fraîcheur salutaire; la suave odeur des 
arbrisseaux en fleurs, dont les touffes nombreuses caressent le visage, 
semble y attirer la douce haleine des zéphyrs, et le bruit des eaux 
irritées par les roues du moulin, et les différentes cascades dont il est 
environné, forment un murmure délicieux qui invite au charme d'une 
douce rêverie. Amélie et Célestine y venaient ensemble faire des 
lectures choisies par leur mère; quelquefois même elles y répétaient la 
leçon d'histoire qu'elles avaient reçue la veille. 
Un jour que Célestine, entraînée par le calme du matin, avait devancé 
son amie à la grotte solitaire et qu'en l'attendant elle repassait une leçon 
d'anglais, elle s'endormit sur un banc de mousse, où déjà les plus 
heureux songes venaient bercer son imagination. Elle n'avait pas aperçu 
le père Daniel, qui, placé à quelque distance, raccommodait un treillage 
couvert de chèvrefeuille, de lilas et d'aubépine. 
Mais souvent, au moment même où nous rêvons le bonheur, le plus 
grand danger nous menace. Un énorme serpent, se glissant sous des 
roseaux, la gueule béante et le dard en avant, s'approchait, en longs 
replis, de la jeune dormeuse, qu'il avait aperçue. Il allait s'élancer sur la 
figure de Célestine, et l'infecter du poison mortel qu'il recélait sous sa 
dent venimeuse, lorsque le père Daniel, qui, par un coup de la 
Providence, venait couper quelques joncs pour terminer son treillage, 
pousse un cri perçant qui réveille Célestine. Il s'élance sur l'affreux
reptile et l'attaque avec intrépidité. Le peu de forces qui lui restent 
semblent doubler en cet instant, et, au risque d'être victime de son 
courage, il lui casse la tête avec la bêche dont il est armé. Aux 
nouveaux cris de frayeur qu'il exhale, et à la vue du serpent qui se débat 
encore en expirant, Célestine pâlit et tombe sans connaissance dans les 
bras du courageux vieillard. Celui-ci, effrayé lui-même, crie, appelle au 
secours. Amélie accourt en ce moment; elle aide Daniel, déjà vacillant 
sur ses jambes, à soutenir sa jeune amie, qui reprend ses sens et se 
trouve appuyée sur le dos voûté du pauvre jardinier dont elle s'était 
moquée tant de fois. Elle le désigne comme son libérateur; elle ne 
dédaigne plus ce bon père Daniel qu'elle croyait n'être d'aucune utilité 
sur la terre; elle ne craint plus de s'abaisser en lui parlant. Avec quelle 
ivresse elle presse dans ses mains délicates et parfumées les mains 
noires et durillonnées de son généreux défenseur! Elle s'oublia même, 
dans l'effusion de sa reconnaissance, jusqu'à poser ses lèvres sur le 
front chauve et ridé de ce fidèle serviteur, auquel elle voua un 
attachement qui ne se démentit jamais. Elle se faisait un devoir de 
soutenir ce vieillard dans sa marche; elle répétait sans cesse qu'elle lui 
devait la vie. A partir de cette époque, elle honora, secourut la vieillesse, 
même dans la classe la plus obscure; et, chaque fois qu'elle voyait les 
jeunes personnes de son âge rire d'un agriculteur courbé sous le poids 
de l'âge, ou repousser avec dédain un vieil indigent qui implorait leur 
assistance, elle les blâmait à son tour, et se rappelait le _père Daniel_. 
 
LA SOURIS BLANCHE. 
Laure Melval, âgée de dix ans, réunissait tout ce qui peut faire 
remarquer dans le monde: une éducation soignée, un heureux caractère, 
une humeur enjouée, une sensibilité vraie, et surtout un attachement 
sans bornes pour sa mère. Jamais la moindre humeur ne venait altérer 
ses qualités aimables; et, si quelquefois un mouvement de contrariété 
paraissait sur sa figure, il en disparaissait aussitôt, comme un nuage 
léger qui se glisse passagèrement sous un ciel pur et serein. 
Cependant, à travers tous ces avantages dont la nature avait pris plaisir 
à doter Laure, on apercevait une faiblesse d'esprit qu'elle portait 
jusqu'au ridicule: c'était une frayeur pusillanime, une peur 
insurmontable que lui causaient les animaux les plus petits, les insectes 
mêmes qui, par leur nature autant que par leur petitesse, ne peuvent
faire le moindre mal. Apercevait-elle un papillon de nuit dans le salon, 
voltigeant autour de la lampe allumée, elle poussait des cris affreux, et 
s'imaginait que ce timide insecte, seulement trompé par l'éclat de la 
lumière, allait la dévorer. Mais c'était bien pis quand par hasard une 
chauve-souris s'introduisait dans son appartement: quoique le pauvre 
animal, d'une forme hideuse, il est vrai, ne cherchait qu'une issue par 
laquelle il pût se sauver, la jeune peureuse était convaincue qu'il n'était 
parvenu jusqu'à elle que pour la saisir dans ses serres rousses et velues, 
et l'emporter dans les airs. C'est en vain que madame de Melval faisait 
observer à sa fille que cette chauve-souris, grosse à peine comme la 
moitié de sa main, ne pouvait soulever un poids deux mille fois plus 
pesant qu'elle. Laure, pâle et tremblante, soutenait que ce monstre 
affreux était venu pour lui arracher les yeux, ou tout au moins les    
    
		
	
	
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