qu'il n'eût atteint le vaisseau. L'intéressant Donnacona reçut aussi 
cordialement Cartier, et lorsque les Anglais parurent sur la côte de 
Virginie, Paspiha, lieutenant de Pohatan, leur offrit des 
rafraîchissements et des terres[15]. Anadabijou, Cananacus, Ensenore 
et Niantonimo ne fournissaient pas de moins beaux traits à cette histoire. 
«Cette généreuse bonté, dit l'auteur des Beautés de l'Histoire du 
Canada, dit plus en faveur du coeur humain que vingt traités 
philosophiques sur la vertu. La loi de la nature, empreinte par la 
divinité dans le coeur de tous les hommes, leur fait distinguer ce qui est 
noble; elle inspire le sauvage de même que l'homme policé.» Serait-ce 
que les Américains ne fussent absolument mus que par cet instinct 
naturel?--Non, sans doute, et c''est avec tort qu'un écrivain trop 
partial[16] a affirmé qu'ils n'avaient presque point d'idées religieuses. 
La plupart croyaient en un être éternel et tout puissant qui a tout créé. 
Ils admettaient encore un nombre de divinités inférieures, les petits 
esprits, comme les génies des anciens. Ils rendaient un culte au soleil, 
et avaient une singulière vénération pour le feu; ce qui ne fortifie pas 
peu l'opinion qui leur attribue une origine asiatique. En un mot, leur 
religion ou leur croyance, qui n'était pas exempte de fétichisme, n'était 
pas non plus étrangère au sabéisme et au dualisme, car un mauvais 
esprit partage avec le grand esprit le domaine de la nature. Les Sioux, 
les Saukis, les Chippeouais, les Iroquois, les Ménomènes et les 
Ouinebagos on toux cette croyance, et j'y découvre le secret des vices 
du sauvage, qui sacrifie tour à tour au bon et au mauvais esprit. En 
résultat, on trouve les Américains tour à tour vertueux et vicieux, 
généreux et cruels, fidèles et perfides. 
[Note 15: History of the United States.] 
[Note 16: Dom Ulloa s'est étudié à faire une peinture hideuse des 
naturels des Deux parties de ce continent. Il ne voit chez eux que 
lâcheté et perfidie, et nul héroïsme.]
Le dogme de l'immortalité de l'âme a été retrouvé chez toutes ces 
peuplades[17]. Ecoutons le chant des funérailles: «Vous qui êtes 
suspendus au-dessus des vivans, apprenez nous à mourir et à vivre. Le 
maître de la vie vous a ouvert ses bras, et vous a procuré une heureuse 
chasse dans l'autre monde. La vie est comme cette couleur brillante du 
serpent qui paraît et disparaît plus vite que la flèche ne vole; elle est 
comme cet arc au'amène la tempête au-dessus du torrent, comme 
l'ombre d'un nuage qui passe.» Les Chrystinaux croyaient voir les âmes 
de leurs ancêtres dans les nuages qui couvraient leurs pays: cela 
rappelle les anciens bardes de l'Ecosse[18]. 
[Note 17: Le nier n'appartenait qu'à une secte méprisable de prétendus 
philosophes, de philosophastes.] 
[Note 18: Vers l'an 140 de notre ère, Tramnor, ancêtre de Fingal, s'étant 
rendu roi du nord de l'Ecosse en réunissant tous les clans de Morwën, 
détruisit le culte des Druides et celui d'Odin: Il ne resta que les bardes. 
Leur culte était presque celui des nuages. Les Calédoniens, dans leurs 
îles brumeuses, croyaient entendre dans les rafales des vents les voix de 
leurs amis morts Dans les combats; il leur semblait les voir dans les 
tempêtes traverser les rideaux nébuleux qui s'élevaient de leurs vallées 
semées de lacs.] 
La récompense ou les maux de l'autre vie se trouvent encore plus 
explicitement dans la croyance de quelques peuplades. Les bons, après 
leur mort, vont dans un lieu de délices où l'on jouit d'un printems 
éternel, où ils retrouvent leurs enfans et leurs femmes, où les rivières 
sont poissonneuses, et les plaines couvertes de leurs chers bisons. Pour 
les méchans, ils sont transportés sur une terre stérile[19], couverte d'une 
neige éternelle, où le froid les glacera à la vue des flammes qui 
brilleront à quelque distance. Une forêt impénétrable sépare ces 
malheureux de leurs frères fortunés qui foulent les champs toujours 
verts de la félicité, l'Eden sauvage, d'où la postérité du premier homme 
a aussi mérité d'être exclue, car voici bien dans la tradition iroquoise sa 
chute quelque peut dénaturée. «Au commencement, disent-ils, il y avait 
six hommes. Il n'y avait pas de femmes, et ils craignaient que leur race 
ne s'éteignît avec eux, lorsqu'enfin ils apprirent qu'il y en avait une au
ciel. On tint conseil, et il fut convenu que Hougoaho monterait: ce qui 
parut d'abord impossible. Mais les oiseaux lui prêtèrent le secours de 
leurs ailes, et le portèrent dans les airs. Il apprit que la femme avait 
accoutumé de venir puiser de l'eau à une fontaine auprès d'un arbre[20], 
au pied duquel il attendit qu'elle vint; et la voici venir en effet. 
Hougoaho cause avec elle et lui fait un présent de graisse d'ours. Une 
femme causeuse, et qui reçoit des présens, n'est pas longtems 
victorieuse, observe judicieusement Lafitau: celle-ci fut faible dans le 
ciel même. Dieu s'en aperçut, et    
    
		
	
	
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