Fêtes et coutumes populaires | Page 3

Charles le Goffic
savetiers formaient

la Confrérie Saint-Crépin et Saint-Crépinien; les maréchaux ferrants,
les taillandiers, les serruriers, les arquebusiers, les couteliers, les
éperonniers, les cloutiers, les fourbisseurs, les selliers et les bourreliers,
la Confrérie Saint-Éloi; les menuisiers, les tourneurs, les charrons, les
charpentiers et les sculpteurs, la Confrérie Saint-Joseph ou de
Sainte-Croix; les capitaines de navires, les marins, calfats, voiliers,
étaminiers, cordiers, la Confrérie du Sacre.
Nous avons sur ces fêtes que célébraient les confréries en l'honneur de
leurs saints patrons les détails les plus circonstanciés. Pour prendre un
exemple dans l'histoire d'une petite ville qui a gardé à travers les âges
sa physionomie curieuse d'autrefois, nous voyons par le cartulaire
communal de Joseph Daumesnil, ancien maire et prieur-consul, ce qui
se passait à Morlaix lors des fêtes de corporations. Les tailleurs
faisaient chanter une grand'messe à Notre-Dame-du-Mur. Au moment
de l'offertoire, le père abbé de la confrérie présentait un mouton blanc
qui était ensuite conduit à l'hospice par tous les membres de la confrérie
et donné en présent aux malades. Les bouchers célébraient leur fête les
premiers jours de l'Avent. Après la cérémonie religieuse, on promenait
dans les principales rues un boeuf qu'escortaient tous les membres de la
corporation, bras nus et la hache sur l'épaule. Le cortège s'arrêtait aux
carrefours et sur les places pour y faire le simulacre d'abattre l'animal;
pendant ce temps deux ou trois confrères faisaient la quête dont le
produit était employé dans un festin.
À Limoges, à Dieppe, à Lannion et dans quelques autres villes de
France, certaines de ces fêtes se sont perpétuées jusqu'à nos jours et les
corps de métiers (bouchers, ivoiriers, tailleurs de pierres, etc.)
continuent à chômer l'anniversaire de leurs saints patrons. Saint Luc est
celui des ivoiriers dieppois. À l'occasion de sa fête, qui échet le 18
octobre, les ivoiriers entendent une messe en musique et promènent par
les rues leur bannière corporative, un beau rectangle de velours grenat
frappé d'ancres aux quatre coins, avec un blason symbolique au milieu:
l'éléphant d'Afrique tout d'or sur champ d'azur. Et, dans le banquet qui
clôture la fête, on chante la Marseillaise des ivoiriers, paroles et
musique de M. Bray, ex-ivoirier à Dieppe, présentement organiste au
Tréport:

Dans l'art de buriner l'ivoire, Dieppe a conquis le premier rang. Nous
voulons conserver sa gloire À ce vieux rivage normand: Parfois bien
faible est le salaire. Qu'importe au talent créateur? De Graillon[1] la vie
exemplaire Guidera toujours le sculpteur.
[Note 1: Célèbre sculpteur ivoirier dieppois.]
Refrain:
Et vaillamment nous bravons la misère, Aussi fiers que des rois, En
travaillant sous la noble bannière Des ivoiriers dieppois!
[Illustration: FÊTE DE L'AGRICULTURE.]
Il ne faudrait pas remonter très loin pour trouver, à Paris même, des
fêtes patronales et corporatives du plus aimable coloris. Telle la
Saint-Crépin, décrite en 1851 dans La Liberté de Pensée par un
rédacteur qui signait Pierre Vinçart, ouvrier.
Que de changements en un demi-siècle! Il apparaît bien, à lire Vinçart,
que ces ouvriers de 1848 étaient des hommes d'un autre âge dont se
gaudiraient nos syndicalistes d'aujourd'hui. Leur socialisme avait je ne
sais quoi de naïf et de cordial. Les «compagnons» partaient des
différents quartiers de Paris le matin du 25 octobre et se dirigeaient vers
Montmartre. Quoique réuni à la capitale, Montmartre, au point de vue
corporatif, formait encore un district autonome, avec sa cayenne (sorte
de siège social), son père et sa mère des compagnons. La mère et le
père de Paris prenaient la tête du défilé; derrière eux venait la musique,
puis «les autorités municipales», enfin les compagnons eux-mêmes, des
fleurs à la boutonnière et des flots de rubans à leurs cannes. Le cortège
ainsi formé gagnait pedetentim l'église paroissiale de Montmartre et y
pénétrait en grand arroi, après avoir exécuté devant le portail toutes les
cérémonies du «devoir» corporatif, telles qu'évolutions, hurlements,
marches, etc., en un mot la guillebrette entière, qui était le nom
générique donné aux cérémonies du compagnonnage.
«Dans l'église, dit Pierre Vinçart, le pain bénit est surmonté de l'effigie
de saint Crépin; l'ancien évêque de Soissons est habillé en empereur du

Bas-Empire et tient à la main une grande botte à revers. À la sortie de
la messe, les compagnons réitèrent leurs cérémonies et, se remettant en
ordre, ils vont à la barrière des Martyrs, chez le restaurateur ayant pour
enseigne: Au rendez-vous des Princes. Ils y font un splendide repas.
Deux femmes seulement sont admises à ce banquet: ce sont les mères
de Paris et de Montmartre qui, pendant la durée de cette fête, se traitent
mutuellement de soeurs. De nombreuses chansons, ayant le
compagnonnage pour sujet, sont chantées à la fin du dîner, où personne
autre que des compagnons ne peut assister.»
L'auteur en vogue dans le peuple, et particulièrement chez les
cordonniers, était alors Savinien Lapointe, lui-même cordonnier et que
la muse visitait à ses heures. Rendons
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