de ce dernier, La Fontaine passa de protecteur en protecteur, 
étant trop distrait et trop insouciant pour pourvoir lui-même à son 
existence. 
Les _Fables_, empruntées aux auteurs de l'antiquité, du moyen-âge et 
de l'étranger, forment son oeuvre capitale; et s'il prend ça et là "son 
bien où il le trouve," la composition, la langue et la versification, qui 
donnent leur valeur à ces petits Chefs-d'oeuvre, lui appartiennent en 
propre. On l'a appelé "l'_Inimitable_." 
A part les _Fables_ divisées en douze livres, La Fontaine a écrit de 
nombreux _Contes_ en vers et des morceaux lyriques. 
LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS. 
Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D'une façon fort 
civile,
A des reliefs d'ortolans. 
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser 
la vie
Que firent ces deux amis. 
Le régal fut fort honnête;
Bien ne manquait au festin:
Mais 
quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étaient en train. 
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit.
Le rat de ville détale;
Son camarade le suit. 
Le bruit cesse, on se retire:
Rats en campagne aussitôt;
Et le citadin 
de dire:
Achevons tout notre rôt. 
C'est assez, dit le rustique;
Demain vous viendrez chez moi,
Ce
n'est pas que je me pique
De tous vos festins de roi: 
Mais rien ne vient m'interrompre;
Je mange tout à loisir.
Adieu 
donc. Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre! 
(Livre I. Fable IX.). 
LE MEUNIER, SON FILS ET L'ANE. 
J'ai lu dans quelque endroit qu'un meunier et son fils,
L'un vieillard, 
l'autre enfant, non pas des plus petits,
Mais garçon de quinze ans, si 
j'ai bonne mémoire,
Allaient vendre leur âne un certain jour de foire.
Afin qu'il fût plus frais et de meilleur débit,
On lui lia les pieds, on 
vous le suspendit;
Puis cet homme et son fils le portent comme un 
lustre.
Pauvres gens! idiots! couple ignorant et rustre!
Le premier 
qui les vit de rire s'éclata:
"Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-là?
Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense."
Le meunier, à ces 
mots, connaît son ignorance;
Il met sur pied sa bête et la fait détaler.
L'âne, qui goûtait fort l'autre façon d'aller,
Se plaint en son patois. 
Le meunier n'en a cure;
Il fait monter son fils, il suit, et d'aventure,
Passent trois bons marchands. Cet objet leur déplut
Le plus vieux au 
garçon s'écria tant qu'il put:
"Oh là! descendez, que l'on ne vous le 
dise,
Jeune homme, qui menez laquais à barbe grise.
C'était à vous 
de suivre, au vieillard de monter."
--"Messieurs, dit le meunier, il faut 
vous contenter."
L'enfant met pied à terre, et puis le vieillard monte,
Quand trois filles passant, l'une dit: "C'est grand'honte Qu'il faille 
voir ainsi clocher ce jeune fils,
Tandis que ce nigaud, comme un 
évêque assis,
Fait le veau sur son âne, et pense être bien sage."
--"Il 
n'est, dit le meunier, plus de veaux à mon âge:
Passez votre chemin, 
la fille, et m'en croyez.
Après maints quolibets coup sur coup 
renvoyés,
L'homme crut avoir tort, et mit son fils en croupe.
Au 
bout de trente pas, une troisième troupe
Trouve encore à gloser. L'un 
dit: "Ces gens sont fous!
Le baudet n'en peut plus; il mourra sous 
leurs coups.
Eh quoi! charger ainsi cette pauvre bourrique?
N'ont-ils
point de pitié de leur vieux domestique?
Sans doute qu'à la foire ils 
vont vendre sa peau."
"Pardieu! dit le meunier, est bien fou du 
cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.
Essayons 
toutefois si par quelque manière
Nous en viendrons à bout. "Ils 
descendent tous deux;
L'âne se prélassant marche seul devant eux.
Un quidam les rencontre, et dit: "Est-ce la mode
Que baudet aille à 
l'aise, et meunier s'incommode?
Qui, de l'âne ou du maître est fait 
pour se lasser?
Je conseille à ces gens de le faire enchâsser.
Us 
usent leurs souliers et conservent leur âne.
Nicolas au rebours, car, 
quand il va voir Jeanne,
Il monte sur sa bête, et la chanson le dit.
Beau trio de baudets." Le meunier repartit:
"Je suis âne, il est vrai, 
j'en conviens, je l'avoue;
Mais que dorénavant on me blâme, on me 
loue,
Qu'on dise quelque chose ou qu'on ne dise rien,
J'en veux faire 
à ma tête." Il le fit, et fit bien. 
Quand à vous, suivez Mars, ou l'Amour, ou le Prince,
Allez, venez, 
courez; demeurez en province;
Prenez femme, abbaye, emploi, 
gouvernement;
Les gens en parleront, n'en doutez nullement. 
(Livre III. Fable I). 
LES ANIMAUX MALADES DE LA PESTE. 
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa 
pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par 
son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron, 
Faisait aux animaux la guerre;
Ils ne mouraient pas tous, mais tous 
étaient frappés: 
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien, d'une mourante 
vie; 
Nul mets n'excitait leur envie;
Ni loups ni renards n'épiaient
La 
douce et l'innocente proie;
Les tourterelles se fuyaient:
Plus
d'amour, partant plus de joie.
Le lion tint conseil, et dit: "Mes chers 
amis, 
Je crois que le ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune.
Que le 
plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux :
Peut-être il obtiendra la    
    
		
	
	
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