Chateaubriand | Page 2

Jules Lemaitre
ber?a son premier sommeil... Le Ciel sembla r��unir ces diverses circonstances pour placer dans son berceau une image de ses destin��es.? Bref, Chateaubriand naquit sans aucune simplicit��.
Des neuf enfants n��s avant lui, un fr��re et quatre soeurs survivaient, lorsque, comme il dit, ?la vie lui fut inflig��e?. Ne faites pas attention et ne vous d��solez pas; cette vie fut, en effet, l'une des plus magnifiques que l'on connaisse, et Dieu sait s'il en a joui! Sauf �� l'arm��e de Cond��, apr��s sa blessure, puis �� Londres, et peut-��tre beaucoup plus tard, dans l'extr��me vieillesse, je ne crois pas qu'il ait excessivement souffert. Il a ��t�� triste, oui; mais ��tre triste, c'est tout autre chose: c'est m��me, pour lui, presque le contraire.
Il dit encore: ?Il est probable que mes quatre soeurs durent leur existence au d��sir de mon p��re d'avoir son nom assur�� par l'arriv��e d'un second gar?on; je r��sistais; j'avais aversion pour la vie.? Son p��re et sa m��re ne l'avaient donc pas d��sir�� pour lui-m��me. Il n'a pas ��t�� extr��mement aim�� par eux. Il les a peu aim��s. Son p��re, cadet d'une famille ancienne, et qui avait r��par�� la fortune de la maison par le commerce en temps de paix et la course en temps de guerre, ��tait un sinistre vieux gentilhomme; sa m��re, une dame grondeuse et avare. ?Mon p��re ��tait la terreur des domestiques, ma m��re le fl��au.? D'ailleurs ?une v��ritable sainte?, dit-il autre part: car ?a n'emp��che pas.
Cui non risere parentes... ?Celui �� qui ses parents n'ont pas souri ne fut jamais admis �� la table d'un dieu ni au lit d'une d��esse.? Cela ne fut point vrai de Chateaubriand, qui, certes, s'assit aux banquets des olympiens et connut les amours des d��esses mortelles. La rudesse m��me et la solitude de son enfance et ce Combourg avare de sourires pr��paraient en lui ce g��nie par o�� il devait r��gner et plaire. ?Cette dure ��ducation, dit-il, a imprim�� �� mes sentiments un caract��re de m��lancolie.?
?On me livra, dit-il encore, �� une enfance oisive.? Oisive, mais libre et tr��s peu surveill��e. �� Saint-Malo, il pousse comme il pla?t �� Dieu, il vagabonde, se bat et polissonne tout le jour. C'est un gamin un peu court, avec une grosse t��te, robuste et dru. Je crois bien qu'il exag��re, lorsqu'il dit: ?J'��tais surtout d��sol��, quand je paraissais d��guenill�� au milieu des enfants, fiers de leurs habits neufs et de leur braverie?, ou bien, le jour de sa premi��re communion, �� Dol: ?Mon bouquet et mes habits ��taient moins beaux que ceux de mes compagnons.? (Pourquoi? ��tait-il si pauvre? ou sa m��re si indiff��rente?) ou enfin: ?Une pierre m'atteignit si rudement (dans une rixe entre galopins) que mon oreille gauche, �� moiti�� d��tach��e, tombait sur mon ��paule? (il a cette manie de grossir tout ce qui le touche). Mais il eut, certainement, une enfance tumultueuse, �� plaies et �� bosses, et qui fait songer �� l'enfance de son compatriote Duguesclin.
Il fit des ��tudes d��cousues �� Dol, �� Rennes, �� Dinan. C'��tait un enfant tr��s orgueilleux et tr��s passionn��, en m��me temps que farouche et r��veur. Tout, dit-il, ��tait passion chez lui, en attendant les passions m��mes. Il faut lire sa r��sistance d��lirante, un jour qu'il a ��t�� condamn�� �� recevoir le fouet: ?L'id��e de la honte n'avait point approch�� de mon ��ducation sauvage: �� tous les ages de ma vie, il n'y a point de supplice que je n'eusse pr��f��r�� �� l'horreur d'avoir �� rougir devant une cr��ature vivante.? Chez lui, ce que j'appellerai la crise de la premi��re communion et ensuite la crise de la pubert�� furent d'une extr��me violence. Je ne sais ce qu'il avait cach�� en confession; s?rement autre chose qu'une d��sob��issance ou un larcin de confiture. Le pr��tre le devine et insiste; l'enfant avoue... ?Je n'aurai jamais un tel moment dans ma vie... Je sanglotais de bonheur.? Or, cette m��me ann��e, le hasard avait fait tomber entre ses mains un Horace complet. En outre, il d��robe un Tibulle. Le quatri��me livre de l'En��ide et le sixi��me de T��l��maque le troublent plus que de raison. Des sermons m��mes de Massillon sur la P��cheresse et sur l'Enfant prodigue, il tirait des ��motions sensuelles.
Et bient?t, revenu �� Combourg, ce sont des songeries ardentes, et des courses folles dans les bois. ?... J'entrevis que d'aimer et d'��tre aim�� d'une mani��re qui m'��tait inconnue devait ��tre la f��licit�� supr��me... Je me composai une femme de toutes les femmes que j'avais vues...? C'est ici que se place le d��veloppement fameux sur la ?sylphide?, le fant?me d'amour, sur la ?charmeresse qui le suit partout? et qui ?varie au gr�� de sa folie?. Morceau de rh��torique, mais ardente vers la fin, et m��lang��e de quelques traits plus pr��cis: ?Mes yeux se creusaient, je maigrissais, je ne dormais plus; j'��tais distrait, triste, ardent, farouche. Mes jours
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