à jouets ou boîtes à bijoux. Plus rien de 
l'ancienne légende qui donnait un sens particulier à cette nature de 
présents. 
Et, malgré moi, je me détournais de ces chapelets insupportables aux 
grains inégaux, aux contours sans harmonie pour me rappeler, dans le 
grand peuplier de mon jardin, le nid désert que mouillaient les
giboulées, le nid que n'agitaient plus de craintifs frémissements d'ailes. 
Et cette antithèse prenant d'étranges proportions dans mon esprit, je 
murmurais, sans dire tout haut ma préoccupation ridicule: 
Nid sans oeufs, oeufs sans nid. La triste chose! 
* * * * * 
Et, tout en marchant par les rues qu'emplissait un grand désoeuvrement 
de foule, je pensais aux maisons où l'on pleure aujourd'hui les absents 
de la dernière guerre. L'enfant a grandi, intelligent et vigoureux, portant 
en lui l'immense espoir de tous. Il avait coûté cher à faire ainsi, mais il 
était celui qui devait s'envoler plus haut que les autres du même nom et 
rapporter, un jour, dans l'arche, un brin de laurier. Il était l'orgueil futur 
et la consolation certaine. Quand le devoir viril de servir son pays est 
venu à lui, il l'avait accueilli comme un ami et il était parti promettant 
de revenir. Qui raillera maintenant les pressentiments des mères? C'est 
dans le vacarme de la poudre qu'il a rencontré l'éternel silence. C'est la 
mort anonyme que crache au hasard la gueule des canons qui lui a mis 
au front le froid du dernier baiser. Est-ce l'ongle subtil des bêtes de 
proie ou la pointe d'une pique ennemie qui, le retournant sur le sable 
ensanglanté, donnera à sa face l'adieu de la lumière? Tandis que les 
clairons se taisent dans l'éloignement de la retraite, son dernier souffle 
s'exhale et va rejoindre dans le ciel la clameur des cuivres rassemblant 
les courages prêts à de nouveaux combats. Celui-là ne reverra plus le 
doux toit où il avait été comme l'oiseau tremblant que rassurent les 
maternelles caresses, le doux toit dont il s'était trouvé l'hôte en naissant 
et où les choses elles-mêmes semblaient l'aimer! 
Et lui donc! n'avait-il pas rêvé, à son tour, la demeure tranquille où il 
amènerait un jour la jeune épouse toute blanche? La porte n'était-elle 
pas ouverte déjà, perdue dans un échevèlement de glycine, donnant sur 
le jardin où les causeries seraient si douces à la clarté amie des étoiles, 
sous l'odeur fragile des lilas? Ne savait-il pas déjà la place du banc de 
pierre où les confidences meurent dans l'imperceptible bruissement des 
mousses froissées quand s'allument doux projets morts dans leur germe! 
Maison vide et rêve sans asile!
Nid sans oeufs! oeufs sans nid! 
* * * * * 
Vous rappelez-vous, mon amour, la place que nous avions choisie pour 
nous aimer bien longtemps quand le printemps viendrait, après l'hiver 
qui nous fut si doux et qui devait contenir toutes nos tendresses? C'est 
en marchant dans la neige qui craquait délicieusement sous vos petits 
pieds, le long du bois désolé et sous un ciel froid où le soleil pâle, et las 
de lutter, soufflait à peine quelques vapeurs de cuivre que nous parlions, 
votre bras tenant de très près le mien, du renouveau des choses fêtant le 
renouveau de notre bonheur. Au lieu de la fourrure frileuse qui vous 
enveloppait cependant si bien, vous porteriez une toilette très légère et 
je verrais vos jolis bras sous les transparences nacrées de l'étoffe. Nous 
nous arrêterions longtemps sous ce toit rustique dont les murs 
porteraient des capucines en fleur parmi les lierres. Et vos baisers après 
avoir été le foyer où nos âmes croisaient leurs étincelles, seraient 
devenus la fraîcheur des sources où elles seraient venues boire 
ensemble. 
Avril est venu trop tard pour nous trouver encore amis. Les calendriers 
se moquent bien de nos misères. 
Et vous,--comme le temps fuit!--qui fûtes ma compagne d'une nuit 
seulement; d'une nuit chaste mais pleine de désirs, dans l'emportement 
du train qui nous emmenait l'un et l'autre pour nous séparer à l'arrivée; 
d'une nuit trop courte où ne s'échangèrent que des paroles presque 
banales, mais où tous deux nous sentions déjà l'enlacement délicieux 
des chaînes qui allaient se briser, croyez-vous que j'aie oublié les rêves 
absurdement exquis que je sentais en vous aussi bien qu'en moi et qui 
me reviennent parfois sur des ailes d'espérance? 
Nos vaines tendresses sont souvent comme des voyageurs sans gîte. 
Des bonheurs ignorés nous attendent là où ne nous mènera jamais notre 
chemin. 
Nids sans oeufs! oeufs sans nid! La triste chose!
[Illustration] 
[Illustration] 
 
AU SALON 
Nous cheminions, celle que j'aime et moi, dans les grandes salles, les 
yeux déjà un peu perdus de peinture, dans cette griserie vague de 
couleurs qui vient d'une orgie de tableaux et qui ne permet guère, à nos 
Expositions annuelles, les patientes études. Autour de nous la foule 
grouillait, et l'on eût dit que, nouvelle    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.