d'offrir l'hospitalité à 
son propriétaire et à ses accessoires. 
Elle se moque des tentes d'administration ou des barils, flanqués de 
tonneaux d'eau-de-vie, étalent leurs rondeurs engageantes. A l'abri de 
ma modeste toile, mon bidon seul représente le contenant des liquides, 
et il en est digne. 
Dans ces belles tentes des subsistances et des ambulances, aux 
réceptacles arrondis décrits plus haut, s'ajoutent des caisses de biscuit 
de provenance et de qualités diverses; des cantines médicales, cachant 
dans leurs vastes profondeurs des remèdes variés et quelquefois utiles. 
On y trouve aussi des instruments compliqués et parfois nécessaires à
dompter une digestion en révolte. En poussant plus loin, on rencontre 
de beaux petits couteaux, bien brillants, qui aident puissamment 
certains individus, mal partagés du sort, à se séparer d'un membre 
récalcitrant. 
Je le répète, ma tente n'a rien de tout cela. Un sac, en peau de veau, 
ancien modèle, maintenant réformé, est la seule cachette de mon biscuit 
de réserve. Mon quart se permet quelquefois de contenir un peu de thé 
ou de café. Quant aux clysopompes, je leur en défends l'entré pour des 
raisons que la pudeur m'empêche d'écrire. Le lecteur soucieux des 
convenances comprendra d'ailleurs cette répugnance sans explications. 
Certaines tentes ont aussi de formidables attaches qui les tient au sol 
avec des piquets en métal battu. D'autres possèdent de somptueux 
auvents que de solides supports protègent des tempêtes. Enfin, 
plusieurs poussent le raffinement jusqu'à se laisser percer 
d'oeils-de-boeuf, qui alimentent leur intérieur d'un air pur et souvent 
renouvelé. 
La mienne n'a que des piquets en bois, une mince fente pour porte, et 
l'oeil-de-boeuf n'a jamais pu s'y fixer. 
Des ornements variés, des coutures colorées, des bourrelets bleus, 
blancs et rouges, des petits drapeaux aux couleurs nationales, des 
zébrages fantastiques accotés à de larges bandes voyantes brillent 
souvent sur les tentes d'officiers. 
Sur la mienne, une cravate d'ordonnance, payée cinquante-cinq 
centimes sur la masse, autrefois bleu foncé et maintenant incolore, 
cingle, sans prétention, le faite pointu de mon logis de campagne. 
Nos supérieurs possèdent des lits. 
Quelques-uns de ces objets, dont on a reconnu l'utilité en certaines 
circonstances, se piquent d'être, soit un matelas en crin juché sur une 
charpente habilement détaillée, soit une toile supportée par deux 
traverses de bois appuyées sur des cantines. On entoure le tout de draps 
et de couvertures confortables.
Chez moi, dans mon intérieur, une forte brassée de paille ou d'alfa, 
pressée sous mon couvre-pied de campement, suffit pleinement à me 
satisfaire dans mon repos. 
Quand il pleut, l'eau a peu de chance de s'introduire dans les tentes de 
haute lignées. 
Par contre, la pluie a pleine et entière liberté d'inonder mon refuge, si 
elle arrive en brillante quantité. 
Enfin, tout ceci se résume à dire, ce que j'aurais peut-être dû faire plus 
tôt, que ma tente est petite, serviable, insignifiante, et que je l'aime. 
Elle m'a courageusement servi et suivi pendant mes onze fois trente 
jours de colonne. Je mériterais donc l'opprobre des braves gens, si je ne 
lui en conservais une grande réserve de reconnaissance, que je vous 
mets à nu, sous la forme d'une description détaillée. 
Ma tente naquit des mains du couturier le 2 avril 1881. Elle voulait, en 
naissant, vivre pour faire la lutte kronmirienne, mais, hélas! le destin, 
se moquant de ses voeux, la lança à la poursuite de Bou-Amema. 
Elle prit donc naissance le 2 avril, au quartier d'infanterie, dans le 
pavillon de droite. Une chambre, percée de deux croisées regardant, 
l'une, l'infirmerie régimentaire des chevaux de spahis, l'autre, les 
baraques du génie, fut le théâtre de sa fabrication. 
Cette chambre est assez vaste pour que ma tente put y étaler à l'aise ses 
premiers moments, puisque l'enseigne, au haut et en dehors de la porte, 
indique: Chambre Q pour huit hommes. 
Le jeune homme qui dota le monde de ma tente mériterait une mention 
honorable dans ce livre, mais le cadre restreint que je me suis imposé 
dès le début de cette oeuvre m'ordonne de négliger les détails 
biographiques. 
Divers matériaux furent employés à édifier le meuble, objet de cette 
étude. Deux sacs-tentes-abri, marqués: Campement militaire, et deux
sacs à distribution timbrés: 3e trimestre 1880, furent les plus 
remarquables. D'autres accessoires tels que piquets, vieilles boucles et 
courroies de rebut, toile d'emballage, soustraites frauduleusement au 
garde-magasin, viennent en second lieu. On peut aussi ajouter des 
cordeaux de tirage, des supports, du fil et une cravate d'ordonnance. 
Un torchon de cuisine, dont j'ignore la date de la mise en service, y joua 
aussi un certain rôle, mais ceci sous toute réserve. Même actuellement, 
les preuves me manquent, à l'appui de ce que je pourrais avancer. 
J'ai cependant interrogé le tailleur là-dessus, et ses réponses louches et 
évasives m'ont fait douter de ce fait contestable. Enfin, j'en suis désolé, 
mais cette question devra rester en litige dans l'esprit du lecteur, malgré 
mon    
    
		
	
	
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