encore de la science? 
SAINT-MEGRIN 
Non... 
RUGGIERI 
Veux-tu partir encore sans me consulter? 
SAINT-MEGRIN 
Je le devrais, peut-être... 
RUGGIERI 
J'ai cependant bien des révélations à te faire.
SAINT-MEGRIN 
Qu'elles viennent du ciel ou de l'enfer, je les entendrai...Joyeuse, 
d'Epernon, laissez-moi: je vous rejoindrai bientôt dans l'antichambre... 
JOYEUSE 
Un instant, un instant!...ma sarbacane...De par sainte Anne! si j'aperçois 
une maison de ligueur à cinquante pas à la ronde, je ne veux pas lui 
laisser un seul carreau. 
D'EPERNON, à Saint-Mégrin 
Allons, dépêche-toi!...et nous te ferons bonne garde pendant ce temps. 
(Ils sortent.) 
SCENE IV 
RUGGIERI, SAINT-MEGRIN, puis LA DUCHESSE DE GUISE 
SAINT-MEGRIN, poussant la porte 
Bien, bien...(Revenant) Mon père... un seul mot... M'aime-t-elle?... 
Vous vous taisez, mon père... Malédiction!... Oh! faites...faites qu'elle 
m'aime! On dit que votre art a des ressources inconnues et certaines, 
des breuvages, des philtres! Quels que soient vos moyens, je les accepte, 
dussent-ils compromettre ma vie en ce monde et mon salut dans 
l'autre...Je suis riche. Tout ce que j'ai est à vous. De l'or, des bijoux; ah! 
votre science peut-être méprise ces trésors du monde! Eh bien, 
écoutez-moi, mon père! On dit que les magiciens quelquefois ont 
besoin, pour leurs expériences cabalistiques, du sang d'un homme 
vivant encore. (Lui présentant son bras nu) Tenez, mon 
père...Engagez-vous seulement à me faire aimer d'elle... 
RUGGIERI 
Mais es-tu sûr qu'elle ne t'aime pas? 
SAINT-MEGRIN
Que vous dirai-je, mon père? jusqu'à l'heure du désespoir, ne reste-t-il 
pas au fond du coeur une espérance sourde?...Oui, quelquefois j'ai cru 
lire dans ses yeux, lorsqu'ils ne se détournaient pas assez vite...Mais je 
puis me tromper...Elle me fuit, et jamais je ne suis parvenu à me 
trouver seul avec elle. 
RUGGIERI 
Et si tu y réussissais enfin? 
SAINT-MEGRIN 
Cela étant, mon père!...son premier mot m'apprendrait ce que j'ai à 
craindre ou à espérer. 
RUGGIERI 
Et bien, viens et regarde dans cette glace...On l'appelle le miroir de 
réflexion...Quelle est la personne que tu désires y voir? 
SAINT-MEGRIN 
Elle, mon père!... 
(Pendant qu'il regarde, l'alcôve s'ouvre derrière lui et laisse apercevoir 
la duchesse de Guise endormie) 
RUGGIERI 
Regarde! 
SAINT-MEGRIN 
Dieu!...vrai Dieu!...c'est elle!...elle, endormie! Ah! Catherine! (L'alcôve 
se referme) Catherine! Rien...(regardant derrière) Rien non plus par 
ici...Tout a disparu: c'est un rêve, une illusion...Mon père, que je la 
voie...que je la revoie encore!... 
RUGGIERI
Elle dormait, dis-tu? 
SAINT-MEGRIN 
Oui... 
RUGGIERI 
Ecoute: c'est surtout pendant le sommeil que notre pouvoir est plus 
grand...Je puis profiter du sien pour la transporter ici. 
SAINT-MEGRIN 
Ici, près de moi? 
RUGGIERI 
Mais, dès qu'elle est réveillée, rappelle-toi que toute ma puissance ne 
peut rien contre sa volonté... 
SAINT-MEGRIN 
Bien, mais hâtez-vous, mon père!...hâtez-vous!... 
RUGGIERI 
Prends ce flacon; il suffira de le lui faire respirer pour qu'elle revienne à 
elle... 
SAINT-MEGRIN 
Oui, oui; mais hâtez-vous... 
RUGGIERI 
T'engages-tu par serment à ne jamais révéler?... 
SAINT-MEGRIN
Sur la part que j'espère dans le paradis, je vous le jure... 
RUGGIERI 
Eh bien, lis...(Tandis que Saint-Megrin parcourt quelques lignes du 
livre ouvert par Ruggieri, l'alcôve s'ouvre derrière lui; un ressort fait 
avancer le sofa dans la chambre, et la boiserie se referme) Regarde! (Il 
sort) 
SCENE V 
SAINT-MEGRIN, LA DUCHESSE DE GUISE 
SAINT-MEGRIN 
Elle!...c'est elle!...la voilà...(Il s'élance vers elle, puis s'arrête tout à 
coup) Dieu! j'ai lu que parfois des magiciens enlevaient au tombeau des 
corps qui, par la force de leurs enchantements, prenaient la 
ressemblance d'une personne vivante. Si...Que Dieu me protège! 
Ah!...rien ne change...Ce n'est donc pas un prestige, un rêve du 
ciel...Oh! son coeur bat à peine!...sa main...elle est glacée!...Catherine! 
réveille-toi: ce sommeil m'épouvante! Catherine!...Elle dort...Que 
faire?...Ah! ce flacon,.....j'oubliais...Ma tête est perdue!...(Il lui fait 
respirer le flacon) 
LA DUCHESSE DE GUISE 
Ah!... 
SAINT-MEGRIN 
Oui, oui,...respire!...lève-toi!...parle, parle!...j'aime mieux entendre ta 
voix, dût-elle me bannir à jamais de ta présence, que de te voir dormir 
de ce sommeil froid. 
LA DUCHESSE DE GUISE 
Ah! que je suis faible!...(Elle se lève en s'appuyant sur la tête de 
Saint-Mégrin, qui est à ses pieds) J'ai dormi longtemps...Mes
femmes...comment s'appellent-elles?...(Apercevant Saint-Mégrin) Ah! 
c'est vous, comte? (Elle lui tend la main) 
SAINT-MEGRIN 
Oui...oui... 
LA DUCHESSE DE GUISE 
Vous!...mais pourquoi vous? Ce n'était pas vous que j'étais habituée à 
voir à mon réveil...Mon front est si lourd, que je ne puis y rassembler 
deux idées... 
SAINT-MEGRIN 
Oh! Catherine, qu'une seule s'y présente, qu'une seule y reste!...celle de 
mon amour pour toi... 
LA DUCHESSE DE GUISE 
Oui,...oui,...vous m'aimez...Oh! depuis longtemps, je m'en suis 
aperçue... Et moi aussi, je vous aimais, et je vous le cachais... Pourquoi 
donc?...Il me semble pourtant qu'il y a bien du bonheur à le dire!... 
SAINT-MEGRIN 
Oh! redis-le donc encore!...redis-le, car il y a bien du bonheur à 
l'entendre!... 
LA DUCHESSE DE GUISE 
Mais j'avais un motif pour vous le cacher...Quel était-il donc?... Ah!... 
ce n'était pas vous que je devais aimer...(Se levant, et oubliant son 
mouchoir sur le sofa) Sainte Mère de Dieu! aurais-je dit que je vous 
aimais?...Malheureuse que je suis!...mon    
    
		
	
	
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