Contes humoristiques - Tome I | Page 2

Alphonse Allais
fut �� m��me de conna?tre l'extase, comme si l'extase et lui avaient gard�� les cochons ensemble.
C'est b��te, mais c'est ainsi: les moments heureux coulant plus vite que les autres (mon Dieu, comme la vie est mal arrang��e!), le moment du d��part arriva, et Steelcock ne pouvait se d��cider �� quitter l'idole.
Le Topsy-Turvy ��tait en rade, par�� �� prendre le large, n'attendant plus que son capitaine.
Steelcock enfin prit son parti.
Supr��mement, il embrassa la cr��ole et lui mit dans la main un certain nombre de livres sterling, en s'excusant de cette brutalit��, le temps lui ayant manqu�� pour acqu��rir un cadeau plus discret.
La jeune femme compta les pi��ces d'or et les mit dans sa poche d'un air pas autrement satisfait.
--Pensez-vous, demanda Steelcock un peu interloqu��, que cette somme n'est pas suffisante (sufficient)?
Et l'idole r��pondit, dans ce d��licieux gazouillis qui sert de langage aux filles de l��-bas:
--Oh si! toi, tu es bien gentil... mais c'est ton second qui me pose un sale lapin!
Cette r��v��lation porta un grand coup dans le coeur du capitaine. Un voile se d��chira en lui, et il vit ce que c'est que les femmes, en d��finitive.
D��s lors, il ne chercha plus l'exclusivit�� dans l'amour, se contentant sagement de l'hygi��ne et du confortable.
Quand il d��barqua dans les pays, tout droit il alla chez les amoureuses professionnelles, comme on va chez le marchand de conserves et de porc sal��.
Et il ne s'en trouva pas plus mal.
Derni��rement il fut amen�� �� relacher dans une des ?les Lahila (possessions luxembourgeoises).
Les ?les Lahila sont r��put��es dans tout le Pacifique, tant pour la beaut�� de leur climat que pour le relachement de leurs moeurs.
Un jeune lieutenant de vaisseau, M. Julien Viaud, qui s'est fait depuis une certaine notori��t�� sous le nom de Pierre Loti, en ��crivant des r��cits exotiques fort bien tourn��s, ma foi, a compos�� l'Hymne national de cette contr��e b��nie.
Je n'en ai retenu que le refrain:
?les Lahila! ?les Lahila! La bonne atmosph��re ?les Lahila! ?les Lahila! Qu'ont toutes ces ?les-l��!
Steelcock, �� peine �� terre, s'informa d'un bon endroit.
On lui indiqua complaisamment, derri��re la ville, une avenue bord��e d'��l��gants cottages dont les inscriptions respiraient le bon accueil et l'hospitalit�� bien entendue: _Welcome House, Good Luck Home, Eden Villa, Pavillon Bonne Franquette_.
Steelcock avait toujours eu un faible pour les dames de France. Aussi p��n��tra-t-il r��solument dans le Pavillon Bonne Franquette.
Il y fut re?u par une ancienne dame de Bordeaux, un peu d��fra?chie, qui le pr��senta �� ses pensionnaires.
Charmantes, les pensionnaires, et pleines d'enjouement.
Steelcock tomba dans les lacs d'une petite Toulonnaise, noire comme une taupe, qui aurait beaucoup gagn�� �� ��tre mieux peign��e, mais bien gentille tout de m��me.
Les amoureux se retir��rent et ce qu'ils firent pendant la nuit ne regarde personne.
Au petit matin (vous pouvez vous reporter aux journaux de l'��poque) un tremblement de terre d��vasta les ?les Lahila.
Le Pavillon Bonne Franquette n'��chappa pas au d��sastre.
Les dames eurent �� peine le temps de s'enfuir en des costumes l��gers mais professionnels.
Seuls, Steelcock et sa compagne manquaient �� l'appel.
On commen?ait �� avoir des inqui��tudes s��rieuses sur les infortun��s, quand on vit appara?tre, �� travers une crevasse de la maison, le capitaine couvert de platras, mais impassible et le monocle �� l'oeil.
--Dites m��d��me, cria Steelcock �� la dame de Bordeaux, _envoyez-moi une autre fille! La mienne, elle est m?rt!_

Royal Cambouis
Il est de bon go?t dans l'arm��e fran?aise de blaguer le train des ��quipages. Tr��s au-dessus de ces brocards, les bons tringlots laissent dire, sachant bien, qu'en somme, c'est seulement au Royal Cambouis o�� tout le monde a chevaux et voitures.
Chevaux et voitures! Cet horizon d��cida le jeune Gaston de Puyraleux �� contracter dans cette arme, qu'il jugeait d'��lite, un engagement de cinq ans.
Avant d'arriver �� cette solution, Gaston avait cru bon de d��vorer deux ou trois patrimoines dans le laps de temps qu'emploie le Sahara pour absorber, sur le coup de midi et demi, le contenu d'un arrosoir petit mod��le.
Le jeu, les tuyaux, les demoiselles, les petites f��tes et la grande f��te avaient ratiss�� jusqu'aux moelles le jeune Puyraleux. Mais c'est ga?ment tout de m��me et sans regrets qu'il ?rejoignit? le 112e r��giment du train des ��quipages �� Vernon.
Un philosophe optimiste, ce Gaston, avec cette devise: ?La vie est comme on la fait?.
Et il se chargeait de la faire dr?le sa vie, dr?le sans relache, dr?le quand m��me.
Adorant les voitures, raffolant des chevaux, Puyraleux n'eut aucun m��rite �� devenir la cr��me des tringlots.
Son habilet�� proverbiale tint vite de la l��gende: il e?t fait passer le plus copieux convoi par le trou d'une aiguille sans en effleurer les parois.
Vernon s'entoure de charmants paysages, mais personnellement c'est un assez facheux port de mer. Pour ne citer qu'un d��tail, ?a manque de femmes, ? combien! De femmes dignes de ce nom, vous me comprenez?
Entre la basse d��bauche et l'adult��re, Gaston de Puyraleux n'h��sita pas une seconde: il choisit les deux.
Il aima
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