En famille | Page 2

Hector Malot
une femme ��tait couch��e sur un matelas si mince qu��il semblait coll�� au plancher.
?As-tu besoin de moi, maman?
-- Que fait donc Palikare?
-- Il mange le foin de la voiture qui nous pr��c��de.
-- Il faut l��en emp��cher.
-- Il a faim.
-- La faim ne nous permet pas de prendre ce qui ne nous appartient pas; que r��pondrais-tu au charretier de cette voiture s��il se fachait?
-- Je vais le tenir de plus pr��s.
-- Est-ce que nous n��entrons pas bient?t dans Paris?
-- Il faut attendre pour l��octroi.
-- Longtemps encore?
-- Tu souffres davantage?
-- Ne t��inqui��te pas; l����touffement du renferm��; ce n��est rien?, dit-elle d��une voix haletante, siffl��e plut?t qu��articul��e.
C����taient l�� les paroles d��une m��re qui veut rassurer sa fille; en r��alit�� elle se trouvait dans un ��tat pitoyable, sans respiration, sans force, sans vie, et, bien que n��ayant pas d��pass�� vingt-six ou vingt-sept ans, au dernier degr�� de la cachexie; avec cela des restes de beaut�� admirables, la t��te d��un pur ovale, des yeux doux et profonds, ceux m��me de sa fille, mais aviv��s par le souffle de la maladie.
?Veux-tu que je te donne quelque chose? demanda Perrine.
-- Quoi?
-- Il y a des boutiques, je peux t��acheter un citron; je reviendrais tout de suite.
-- Non. Gardons notre argent; nous en avons si peu! Retourne pr��s de Palikare et fais en sorte de l��emp��cher de voler ce foin.
-- Cela n��est pas facile.
-- Enfin veille sur lui.?
Elle revint �� la t��te de l��ane, et comme un mouvement se produisait, elle le retint de fa?on qu��il restat assez ��loign�� de la voiture de foin pour ne pas pouvoir l��atteindre.
Tout d��abord il se r��volta, et voulut avancer quand m��me, mais elle lui parla doucement, le flatta, l��embrassa sur le nez; alors il abaissa ses longues oreilles avec une satisfaction manifeste et voulut bien se tenir tranquille.
N��ayant plus �� s��occuper de lui, elle put s��amuser �� regarder ce qui se passait autour d��elle: le va-et-vient des bateaux-mouches et des remorqueurs sur la rivi��re; le d��chargement des p��niches au moyen des grues tournantes qui allongeaient leurs grands bras de fer au-dessus d��elles et prenaient, comme �� la main, leur cargaison pour la verser dans des wagons quand c����taient des pierres, du sable ou du charbon, ou les aligner le long du quai quand c����taient des barriques; le mouvement des trains sur le pont du chemin de fer de ceinture dont les arches barraient la vue de Paris qu��on devinait dans une brume noire plut?t qu��on ne le voyait; enfin pr��s d��elle, sous ses yeux, le travail des employ��s de l��octroi qui passaient de longues lances �� travers les voitures de paille, ou escaladaient les f?ts charg��s sur les haquets, les per?aient d��un fort coup de foret, recueillaient dans une petite tasse d��argent le vin qui en jaillissait, en d��gustaient quelques gouttes qu��ils crachaient aussit?t.
Comme tout cela ��tait curieux, nouveau; elle s��y int��ressait si bien, que le temps passait, sans qu��elle en e?t conscience.
D��j�� un gamin d��une douzaine d��ann��es qui avait tout l��air d��un clown, et appartenait s?rement �� une caravane de forains dont les roulottes avaient pris la queue, tournait autour d��elle depuis dix longues minutes, sans qu��elle e?t fait attention �� lui, lorsqu��il se d��cida �� l��interpeller:
?V��l�� un bel ane!?
Elle ne dit rien.
?Est-ce que c��est un ane de notre pays? ?a m����tonnerait joliment.?
Elle l��avait regard��, et voyant qu��apr��s tout il avait l��air bon gar?on, elle voulut bien r��pondre:
?Il vient de Gr��ce.
-- De Gr��ce!
-- C��est pour cela qu��il s��appelle Palikare.
-- Ah! c��est pour cela!?
Mais malgr�� son sourire entendu, il n����tait pas du tout certain qu��il e?t tr��s bien compris pourquoi un ane qui venait de Gr��ce pouvait s��appeler Palikare.
?C��est loin, la Gr��ce? demanda-t-il.
-- Tr��s loin.
-- Plus loin que... la Chine?
-- Non, mais loin, loin.
-- Alors vous venez de la Gr��ce?
-- De plus loin encore.
-- De la Chine?
-- Non; c��est Palikare qui vient de la Gr��ce.
-- Est-ce que vous allez �� la f��te des Invalides?
-- Non.
-- Ousque vous allez?
-- �� Paris.
-- Ousque vous remiserez votre roulotte?
-- On nous a dit �� Auxerre qu��il y avait des places libres sur les boulevards des fortifications??
Il se donna deux fortes claques sur les cuisses en plongeant de la t��te.
?Les boulevards des fortifications, oh l�� l�� l��!
-- Il n��y a pas de places?
-- Si.
-- Eh bien?
-- Pas pour vous. C��est, voyou les fortifications. Avez-vous des hommes dans votre roulotte, des hommes solides qui n��aient pas peur d��un coup de couteau? J��entends d��en donner et d��en recevoir.
-- Nous ne sommes que ma m��re et moi, et ma m��re est malade.
-- Vous tenez �� votre ane?
-- Bien s?r.
-- Eh bien, demain votre ane vous sera vol��; v��l�� pour commencer, vous verrez le reste; et ?a ne sera pas beau; c��est Gras Double qui vous le dit.
-- C��est vrai cela?
-- Pardi, si c��est vrai; vous n����tes jamais venue �� Paris?
-- Jamais.
-- ?a se voit; c��est donc des moules ceux
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