de briser l'Eglise constitutionnelle et nationale de 1789. 
L'armée, en sa grande majorité, accueillait assez mal cette première 
étape sur la route de Canossa. «Le Concordat, écrit Maurice Dupin à sa 
mère, ne fait pas ici le moindre effet. Le peuple y est indifférent. Les
gens riches, même ceux qui se piquent de religion, ont grand'peur qu'on 
n'augmente les impôts pour payer les évêques. Les militaires, qui ne 
peuvent pas obtenir un sou dans les bureaux de la guerre, jurent de voir 
le palais épiscopal meublé aux frais du gouvernement.» Et le jeune 
homme, fervent voltairien, raille la bulle du Pape, «écrite dans le style 
de l'Apocalypse, et qui menace les contrevenants de la colère de saint 
Pierre et de saint Paul.» Bref, conclut-il, «nous nous couvrons de 
ridicule.» A la cérémonie de Notre-Dame en l'honneur du Concordat, 
les généraux se rendirent à peu près comme des chiens qu'on fouette. 
Le légat était en voiture, et sa croix devant lui, dans une autre voiture. 
Ce fut là l'occasion de négociations Pour lui, soldat de la Révolution, 
ayant grandi auprès d'une mère royaliste mais philosophe, il voyait 
avec inquiétude «des changements dans les affaires publiques qui ne 
promettent rien de bon», et même «un retour complet à l'ancien 
régime». Démocrate, il devait s'affilier à la franc-maçonnerie qui était 
déjà le foyer des idées libérales. Il nous a malicieusement conté son 
initiation: «On m'a enfermé dans tous les trous possibles, nez à nez 
avec des squelettes; on m'a fait monter dans un clocher au bas duquel 
on a fait mine de me précipiter... On m'a fait descendre dans des puits, 
et, après douze heures passées à subir toutes ces gentillesses, on m'a 
cherché une mauvaise querelle sur ma bonne humeur et mon ton 
goguenard, et on a décidé que je devais subir le dernier supplice. En 
conséquence, on m'a cloué dans une bière, porté au milieu des chants 
funèbres dans une église, pendant la nuit, et, à la clarté des flambeaux, 
descendu dans un caveau, mis dans une fosse et recouvert de terre, au 
son des cloches et du De profundis. Après quoi chacun s'est retiré. Au 
bout de quelques instants, j'ai senti une main qui venait me tirer mes 
souliers, et, tout en l'invitant à respecter les morts, je lui ai détaché le 
plus beau coup de pied qui se puisse donner. Le voleur de souliers a été 
rendre compte de mon état et constater que j'étais encore en vie. Alors 
on est venu me chercher pour m'admettre aux grands secrets. Comme 
avant l'enterrement on m'avait permis de faire mon testament, j'avais 
légué le caveau dans lequel j'avais été enfermé au colonel de la 14e, 
afin qu'il en fît une salle de police; la corde avec laquelle on m'y avait 
descendu, au colonel du 4e de cavalerie, pour qu'il s'en servît pour se 
pendre, et les os dont j'étais entouré, à ronger à un certain frère terrible, 
qui m'avait trimbalé toute la journée dans les caves et greniers.»
C'étaient là les menues distractions de la vie de garnison à Charleville. 
Toutes les journées ne devaient pas y être aussi plaisantes pour Maurice, 
partagé entre sa maîtresse et sa mère. Celle-ci, exempte de préjugés 
religieux, et qui n'acceptait guère que les doctrines du Vicaire savoyard 
ou cette foi à l'Etre suprême que George Sand appelle le culte épuré de 
Robespierre et de Saint-Just, admettait fort bien que jeunesse se passe, 
mais ne pouvait tolérer une mésalliance. C'est donc à son insu que le 
mariage fut conclu, le 16 prairial an XII (1804), par devant le maire du 
deuxième arrondissement de Paris, entre Maurice Dupin et Victoire 
Delaborde, qui désormais prendra le prénom de Sophie. Un mois plus 
tard, le 12 messidor (1er juillet), George Sand vit le jour, dans la 
maison portant le numéro 15 de la rue Meslay. Ces deux événements 
furent cachés à madame Dupin, qui, ultérieurement informée, courra à 
Paris et essayera vainement de faire casser le mariage. Celui-ci avait été 
célébré presque clandestinement. Sophie était allée à la mairie en 
modeste robe de basin, n'ayant au doigt qu'un mince filet d'or; car la 
gêne du ménage ne permit d'acheter que quelques jours plus tard une 
véritable alliance de six francs. En dépit de ces circonstances 
mystérieuses, George Sand, enfant de l'amour, naquit au milieu de la 
joie. La soeur de Sophie Delaborde allait épouser un officier, ami 
intime de Maurice, et l'on avait organisé une petite sauterie. «Ma mère, 
lisons-nous dans l'Histoire de ma Vie, avait une jolie robe couleur de 
rose, et mon père jouait sur son fidèle violon de Crémone une 
contredanse de sa façon». Tout à coup souffrante, Sophie passa dans la 
chambre voisine. Au milieu d'un chassez-huit, la tante Lucie accourut 
en s'écriant: «Venez, venez, Maurice, vous avez une fille.» Et elle 
ajouta: «Elle est née    
    
		
	
	
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