Curiosités judiciaires et historiques du moyen âge. Procès contre les animaux | Page 2

Émile Agnel
planches représentant plus de 1,200 sujets; avec une
carte archéologique indiquant les abbayes et prieurés, etc. Cartonné,
non rogné. 50 fr.
Cet ouvrage, fruit de longues années de travail, contient les
monographies de plus de cent églises ou portions d'églises chrétiennes.
Il constitue, par l'importance des monuments qui y sont décrits et la
classification méthodique qui y est suivie, une véritable archéologie
religieuse de la France jusqu'à la fin du douzième siècle. À ce point de
vue, il s'adresse non-seulement à l'amateur d'histoire locale, mais
encore au savant, à l'archéologue curieux d'étudier les différentes
phases de notre architecture, surtout pendant la période si intéressante
du moyen âge.

L'auteur se propose de publier sous ce titre une série de brochures sur

divers sujets se rattachant aux moeurs et usages du moyen âge.
Paris.--Imp. de Pillet fils aîné, rue des Grands-Augustins, 5.

CURIOSITÉS JUDICIAIRES ET HISTORIQUES DU MOYEN ÂGE.
PROCÈS CONTRE LES ANIMAUX.
Les singularités judiciaires sont nombreuses et variées au moyen âge, et
souvent les magistrats interviennent dans des circonstances si bizarres,
que nous avons peine à comprendre, de nos jours, comment ces graves
organes de la justice ont pu raisonnablement figurer dans de telles
affaires.
Toutefois notre but n'est pas de critiquer ici des usages plus ou moins
absurdes, mais d'en constater simplement l'existence. Nous bornons
notre rôle à raconter les faits, sauf au lecteur à en tirer lui-même les
conséquences.
Plusieurs siècles nous séparent de l'époque dont nous cherchons à
étudier les moeurs et les idées, qui forment avec les nôtres de si
étranges disparates; aussi n'est-ce qu'après de scrupuleuses recherches
faites dans les ouvrages des jurisconsultes et des historiens les plus
respectables, que nous avons osé présenter cette rapide esquisse.
Au moyen âge on soumettait à l'action de la justice tous les faits
condamnables de quelque être qu'ils fussent émanés, même des
animaux.
L'histoire de la jurisprudence nous offre à cette époque de nombreux
exemples de procès dans lesquels figurent des taureaux, des vaches, des
chevaux, des porcs, des truies, des coqs, des rats, des mulots, des
limaces, des fourmis, des chenilles, sauterelles, mouches, vers et
sangsues.
La procédure que l'on avait adoptée pour la poursuite de ces sortes
d'affaires revêtait des formes toutes spéciales; cette procédure était

différente, suivant la nature des animaux qu'il s'agissait de poursuivre.
Si l'animal auteur d'un délit--tel par exemple qu'un porc, une truie, un
boeuf--peut être saisi, appréhendé au corps, il est traduit devant le
tribunal criminel ordinaire, il y est assigné personnellement; mais s'il
s'agit d'animaux sur lesquels on ne peut mettre la main, tels que des
insectes ou d'autres bêtes nuisibles à la terre, ce n'est pas devant le
tribunal criminel ordinaire que l'on traduira ces délinquants
insaisissables, mais devant le tribunal ecclésiastique, c'est-à-dire devant
l'officialité.
En effet que voulez-vous que fasse la justice ordinaire contre une
invasion de mouches, de charançons, de chenilles, de limaces? elle est
impuissante à sévir contre les dévastations causées par ces terribles
fléaux; mais la justice religieuse, qui est en rapport avec la Divinité,
saura bien atteindre les coupables; elle en possède les moyens: il lui
suffit de fulminer l'excommunication.
Tels étaient, en matière de procès contre les animaux, les principes
admis par les jurisconsultes du moyen âge. Arrivons maintenant à la
preuve de cette assertion.
Parlons d'abord des procès poursuivis contre les animaux devant la
justice criminelle ordinaire.
Comme on le voit encore de nos jours dans certaines localités, les porcs
et les truies, au moyen âge, couraient en liberté dans les rues des
villages, et il arrivait souvent qu'ils dévoraient des enfants; alors on
procédait directement contre ces animaux par voie criminelle. Voici
quelle était la marche que suivait la procédure:
On incarcérait l'animal, c'est-à-dire le délinquant, dans la prison du
siége de la justice criminelle où devait être instruit le procès. Le
procureur ou promoteur des causes d'office, c'est-à-dire l'officier qui
exerçait les fonctions du ministère public auprès de la justice
seigneuriale, requérait la mise en accusation du coupable. Après
l'audition des témoins et vu leurs dépositions affirmatives concernant le
fait imputé à l'accusé, le promoteur faisait ses réquisitions, sur

lesquelles le juge du lieu rendait une sentence déclarant l'animal
coupable d'homicide, et le condamnait définitivement à être étranglé et
pendu par les deux pieds de derrière à un chêne ou aux fourches
patibulaires, suivant la coutume du pays.
Du treizième au seizième siècle, les fastes de la jurisprudence et de
l'histoire fournissent de nombreux exemples sur l'usage de cette
procédure suivie contre des pourceaux et des truies qui avaient dévoré
des enfants, et qui, pour ce fait, étaient condamnés à être pendus.
Nous mentionnerons à ce sujet les sentences et exécutions suivantes:
Année 1266.--Pourceau brûlé à Fontenay-aux-Roses, près Paris, pour
avoir dévoré un enfant[1].
Septembre 1394.--Porc pendu à Mortaing, pour avoir tué un enfant de
la paroisse de Roumaigne[2].
Année 1404.--Trois
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