par mes cris ta colere irritée
Emporte ma parole avecque Pasithée!
Je la suivray pourtant, & mes 
tristes vaisseaux
Feront si promptement le grand tour de tes eaux,
Que je te forceray de me rendre ma Reyne,
Ou d'achever ma vie en 
achevant ma peine. 
SCENE QUATRIEME
FALANTE, TYGRANE.
FALANTE. 
Où courez-vous Tygrane? Et quel aveuglement
Vous oblige à revoir 
ce perfide Element,
Cependant que la Cour retentit d'allegresse,
Et 
benit le retour de sa chere Princesse. 
TYGRANE.
De qui? 
FALANTE.
De Pasithée. 
TYGRANE. 
Ô rare invention!
Croy-tu par ce moyen calmer ma passion?
Non 
(Falante) sa perte est par trop veritable
Pour cesser mes transports au 
recit d'une fable. 
FALANTE. 
Tygrane, mon discours a tant de verité
Qu'il peut vaincre aisément 
vostre incredulité,
Si pour rendre à vos yeux la nouvelle certaine
Il 
vous plaist seulement d'entrer à Mitylene,
Là vous verrez l'objet qui 
vous fit amoureux
Et le liberateur qui vous a faict heureux. 
TYGRANE. 
Quel est ce Chevalier, est-il de cognoissance? 
FALANTE. 
Non, c'est un estranger, mais d'illustre naissance,
On le traite de 
Prince, & son port gracieux
Ne degenere point de ce nom glorieux,
Cet auguste guerrier singlant devers cette Isle
Se venoit rafraischir à 
la premiere ville,
Quand il a rencontré le funeste vaisseau
Qui 
mettoit vostre espoir & l'Infante au tombeau.
Comme il s'en 
approchoit d'une extreme vitesse,
Il ouit cette voix (sauvez une 
Princesse)
Aussi-tost abordant ce traistre Galion
Il s'eslança dedans 
plus hardy qu'un Lyon,
Malgré ses ravisseurs delivra Pasithée,
Et 
mit à fonds la nef qui l'avoit emportée.
Ce genereux heros apres ce 
grand effort
S'offrit incontinent de la remettre au port,
Mais avec 
tant de grace, & tant de bien-vueillance
Qu'il rendit son respect esgal 
à sa vaillance,
Et l'Infante advoua qu'une telle action
Fit voir moins 
de valeur que de discretion. 
TYGRANE.
Dieux que je suis confus! & que cette nouvelle
Me semble en mesme 
temps agreable, & cruelle!
Deux mouvemens divers tyrannizent mon 
coeur,
J'ayme bien ce retour, mais je crains son autheur.
Son merite, 
son port, sa valeur esprouvée,
Cette discretion de ma Reyne 
approuvée
Sont autant de Devins qui predisent mon mal,
Et d'un 
liberateur me feront un rival:
Ainsi mes sentimens divisez en 
moy-mesme
Emportent mon esprit de l'un à l'autre extreme.
Quand 
je songe au bon-heur qu'il nous a procuré
Aussi-tost je conclus qu'il 
doit estre adoré:
Mais apres combatu d'un mouvement contraire
L'objet que j'ay flatté commence à me desplaire,
Et si quelque devoir 
m'oblige à le cherir
Je croy baiser la main qui me fera perir. 
FALANTE. 
Delivrez vostre esprit de cette fantaisie
Permettez à l'Infante un peu 
de courtoisie,
Vous aurez son amour, luy sa civilité;
Cet honneur 
est un prix qu'il a bien merité,
Et mesme vous devez (au moins par 
complaisance)
De quelque complimens honnorer sa presence. 
TYGRANE. 
Hé bien (Falante) allons luy rendre ce devoir,
Et vous mes tristes 
yeux preparez-vous de voir
L'Astre de mon amour, & l'object de ma 
crainte;
Toustesfois insolents dedans cette contrainte
Que vos 
jaloux regards ne me trahissent pas,
Mais lisez en riant l'arrest de mon 
trespas. 
ACTE II.
SCENE PREMIERE
EURIMEDON, PASITHEE, 
ALERINE.
EURIMEDON. 
Madame, excusez-moy si voyant tant de grace
J'ayme vos ennemis & 
cheris leur audace,
Puisque les mesmes traits qui vous ont fait trahir
Ne me permettent pas de les pouvoir haïr:
Cette rare douceur, ces 
apas, & ces charmes,
Contre un foible mortel sont de trop fortes
armes,
On ne peut eviter l'atteinte de leurs coups,
Le coeur qui les 
reçoit mesme les trouve doux:
Et quoy que la raison à nos desirs 
oppose
Vous voir & vous aymer n'est qu'une mesme chose.
De la 
sorte Araxés se sentant consommer,
Pour esteindre ses feux eut 
recours à la mer,
Mais vos yeux plus puissans que le flambeau du 
monde
Brulent esgalement sur la terre, & sur l'onde;
Et son coeur 
amoureux par ce tour impudent
Eust sans moy sur les eaux fait un 
naufrage ardent:
En fin mon sentiment contre vous se rebelle,
Je 
pardonne aux transports d'une faute si belle,
Et ne me puis resoudre à 
blasmer un effect
Qui me permet de voir un object si parfaict. 
PASITHEE. 
Je suis (Eurimedon) trop peu considerable
Pour vous rendre envers 
luy de beaucoup redevable:
Et quand j'aurois assez de grace & de 
beauté
Pour toucher un guerrier de vostre qualité,
Vostre vertu vous 
donne assez de privilege
Pour n'avoir pas besoin d'un Prince sacrilege.
Mais qu'est-il devenu depuis vostre retour,
Je croy qu'il n'oseroit se 
monstrer à la Cour,
Mon abord luy faict peur ou bien sa conscience
Luy conseille de vivre en cette deffiance
Mais il craint vainement. 
EURIMEDON. 
Je ne sçay si le sort
Ou sa timidité l'ont esloigné du port
Mes gens 
pour le trouver ont tourné toute l'Isle
Mais sa fuitte a rendu leur 
recherche inutile. 
PASITHEE. 
Que les Dieux pour jamais l'exilent de Lesbos
Pour mon 
contentement, & pour vostre repos
Mes yeux n'ont que trop veu ce 
Prince abominable
Dont la rage a pensé me rendre miserable,
Et 
vous n'avez vangé mon honneur qu'à demy
Si vous n'abandonnez un 
si perfide amy.
EURIMEDON. 
Vos voeux seront suivis de mon obeissance,
Mais (Madame) 
apprenez que nostre cognoissance
Venant plus du hazard que de mes 
volontez
Je ne prens point de part en ses meschancetez.
Un jour aux 
environs des costes de l'Epyre
Il fut pris, & mené prisonnier en 
Corcyre,
Mais lors qu'il attendoit le prix de sa rançon
Ma pitié le 
sauva. 
PASITHEE. 
Dieux!    
    
		
	
	
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