à une liberté entière. Ces conditions 
seroient ou l'achat de la terre, s'il convenoit au propriétaire de l'aliéner, 
ou des redevances, ou le paiement d'une somme suffisante pour que le 
propriétaire pût faire cultiver lui-même la portion de terre que le serf 
abandonneroit. Les serfs ouvriers s'affranchiroient, en payant une 
somme égale à la valeur représentative du travail que la loi leur 
imposeroit. C'est ainsi que cette loi, en rétablissant les droits les plus 
sacrés, porteroit le travail et la culture au plus haut point d'activité: elle 
serviroit à la fois l'intérêt public et l'intérêt particulier[21]. Cette
division de terrein accroîtroit rapidement les produits. C'est dans les 
atteliers des propriétaires que seroient manufacturées les denrées qui 
demandent des préparations, et que se feroient ensuite les partages. La 
régie de ces établissements deviendroit plus simple et plus économique: 
la valeur du fonds augmenteroit avec la liberté. 
Je me borne à tracer les idées élémentaires d'un plan dont les détails ne 
peuvent être déterminés que dans les colonies mêmes. _La servitude de 
glèbe est odieuse_, lorsque la loi n'assure pas des moyens successifs 
pour s'en affranchir. J'en ai dit assez pour qu'on ne confonde pas les 
règlements que je propose, avec les coutumes barbares que la tyrannie 
des seigneurs avoit introduites dans quelques-unes de nos provinces, et 
qui subsistent encore dans quelques états. Le servage que j'indique est 
le premier pas vers la liberté. Le travail affranchira peu à peu de ce 
reste de servitude. Les principes que j'ai développés suffisent pour 
tracer la marche qu'il faut suivre. Celle de la justice n'est jamais 
incertaine, et c'est en oubliant nos droits qu'on a rendu nos institutions 
si obscures et si contradictoires. On l'a dit, la vérité n'a qu'une route, et 
celles de l'erreur sont sans nombre. 
L'affranchissement que j'ai proposé n'auroit aucun des inconvénients 
que peuvent craindre les défenseurs de l'esclavage. Lorsque j'ai porté 
ma pensée sur ce grand objet de police publique, j'ai redouté l'opinion 
et l'intérêt particulier. J'ai recueilli les objections qu'on opposoit à 
l'affranchissement des esclaves[22]. J'ai vu qu'elles supposoient toutes 
une révolution subite, également dangereuse pour les maîtres et pour 
les esclaves. Ceux qui défendent le système actuel, n'imaginent que des 
affranchis livrés à la paresse et aux voluptés, sans activité et sans 
énergie pour les travaux utiles. Cette classe dangereuse est née de la 
corruption de nos moeurs. Je crois avoir tracé un autre ordre de choses 
et une marche plus prudente et plus sûre. Sa lenteur préviendroit tous 
les dangers. La révolution s'opèreroit insensiblement, sans effort et sans 
trouble. La liberté que je présente, auroit pour base le travail et les 
moeurs. Les propriétés particulières n'éprouveroient aucune atteinte; 
leur produit seroit augmenté par l'intérêt des cultivateurs, par leur 
émulation et par leur industrie. On n'auroit rien à craindre de la licence 
des affranchis: leurs moeurs seroient changées, et on leur imprimeroit 
le caractère qui convient à un peuple cultivateur. Une population 
nouvelle, nombreuse et faite au travail, remplaceroit ce peuple
d'esclaves qui cultivent nos colonies: la possession de ces 
établissements seroit moins incertaine: chaque affranchi seroit un 
nouveau défenseur; tandis qu'en cas d'attaque l'esclave est un ennemi 
de plus à combattre ou à enchaîner. La justice, la bienfaisance et la 
liberté préviendroient la ruine qui menace nos colonies, si elles sont 
long-temps encore dépendantes du commerce des esclaves. Ce 
commerce, que rien ne peut justifier, s'anéantirait, et l'humanité auroit 
moins de larmes à verser. Ce plan peut être annoncé sans crainte: son 
premier effet sera de resserrer les noeuds de l'obéissance, de placer 
l'espoir du bonheur et de la liberté dans le travail et la bonne conduite, 
et d'animer ainsi la culture et la population des colonies. 
C'est aux pieds de la nation assemblée que je mets ces projets. C'est elle 
qui doit prononcer sur d'aussi grands intérêts. Elle doit porter ses 
regards sur tous les hommes qui la composent. Elle doit s'occuper de 
tout ce qui peut influer sur les vertus particulières et publiques. Elle 
doit se réformer elle-même et détruire les abus que de longues 
injustices ont consacrés. Puissent les idées que je viens de tracer 
adoucir le sort des infortunés dont j'ai plaidé la cause! Quel que soit 
leur succès, elles auront eu pour moi le charme consolateur qu'ont 
toujours les voeux formés pour le bonheur de l'humanité. 
 
NOTES ET PREUVES 
[1] Lisez _l'état civil, politique et commerçant_ du Bengale, imprimé à 
la Haye, en 1775. Voyez les détails du procès de M. Hastings. Ce n'est 
pas qu'on doive fixer son opinion sur cet illustre accusé. Ce seroit une 
injustice; il faut attendre sa défense et le jugement que portera la cour 
des Pair. Je n'ai entendu que des louanges en sa faveur de la part de 
tous les François qui ont passé dans les établissements Anglois pendant 
son administration. Je ne parle donc    
    
		
	
	
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