les coeurs qui y étaient d'autant plus sensibles, qu'elle accompagnait ses graces du plus parfait discernement.
Comme le comte de Boulogne était un des plus puissans seigneurs de l'état, et celui dont le roi pouvait attendre plus de secours ou de traverses, elle n'oublia rien pour le mettre dans ses intérêts. Philippe-Auguste lui avait donné le comté de Mortain; mais Louis VIII s'en était réservé le chateau, en confirmant ce don. Blanche commen?a par le lui remettre, et lui rendit en même temps le chateau de l'Isle-Bonne, que le feu roi s'était pareillement réservé; et, dans la suite, elle lui céda encore l'hommage du comté de Saint-Pol, comme une dépendance de celui de Boulogne.
La reine Blanche traita avec la même générosité Ferrand, comte de Flandre. Philippe-Auguste l'avait fait prisonnier à la bataille de Bouvines, et n'avait pas voulu lui rendre sa liberté, à moins qu'il ne payat une ran?on de cinquante mille livres, somme alors très-considérable, et qu'il ne donnat pour s?reté Lille, Douai et l'Ecluse. La régente, de l'avis des grands du
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