lui l'objet d'un culte. Il s'��tait d��vou�� �� cette fr��le existence, et jusqu'aux derniers moments il l'avait entour��e de ses soins; il a montr�� pour elle une rare abn��gation, une tendresse de sentiment in��puisable, un d��sint��ressement absolu. Cette constance �� l'amiti��, dans des circonstances difficiles, au milieu des embarras d'argent dont nous parlerons, r��futent p��remptoirement les accusations de s��cheresse de coeur et d'��go?sme qui lui ont ��t�� si souvent adress��es. Il pleura Madame de Beaumont dans toute l'amertume de sa douleur. ?On n'a pas senti, disait-il, toute la d��solation du coeur quand on n'est pas rest�� seul �� errer dans les lieux nagu��res habit��s par une personne qui avait agr���� votre vie.?
Cette douleur ��tait partag��e par tous ceux que Madame de Beaumont avait honor��s de son amiti��, mais personne ne la ressentit plus profond��ment que Joubert. ?Je ne vous ��cris rien de ma douleur, ��crit-il �� Ch��nedoll��, elle n'est point extravagante, mais elle sera ��ternelle. Quelle place cette femme aimable occupait pour moi dans le monde! Chateaubriand la regrette s?rement autant que moi, mais elle lui manquera moins ou moins longtems... Vous aurez la relation de ses derniers moments. Rien au monde n'est plus propre �� faire couler les larmes que ce r��cit; cependant il est consolant. On adore ce bon gar?on en le lisant, et quant �� elle, on sent, pour peu qu'on l'ait connue, qu'elle e?t donn�� dix ans de sa vie pour mourir si paisiblement et pour ��tre ainsi regrett��e.?
Un passage de cette lettre de Joubert exige des explications: ?Chateaubriand regrette s?rement Madame de Beaumont autant que moi, mais elle lui manquera moins ou moins longtems.? Cette assertion vraie dans un sens ne l'est pas dans un autre, et c'est ici que des faits mis aujourd'hui en pleine lumi��re nous r��v��lent clairement Chateaubriand avec toute la mobilit�� de ses passions et toute la pers��v��rance de ses amiti��s. On ne peut nier ses faiblesses, l'inconstance de ses d��sirs, l'entra?nement qui l'emportait sans cesse vers des passions nouvelles. Mais ces passions se transformaient vite en un sentiment plus ��lev�� et plus pur d'affection pleine de tendresse, d'inalt��rable amiti�� qui durait autant que la vie.
C'est donc avec une v��rit�� absolue, si l'on veut distinguer entre la mobilit�� de ses passions et la persistance de ses amiti��s, qu'on a pu dire de lui que ?personne n'a peut-��tre montr�� plus de suite et de fid��lit�� dans ses affections; qu'il se donnait tr��s s��rieusement et pour ainsi dire sans retour; qu'il a montr�� toujours une exquise d��licatesse de sentiments, un d��sint��ressement �� toute ��preuve, une constance et une rectitude remarquable dans le commerce de l'amiti��.?
Ce jugement port�� par un homme qui l'a bien connu, se trouve justifi�� pour Madame de Beaumont. Il ne le sera pas moins pour d'autres liaisons qui ont suivi ce premier attachement.
D'ailleurs Chateaubriand avec sa disposition �� tout dire de lui, le mal comme le bien, nous a r��v��l�� lui-m��me quel avait ��t�� l'��tat de son ame au milieu des attachements de son orageuse jeunesse. Il raconte dans ses M��moires que le 21 janvier 1804, il ��tait all�� prier sur le tombeau de Madame de Beaumont, en faisant ses adieux �� Rome, et il ajoute: ?Mon chagrin ne se flattait-il pas en ces jours lointains que le lien qui venait de se rompre serait mon dernier lien? Et, pourtant, que j'ai vite, non pas oubli��, mais remplac�� ce qui me fut cher! Ainsi va l'homme de d��faillance en d��faillance. L'indigence de notre nature est si profonde, que dans nos infirmit��s volages, pour exprimer nos affections r��centes, nous ne pouvons employer que des mots d��j�� us��s par nous dans nos anciens attachements. Il est cependant des paroles qui ne devraient servir qu'une fois; on les profane en les r��p��tant.?
En effet, Chateaubriand avait d��j�� remplac��, avant m��me qu'il e?t �� la pleurer, la femme qu'il avait tant aim��e et dont la m��moire devint le culte de toute sa vie. Avant la mort de Madame de Beaumont un autre attachement ��tait d��j�� form��: la liaison de Chateaubriand avec Madame de Custine avait commenc��.
* * * * *
Un voile myst��rieux enveloppe encore les premiers d��buts des relations de Chateaubriand et de Madame de Custine. Quand se sont-ils connus? Comment est n�� ce long attachement qui a travers�� tant de fortunes diverses, et que la mort seule a bris��? Le biographe le plus r��cent de Madame de Custine[6] pense que Chateaubriand la vit pour la premi��re fois chez Madame de Rosambo, alli��e de son fr��re a?n��; ces deux victimes de la Terreur s'��taient connues �� la prison des Carmes. Il est probable cependant que leur premi��re rencontre remonte un peu plus haut, peut-��tre jusqu'�� l'ann��e 1801, et qu'elle a eu lieu dans des circonstances tr��s diff��rentes.
Les M��moires d'outre-tombe, sans en fixer la date pr��cise, semblent nous offrir un indice r��v��lateur.
Rappelons-nous la page charmante o��

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