Contes et nouvelles

Edouard Laboulaye
Contes et nouvelles

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Title: Contes et nouvelles
Author: Edouard Laboulaye
Release Date: May 21, 2004 [EBook #12399]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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CONTES
ET
NOUVELLES

PAR
ÉDOUARD LABOULAYE
MEMBRE DE L'INSTITUT

60 VIGNETTES PAR E. BOILVIN

[Illustration]

MA COUSINE MARIE

I
Par une froide et humide matinée de novembre, une pauvre femme, misérablement vêtue,
était assise auprès du lit de son enfant malade. On était en 1818; l'année avait été rude, la
guerre civile avait ensanglanté les rues de Paris: Georges, le mari de Madeleine (c'était le
nom de la pauvre femme), avait été tué derrière une barricade, où il défendait l'émeute en
croyant défendre ses droits. Depuis cette mort fatale, la misère et l'abandon étaient entrés
dans une famille que soutenait jusque-là le travail de son chef; c'était à grand'peine que

Madeleine avait pu louer une chambre au sixième étage dans une maison de la rue du
Helder. Elle était blanchisseuse en dentelles; pour garder ses pratiques, il lui fallait
habiter un quartier où tout était cher; elle s'était donc résignée à quitter le faubourg où on
l'avait mariée, où elle avait perdu son cher Georges. En temps de révolution, par malheur,
on ne fait guère de toilette; l'ouvrage était rare, déjà Madeleine était en arrière avec tous
ses fournisseurs. Le boulanger avait annoncé qu'il arrêtait son crédit. Madeleine touchait
au moment fatal qui perd les malheureux et fait d'une ouvrière honnête une mendiante,
que dégraderont bientôt la faim et le désespoir.
Elle était là, les yeux rougis par les veilles et les larmes, regardant sa fille rongée par la
fièvre, cherchant en vain dans sa pensée comment elle trouverait pour le lendemain du
travail et du pain, quand une main hardie tourna la clef de la porte et fit tressaillir la mère
et l'enfant.
La personne qui entrait était une femme de chambre mise de la façon la plus élégante.
Une taille pincée, un petit bonnet jeté en arrière de la tête, un tablier coquettement
festonné, tout annonçait une camériste de grande maison. Elle approcha d'un air dégagé et
ouvrant sa main, dans laquelle il y avait une pièce d'or:
«Tenez, bonne femme, dit-elle à Madeleine, voilà ce que Madame m'a chargé de vous
remettre.
--Qu'est-ce que cet argent? Qui me l'envoie? demanda la veuve de l'ouvrier en ouvrant
des yeux étonnés.
--C'est Madame, c'est la propriétaire, répondit la femme de chambre, en tendant du bout
des doigts la pièce d'or, que Madeleine ne regarda même pas.
--Votre maîtresse ne me doit rien, que je sache; je n'ai pas travaillé pour elle.
--Sans doute, reprit la femme de chambre en haussant les épaules, sans doute; Madame a
ses ouvrières; mais Mme Remy, la concierge a dit à Madame que vous n'aviez pas payé
votre terme et que vous aviez un enfant malade; et comme Madame est très charitable,
quoiqu'elle ait beaucoup de pauvres, Madame m'a dit: «Rose, montez auprès de cette
bonne femme, qui loge au grenier et portez-lui cette aumône. Tenez, voilà l'argent, il faut
que je descende». Et Mlle Rose jeta la pièce d'or sur une chaise, le seul meuble à peu près
qu'il y eût dans cette chambre désolée.
«Arrêtez, Mademoiselle, dit Madeleine, je ne suis pas une mendiante, je ne demande
l'aumône à personne. Mon terme, je le paierai; il ne me faut pour cela qu'une semaine de
travail. Remportez cet argent, ajouta-t-elle avec une certaine impatience, encore une fois,
je n'en veux pas; je ne tends pas la main.
--Madame m'a dit de vous porter ces vingt francs, reprit Rose d'un air dédaigneux, je n'ai
d'ordres à recevoir que de ma maîtresse; le reste ne me regarde pas. Il n'y a que ceux qui
paient qui ont le droit de commander.»
Madeleine était à la porte avant la femme de chambre.
«Reprenez cet or, cria-t-elle d'un ton impérieux; reprenez cet or et sortez d'ici.
Croyez-vous que je recevrai un secours de ces bourgeois qui m'ont tué mon mari?
Croyez-vous que je veuille rien de vos maîtres ni de vous? Allez-vous-en, ajouta-t-elle
d'une voix que faisait trembler la colère, et ne rentrez jamais ici, ou ce n'est pas par la
porte que vous sortirez.
--C'est bien, je vais tout dire à Madame; on vous donnera votre congé, impertinente, qui
refusez les bienfaits....»
On n'entendit pas le reste de la phrase, car Madeleine
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