bien avancé. Maurice est beau comme un ange. Madame Duplessis raffole de lui. Il dit aussi une foule de belles choses dans le plus singulier patois _béricho-gascon_ qui se soit jamais entendu. Vous l'aimerez aussi, outre la parenté, car il a un charmant caractère.
Le pauvre vicomte doit s'ennuyer à périr de votre absence. Vous l'avez laissé bien cruellement, à ce qu'il me semble. C'est votre usage; mais s'accoutume-t-on aux rigueurs? Vous prétendez qu'il s'endort. Moi, je suis bien s?re qu'il médite ou qu'il tombe dans une mélancolie qui ressemble peut-être bien au sommeil; mais je parie que ce sont des soupirs que vous interprétez comme des ronflements dans votre cruauté.
Permettez-moi de vous embrasser, ma chère maman, et de vous souhaiter mille prospérités et une bonne santé surtout. Adieu, donnez-moi un peu plus souvent de vos nouvelles; embrassez pour moi ma soeur. Mes amitiés à Cazamajou[1], je vous en prie. Casimir vous baise les mains.
[1] Beau-frère de George Sand.
XIII
A M. HIPPOLYTE CHATIRON, A PARIS
Nohant, mars 1827
Ce que tu me dis de St... me fait beaucoup de peine; Il ne veut soigner ni sa santé ni ses affaires, et n'épargne ni son corps ni sa bourse. Qui pis est, il se fache des bons conseils, traite ses vrais amis de docteurs et les re?oit de manière à leur fermer la bouche. Je savais tout cela bien avant que tu me le dises, et j'avais été, avant toi, bourrée plus d'une fois de la bonne manière.
Je ne m'en suis jamais fachée, parce que je sais que son caractère est ainsi fait et que, puisque j'ai de l'amitié pour lui, connaissant ses défauts, je ne vois pas de motif à la lui retirer maintenant qu'il suit sa pente. Cette découverte a d? te refroidir, je le con?ois. Votre amitié n'était encore qu'une liaison mal affermie, attendant tout de l'avenir et ne recevant rien du passé. Sans doute, à ta place, trouvant cette apreté de caractère chez quelqu'un que j'aurais jugé tout différent, j'aurais comme toi rabattu beaucoup du cas que j'en faisais.
Quant à moi, je voudrais pouvoir cesser de l'aimer, car ce m'est un continuel sujet de peines que de le voir en mauvais chemin et toujours refusant de s'en apercevoir. Mais on doit aimer ses amis jusqu'au bout, quoi qu'ils fassent, et je ne sais pas retirer mon affection quand je l'ai donnée. Je prévois que St..., avec les moyens de parvenir, n'arrivera jamais à rien. Je le prévois même depuis longtemps. Cette famille est fort décriée dans le pays et à trop juste titre. St... a beaucoup des défauts de ses frères, et c'est tout ce qu'on conna?t de lui; car ses qualités, qui sont grandes et belles, celles d'une ame fortement trempée, capable de grandes vertus et de grandes erreurs, ne sont pas de nature à sauter aux yeux des indifférents et à être go?tées autrement qu'à l'épreuve.
On me saura toujours mauvais gré de lui être aussi attachée, et, bien qu'on n'ose me le témoigner ouvertement, je vois souvent le blame sur le visage des gens qui me forcent à le défendre. Je ne retirerai donc de lui rien qui puisse flatter ma vanité; peut-être, au contraire, aura-t-elle beaucoup à souffrir de sa condition. Je craindrais, en examinant trop attentivement les taches de son caractère, de me refroidir sous ce prétexte, mais effectivement de céder à toutes ces considérations d'amour-propre et d'égo?sme qui font qu'on rapporte tout à soi, et qu'on devrait fouler aux pieds.
St... me sera toujours cher, quelque malheureux qu'il soit. Il l'est déjà, et plus il le deviendra, moins il inspirera d'intérêt, telle est la règle de la société. Moi, du moins, je réparerai autant qu'il sera en moi ses infortunes. Il me trouvera quand tous les autres lui tourneraient le dos, et, d?t-il tomber aussi bas que l'a?né de ses frères, je l'aimerais encore par compassion, après avoir cessé de l'aimer par estime;--ceci n'est qu'une supposition pour te montrer quelle est mon amitié;--car on ne soup?onne pas de véritables torts à ceux qu'on aime, et je suis loin de me préparer à recevoir ce nouveau déboire de le voir s'abaisser. Mais il restera dans la misère. De tristes pressentiments m'avertissent que ses efforts pour s'en retirer l'y plongeront plus avant. Ce sera un grand tort aux yeux de tous, excepté aux miens.
Tu penses absolument comme moi à cet égard, puisque tu m'exhortes à ne lui pas retirer mon attachement. Tu peux être tranquille. Quant à toi, ce n'est pas tant de ses folies que tu es choqué que de l'aveuglement qui lui fait préférer ses faux amis aux vrais. Je ne te blame point de cette impression. Je te demande seulement de la modérer par un sentiment de bonté et d'indulgence qui t'est naturel et qui te fera continuer tes bons offices, soit qu'il les accueille bien

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