1862, à la séance de la Société 
royale géographique de Londres, Waterloo place, 3. Le président, sir Francis M..., faisait 
à ses honorables collègues une importante communication dans un discours fréquemment 
interrompu par les applaudissements. 
Ce rare morceau d'éloquence se terminait enfin par quelques phrases ronflantes dans 
lesquelles le patriotisme se déversait à pleines périodes: 
« L'Angleterre a toujours à la tête des nations (car, on l'a remarqué, les nations marchent 
universellement à la tête les unes des autres), « par l'intrépidité de ses voyageurs dans la 
voie des découvertes géographiques. (Assentiments nombreux.) Le docteur Samuel 
Fergusson, l'un de ses glorieux enfants, ne faillira pas à son origine. (De toutes parts: Non! 
non!) Cette tentative, si elle réussit (elle réussira!) reliera, en les complétant, les notions 
éparses de la cartologie africaine (véhémente approbation), et si elle échoue (jamais! 
jamais!), elle restera du moins comme l'un des plus audacieuses conceptions du génie 
humain! (Trépignements frénétiques.) » 
--Hourra! hourra! fit l'assemblée électrisée par ces émouvantes paroles. 
--Hourra pour l'intrépide Fergusson!» s'écria l'un des membres les plus expansifs de 
l'auditoire. 
Des cris enthousiastes retentirent. Le nom de Fergusson éclata dans toutes les bouches, et 
nous sommes fondés à croire qu'il gagna singulièrement à passer par des gosiers anglais. 
La salle des séances en fut ébranlée. 
Ils étaient là pourtant, nombreux, vieillis, fatigués, ces intrépides voyageurs que leur 
tempérament mobile promena dans les cinq parties du monde! Tous, plus ou moins, 
physiquement ou moralement, ils avaient échappé aux naufrages, aux incendies. aux 
tomahawks de l'Indien, aux casse-têtes du sauvage, au poteau du supplice, aux estomacs 
de la Polynésie! Mais rien ne put comprimer les battements de leurs cœurs pendant le 
discours de sir Francis M..., et, de mémoire humaine, ce fut là certainement le plus beau 
succès oratoire de la Société royale géographique de Londres Mais, en Angleterre, 
l'enthousiasme ne s'en tient pas seulement aux paroles. Il bat monnaie plus rapidement 
encore que le balancier de « the Royal Mint [La Monnaie à Londres.]. » Une indemnité 
d'encouragement fut votée, séance tenante, en faveur du docteur Fergusson, et s'éleva au 
chiffre de deux mille cinq cents livres[Soixante-deux mille cinq cents francs.]. 
L'importance de la somme se proportionnait à l'importance de l'entreprise. 
L'un des membres de la Société interpella le président sur la question de savoir si le 
docteur Fergusson ne serait pas officiellement présenté. 
« Le docteur se tient à la disposition de l'assemblée, répondit sir Francis M ... 
--Qu'il entre! s'écria-t-on, qu'il entre! Il est bon de voir par ses propres yeux un homme 
d'une audace aussi extraordinaire! 
--Peut-être cette incroyable proposition, dit un vieux commodore apoplectique, n'a-t-elle 
eu d'autre but que de nous mystifier!
--Et si le docteur Fergusson n'existait pas! cria une voix malicieuse. 
--Il faudrait l'inventer, répondit un membre plaisant de cette grave Société. 
--Faites entrer le docteur Fergusson, » dit simplenlent sir Francis M ... 
Et le docteur entra au milieu d'un tonnerre d'applaudissements, pas le moins du monde 
ému d'ailleurs. 
C'était un homme d'une quarantaine d'années, de taille et de constitution ordinaires; son 
tempérament sanguin se trahissait par une coloration forcée du visage, il avait une figure 
froide, aux traits réguliers, avec un nez fort, le nez en proue de vaisseau de l'homme 
prédestiné aux découvertes; ses yeux fort doux, plus intelligents que hardis, donnaient un 
grand charme à sa physionomie; ses bras étaient longs, et ses pieds se posaient à terre 
avec l'aplomb du grand marcheur. 
La gravité calme respirait dans toute la personne du docteur, et l'idée ne venait pas à 
l'esprit qu'il put être l'instrument de la plus innocente mystification. 
Aussi, les hourras et les applaudissements ne cessèrent qu'au moment où le docteur 
Fergusson réclama le silence par un geste aimable. Il se dirigea vers le fauteuil préparé 
pour sa présentation; puis, debout, fixe, le regard énergique, il leva vers le ciel l'index de 
la main droite; ouvrit la bouche et prononça ce seul mot: 
« Excelsior! » 
Non! jamais interpellation inattendue de MM. Bright et Cobden, jamais demande de 
fonds extraordinaires de lord Palmerston pour cuirasser les rochers de l'Angleterre, 
n'obtinrent un pareil succès. Le discours de sir Francis M... était dépassé, et de haut. Le 
docteur se montrait à la fois sublime, grand, sobre et mesuré; il avait dit le mot de la 
situation: 
« Excelsior! » 
Le vieux commodore, complètement rallié à cet homme étrange, réclama l'insertion « 
intégrale » du discours Fergusson dans the Proceedings of the Royal Geographical 
Society of London [Bulletins de la Société Royale Géographique de Londres.]. 
Qu'était donc ce docteur, et à quelle entreprise allait-il se dévouer? 
Le père du jeune Fergusson, un brave capitaine de la marine anglaise, avait associé son 
fils, dès son plus jeune âge, aux dangers et aux aventures de sa profession. Ce digne 
enfant, qui paraît n'avoir jamais connu la crainte, annonça promptement    
    
		
	
	
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