nouveau miss Lydia par une histoire de vendetta 
transversale[1], encore plus bizarre que la première, et il acheva de l'enthousiasmer pour 
la Corse en lui décrivant l'aspect étrange, sauvage du pays, le caractère original de ses 
habitants, leur hospitalité et leurs moeurs primitives. Enfin, il mit à ses pieds un joli petit 
stylet, moins remarquable par sa forme et sa monture en cuivre que par son origine. Un 
fameux bandit l'avait cédé au capitaine Ellis, garanti pour s'être enfoncé dans quatre corps 
humains. Miss Lydia le passa dans sa ceinture, le mit sur sa table de nuit, et le tira deux 
fois de son fourreau avant de s'endormir. De son côté, le colonel rêva qu'il tuait un 
mouflon et que le propriétaire lui en faisait payer le prix, à quoi il consentait volontiers, 
car c'était un animal très curieux, qui ressemblait à un sanglier, avec des cornes de cerf et 
une queue de faisan. 
«Ellis conte qu'il y a une chasse admirable en Corse, dit le colonel, déjeunant tête à tête 
avec sa fille; si ce n'était pas si loin, j'aimerais à y passer une quinzaine. 
-- Eh bien, répondit miss Lydia, pourquoi n'irions-nous pas en Corse? Pendant que vous 
chasseriez, je dessinerais; je serais charmée d'avoir dans mon album la grotte dont parlait 
le capitaine Ellis, où Bonaparte allait étudier quand il était enfant.» 
C'était peut-être la première fois qu'un désir manifesté par le colonel eût obtenu 
l'approbation de sa fille. Enchanté de cette rencontre inattendue, il eut pourtant le bon 
sens de faire quelques objections pour irriter l'heureux caprice de miss Lydia. En vain il 
parla de la sauvagerie du pays et de la difficulté pour une femme d'y voyager: elle ne 
craignait rien; elle aimait par- dessus tout à voyager à cheval; elle se faisait une fête de 
coucher au bivouac; elle menaçait d'aller en Asie Mineure. Bref, elle avait réponse à tout, 
car jamais Anglaise n'avait été en Corse; donc elle devait y aller. Et quel bonheur, de 
retour dans Saint-Jame's Place, de montrer son album! «Pourquoi donc, ma chère, 
passez-vous ce charmant dessin? -- Oh! ce n'est rien. C'est un croquis que j'ai fait d'après 
un fameux bandit corse qui nous a servi de guide. -- Comment! vous avez été en 
Corse?...» 
Les bateaux à vapeur n'existant point encore entre la France et la Corse, on s'enquit d'un 
navire en partance pour l'île que miss Lydia se proposait de découvrir. Dès le jour même, 
le colonel écrivait à Paris pour décommander l'appartement qui devait le recevoir, et fit 
marché avec le patron d'une goélette corse qui allait faire voile pour Ajaccio. Il y avait 
deux chambres telles quelles. On embarqua des provisions; le patron jura qu'un vieux 
sien matelot était un cuisinier estimable et n'avait pas son pareil pour la bouillabaisse; il 
promit que mademoiselle serait convenablement, qu'elle aurait bon vent, belle mer. 
En outre, d'après les volontés de sa fille, le colonel stipula que le capitaine ne prendrait 
aucun passager, et qu'il s'arrangerait pour raser les côtes de l'île de façon qu'on pût jouir 
de la vue des montagnes. 
 
II 
Au jour fixé pour le départ, tout était emballé, embarqué dès le matin: la goélette devait
partir avec la brise du soir. En attendant, le colonel se promenait avec sa fille sur la 
Canebière, lorsque le patron l'aborda pour lui demander la permission de prendre à son 
bord un de ses parents, c'est-à-dire le petit-cousin du parrain de son fils aîné, lequel 
retournant en Corse, son pays natal, pour affaires pressantes, ne pouvait trouver de navire 
pour le passer. 
«C'est un charmant garçon, ajouta le capitaine Matei, militaire, officier aux chasseurs à 
pied de la garde, et qui serait déjà colonel, si l'Autre était encore empereur. 
-- Puisque c'est un militaire», dit le colonel..., il allait ajouter: «Je consens volontiers à ce 
qu'il vienne avec nous...» mais miss Lydia s'écria en anglais: 
«Un officier d'infanterie!... (son père ayant servi dans la cavalerie, elle avait du mépris 
pour toute autre arme) un homme sans éducation peut-être, qui aura le mal de mer, et qui 
nous gâtera tout le plaisir de la traversée!» 
Le patron n'entendait pas un mot d'anglais, mais il parut comprendre ce que disait miss 
Lydia à la petite moue de sa jolie bouche, et il commença un éloge en trois points de son 
parent, qu'il termina en assurant que c'était un homme très comme il faut, d'une famille de 
caporaux, et qu'il ne gênerait en rien monsieur le colonel, car lui, patron, se chargeait de 
le loger dans un coin où l'on ne s'apercevrait pas de sa présence. 
Le colonel et miss Nevil trouvèrent singulier qu'il y eût en Corse des familles où l'on fût 
ainsi caporal de père en fils; mais, comme ils pensaient pieusement qu'il s'agissait d'un 
caporal d'infanterie, ils    
    
		
	
	
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