veut susciter à lui seul 
et, bien entendu, à ses frais, une candidature royaliste. Il m'a demandé 
si je connaissais quelqu'un, je lui ai répondu: «J'ai votre affaire.» Eh 
bien? 
--C'est entendu. 
--Mais tu sais, il faut se hâter, la proclamation doit être affichée cette 
nuit. 
--Ah! 
--Chut... Le vicomte a une petite imprimerie à ses ordres qu'on appelle: 
La Presse de Saint-Pierre. Il met tout sur l'heure à ta disposition; pas de 
maladresse au moins, si tu réussis, ta fortune est faite. 
--N'aie pas peur, dit Jacques, en jetant à son horrible plafond un regard 
de défi; j'ai pu être impuissant et gauche, dans les circonstances banales 
de la vie terre à terre, mais qu'une occasion digne de moi se présente et 
tu verras que ton ami le rêveur était fondé à se croire quelqu'un et 
quelque chose. Quant à toi, mon cher, je t'aimais déjà bien, désormais, 
c'est entre nous à la vie et à la mort. 
--A la vie, espérons-le, reprit Sermèze très ému. 
Le lendemain, l'affiche suivante, imprimée sur papier vert, s'étalait sur 
tous les murs du quartier Saint-Barthélémy: 
«Messieurs les électeurs, 
«Je viens vous offrir de vous représenter au Conseil municipal de Paris; 
«Je n'ai l'honneur d'être ni propriétaire, ni négociant dans votre quartier;
j'en suis le plus simple électeur; 
«J'ai pris mes grades dans trois facultés et je travaille pour gagner ma 
vie; 
«J'étais expéditionnaire à l'administration des cultes; j'ai été révoqué 
pour avoir signé une pétition en faveur de la liberté; 
«Si vous approuvez les basses oeuvres du Conseil qui gouverne 
actuellement la Commune de Paris, ne me donnez pas vos suffrages; 
«Je défendrai dans tous mes votes: 
«La liberté des pères de famille; 
«L'égalité de tous les citoyens dans la protection qu'ils ont le droit de 
demander aux lois; 
«La fraternité qui ne traite pas en suspects les frères des écoles et les 
soeurs des hôpitaux; 
«La franchise m'ordonne de vous déclarer mes opinions politiques et 
religieuses: 
«J'estime qu'un peuple sans religion est un peuple sauvage; 
«Je crois que la France, privée de son roi légitime, est une nation 
décapitée et condamnée à devenir la proie de ses ennemis; 
«Ainsi j'ai toujours cru, ainsi je croirai tant qu'une goutte de sang 
coulera dans mes veines. 
«JACQUES DE MÉRIGUE, «93, RUE DES SAINTS-PÈRES.» 
Cette ferme et fière proclamation produisit dans tout Paris l'effet d'une 
bombe d'énergie honnête, au milieu d'un camp de sceptiques et de 
ramollis. Toute la presse s'occupa de ces quelques lignes de prose claire, 
simple et vibrante, tracées par un inconnu qui, du matin au soir, était 
devenu célèbre. Les feuilles conservatrices exultaient de joie et
s'écriaient qu'on avait enfin un homme. Les journaux républicains 
disaient aimer ce langage net et dépourvu d'obscurités. D'Escal et 
Sermèze étaient radieux. Mérigue trouvait tout cela très naturel et 
recevait comme lui étant parfaitement dus les compliments et les 
hommages. Une seule idée l'enthousiasmait: la pensée que toute cette 
renommée qui fondait sur lui allait le rapprocher de son idole. 
Le soir, lorsqu'il rentra chez lui, son concierge, jadis rèche, maintenant 
souriant et obséquieux, lui remit un monceau de cartes de visite qu'il 
s'amusa à dépouiller sur sa table boiteuse. 
En voici quelques-unes: 
Le prince de La Roche-Bernard félicite M. de Mérigue de sa 
courageuse attitude. 
Madame Salotru, blanchisseuse royaliste, envoie à M. de Mérigue tous 
ses compliments et l'assurance de sa parfaite considération. 
Le général, comte de la Croisaie, grand officier de la Légion d'honneur: 
Bravo, jeune homme, vous êtes un brave. 
L'abbé de la Gloire-Dieu, vicaire de Saint-Barthémy: sympathies bien 
cordiales. 
Anselme Rotin, employé de commerce, a l'honneur d'informer le 
candidat qu'il votera vraisemblablement pour lui. 
L'avant-dernière carte était insérée dans une enveloppe et ainsi conçue: 
Gustave Coupessay, directeur des Oratoriens de la rue de Monceau, 
envoie à M. de Mérigue toutes ses congratulations et lui fait connaître 
qu'il sera trop heureux de l'attacher à son établissement dans les 
conditions qu'il voudra bien fixer lui-même. 
--Tiens, dit Mérigue, il a fait une évolution, l'animal d'hier au soir. 
Puis il lut la dernière carte:
Théodore de Vannes, élève externe au collège de la rue de Monceau, 
apprend que M. de Mérigue va donner des leçons à l'école et le prie de 
lui réserver quelques heures. Il saisit cette occasion pour serrer la main 
au vaillant candidat royaliste. 
--Théodore de Vannes!!! Le frère de Blanche! s'écria Jacques. Ah! mon 
Dieu! je tiens les étoiles... enfin!... 
 
VI 
FIANCÉS 
--Vous ne savez pas, ma chère, disait à Mlle de Vannes le jeune duc de 
Largeay, petit bellâtre insipide, empesé comme un faux-col et raide 
comme un échalas, vous ne savez donc pas? 
--Quoi? fit Blanche d'un air distrait et quelque peu ennuyé, sans 
regarder son noble fiancé. 
--Eh bien! cet espèce de polisson qui vous regardait l'autre jour à 
l'église d'une façon si impertinente... 
--N'en dites pas de    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
 
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.
	    
	    
