Histoire de France 1180-1304

Jules Michelet
Histoire de France, by Jules
Michelet

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Title: Histoire de France 1180-1304 (Volume 3 of 19)
Author: Jules Michelet
Release Date: January 22, 2007 [EBook #20415]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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DE FRANCE ***

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[Notes au lecteur de ce fichier digital.

Le symbole suivant "P. 2" dans la note 17 "Steph. de Borb., ap.
Gieseler, II, P. 2a. 508." est illisible dans le livre. Des guillemets
clôturant les pages 65 et 67 mais n'ayant pas de pendant ont été retirés.
La note 133 page 130 semble avoir été mal placée et conviendrait
mieux à la page 129, suivant directement la note 132.]

HISTOIRE
DE
FRANCE

PAR
J. MICHELET

NOUVELLE ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE

TOME TROISIÈME

PARIS
LIBRAIRIE INTERNATIONALE A. LACROIX & Cie, ÉDITEURS
13, rue du Faubourg-Montmartre, 13
1876
Tous droits de traduction et de reproduction réservés.

HISTOIRE

DE FRANCE

CHAPITRE VI (p. 001)
1200. INNOCENT III.--LE PAPE PRÉVAUT PAR LES ARMES DES
FRANÇAIS DU NORD, SUR LE ROI D'ANGLETERRE ET
L'EMPEREUR D'ALLEMAGNE, SUR L'EMPIRE GREC ET SUR
LES ALBIGEOIS.--GRANDEUR DU ROI DE FRANCE.
1180-1204
La face du monde était sombre à la fin du XIIe siècle. L'ordre ancien
était en péril, et le nouveau n'avait pas commencé. Ce n'était plus la
lutte matérielle du pape et de l'empereur, se chassant alternativement de
Rome, comme au temps d'Henri IV et de Grégoire VII. Au XIe siècle,
le mal était à la superficie, en 1200 au coeur. Un mal profond, terrible,
travaillait le christianisme. Qu'il eût voulu revenir à la querelle des
investitures, et n'avoir à combattre que sur la question du bâton droit ou
courbé! Alexandre III lui-même, le chef de la (p. 002) ligue lombarde,
n'avait osé appuyer Thomas Becket; il avait défendu les libertés
italiennes, et trahi celles d'Angleterre. Ainsi l'Église allait s'isoler du
grand mouvement du monde. Au lieu de le guider et le devancer,
comme elle avait fait jusqu'alors, elle s'efforçait de l'immobiliser, ce
mouvement, d'arrêter le temps au passage, de fixer la terre qui tournait
sous elle et qui l'emportait. Innocent III parut y réussir; Boniface VIII
périt dans l'effort.
Moment solennel, et d'une tristesse infinie. L'espoir de la croisade avait
manqué au monde. L'autorité ne semblait plus inattaquable; elle avait
promis, elle avait trompé. La liberté commençait à poindre, mais sous
vingt aspects fantastiques et choquants, confuse et convulsive,
multiforme, difforme. La volonté humaine enfantait chaque jour, et
reculait devant ses enfants. C'était comme dans les jours séculaires de
la grande semaine de la création: la nature s'essayant, jeta d'abord des
produits bizarres, gigantesques, éphémères, monstrueux avortons dont
les restes inspirent l'horreur.

Une chose perçait dans cette mystérieuse anarchie du XIIe siècle, qui se
produisait sous la main de l'Église irritée et tremblante, c'était un
sentiment prodigieusement audacieux de la puissance morale et de la
grandeur de l'homme. Ce mot hardi des Pélagiens: Christ n'a rien eu de
plus que moi, je ne puis me diviniser par la vertu, il est reproduit au
XIIe siècle sous forme barbare et mystique. L'homme déclare que la fin
est venue, qu'en lui-même est cette fin; il croit à soi, et se sent Dieu;
partout surgissent des messies. Et ce n'est pas seulement dans l'enceinte
du christianisme, mais dans le mahométisme même, (p. 003) ennemi de
l'incarnation, l'homme se divinise et s'adore. Déjà les Fatemites
d'Égypte en ont donné l'exemple. Le chef des Assassins déclare aussi
qu'il est l'iman si longtemps attendu, l'esprit incarné d'Ali. Le méhédi
des Almohades d'Afrique et d'Espagne est reconnu pour tel par les siens.
En Europe, un messie paraît dans Anvers, et toute la populace le suit[1].
Un autre, en Bretagne, semble ressusciter le vieux gnosticisme
d'Irlande[2]. Amaury de Chartres et son disciple, le Breton David de
Dinan, enseignent que tout chrétien est matériellement un membre du
Christ[3], autrement dit, que Dieu est (p. 004) perpétuellement incarné
dans le genre humain. Le Fils a régné assez, disent-ils; règne
maintenant le Saint-Esprit. C'est, sous quelque rapport, l'idée de
Lessing sur l'éducation du genre humain. Rien n'égale l'audace de ces
docteurs, qui, pour la plupart, professent à l'université de Paris
(autorisée par Philippe-Auguste en 1200). On a cru étouffer Abailard,
mais il vit et parle dans son disciple Pierre le Lombard, qui,
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