David Copperfield - Tome I | Page 3

Charles Dickens
lorsqu'en levant les yeux pour essuyer ses larmes, elle vit arriver par le jardin une femme qu'elle ne connaissait pas.
Au second coup d'oeil, ma m��re eut un pressentiment certain que c'��tait miss Betsy. Les rayons du soleil couchant ��clairaient �� la porte du jardin toute la personne de cette ��trang��re, elle marchait d'un pas trop ferme et d'un air trop d��termin�� pour que ce p?t ��tre une autre que Betsy Trotwood.
En arrivant devant la maison, elle donna une autre preuve de son identit��. Mon p��re avait souvent fait entendre �� ma m��re que sa tante ne se conduisait presque jamais comme le reste des humains; et voil�� en effet qu'au lieu de sonner �� la porte, elle vint se planter devant la fen��tre, et appuya si fort son nez contre la vitre qu'il en devint tout blanc et parfaitement plat au m��me instant, �� ce que m'a souvent racont�� ma pauvre m��re.
Cette apparition porta un tel coup �� ma m��re que c'est �� miss Betsy, j'en suis convaincu, que je dois d'��tre n�� un vendredi.
Ma m��re se leva brusquement et alla se cacher dans un coin derri��re sa chaise. Miss Betsy apr��s avoir lentement parcouru toute la pi��ce du regard, en roulant les yeux comme le font certaines t��tes de Sarrasin dans les horloges flamandes, aper?ut enfin ma m��re. Elle lui fit signe d'un air refrogn�� de venir lui ouvrir la porte, comme quelqu'un qui a l'habitude du commandement. Ma m��re ob��it.
?Mistress David Copperfield, je suppose, dit miss Betsy en appuyant sur le dernier mot, sans doute pour faire comprendre que sa supposition venait de ce qu'elle voyait ma m��re en grand deuil, et sur le point d'accoucher.
-- Oui, r��pondit faiblement ma m��re.
-- Miss Trotwood, lui r��pliqua-t-on; vous avez entendu parler d'elle, je suppose??
Ma m��re dit qu'elle avait eu ce plaisir. Mais elle sentait que malgr�� elle, elle laissait assez voir que le plaisir n'avait pas ��t�� immense.
?Eh bien! maintenant vous la voyez,? dit miss Betsy. Ma m��re baissa la t��te et la pria d'entrer.
Elles s'achemin��rent vers la pi��ce que ma m��re venait de quitter; depuis la mort de mon p��re, on n'avait pas fait de feu dans le salon de l'autre c?t�� du corridor; elles s'assirent, miss Betsy gardait le silence; apr��s de vains efforts pour se contenir, ma m��re fondit en larmes.
?Allons, allons! dit miss Betsy vivement, pas de tout cela! venez ici.?
Ma m��re ne pouvait que sangloter sans r��pondre.
??tez votre bonnet, enfant, dit miss Betsy, il faut que je vous voie.?
Trop effray��e pour r��sister �� cette ��trange requ��te, ma m��re fit ce qu'on lui disait; mais ses mains tremblaient tellement qu'elle d��tacha ses longs cheveux en m��me temps que son bonnet.
?Ah! bon Dieu! s'��cria miss Betsy, vous n'��tes qu'un enfant!?
Ma m��re avait certainement l'air tr��s-jeune pour son age; elle baissa la t��te, pauvre femme! comme si c'��tait sa faute, et murmura, au milieu de ses larmes, qu'elle avait peur d'��tre bien enfant pour ��tre d��j�� veuve et m��re. Il y eut un moment de silence, pendant lequel ma m��re s'imagina que miss Betsy passait doucement la main sur ses cheveux; elle leva timidement les yeux: mais non, la tante ��tait assise d'un air rechign�� devant le feu, sa robe relev��e, les mains crois��es sur ses genoux, les pieds pos��s sur les chenets.
?Au nom du ciel, s'��cria tout d'un coup miss Betsy, pourquoi l'appeler rookery[1]?
-- Vous parlez de cette maison, madame? demanda ma m��re.
-- Oui, pourquoi l'appeler Rookery? Vous l'auriez appel�� cookery[2], pour peu que vous eussiez eu de bon sens, l'un ou l'autre.
-- M. Copperfield aimait ce nom, r��pondit ma m��re. Quand il acheta cette maison, il se plaisait �� penser qu'il y avait des nids de corbeaux dans les alentours.?
Le vent du soir s'��levait, et les vieux ormes du jardin s'agitaient avec tant de bruit, que ma m��re et miss Betsy jet��rent toutes deux les yeux de ce c?t��. Les grands arbres se penchaient l'un vers l'autre, comme des g��ants qui vont se confier un secret, et qui, apr��s quelques secondes de confidence, se rel��vent brusquement, secouant au loin leurs bras ��normes, comme si ce qu'ils viennent d'entendre ne leur laissait aucun repos: quelques vieux nids de corbeaux, �� moiti�� d��truits par les vents, ballottaient sur les branches sup��rieures, comme un d��bris de navire bondit sur une mer orageuse.
?O�� sont les oiseaux? demanda miss Betsy.
-- Les...?? Ma m��re pensait �� toute autre chose.
?Les corbeaux?... o�� sont-ils pass��s? redemanda miss Betsy.
-- Je n'en ai jamais vu ici, dit ma m��re. Nous croyions, M. Copperfield avait cru... qu'il y avait une belle rookery, mais les nids ��taient tr��s-anciens et depuis longtemps abandonn��s.
-- Voil�� bien David Copperfield! dit miss Betsy. C'est bien l�� lui, d'appeler sa maison la rookery, quand il n'y a pas dans les environs un seul corbeau, et de croire aux oiseaux parce qu'il voit des
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