tu dois aller. 
--C'est juste, répondit Jacques, qui avait déjà le pied à l'étrier. 
L'impatience de galoper sur un si fier cheval lui avait fait oublier le but de la course. 
--Tu sais sans doute où est le petit village de Witternesse? 
--Très bien: à une lieue à peu près, sur la droite, du côté d'Aire. 
--C'est là que tu vas te rendre; maintenant retiens bien ceci: avant d'entrer à Witternesse, 
tu verras sur la gauche une ferme au bout d'un champ de seigle. Il y a quatre fenêtres avec 
une girouette en queue d'aronde sur le toit. Tu frapperas trois coups à la porte; au 
troisième coup, tu prononceras à haute voix le nom de Bergame; un homme sortira et tu 
lui remettras ce papier... 
En achevant ces mots, l'inconnu tira de sa poche un petit portefeuille, prit un crayon et se 
mit en devoir d'écrire. 
--Sais-tu lire? demanda-t-il brusquement à Jacques. 
--Oui, monsieur, très bien. 
L'étranger fronça le sourcil; mais ce mouvement fut si rapide que Jacques n'eut pas le 
temps de s'en apercevoir. Un instant l'étranger tourna le crayon entre ses doigts; puis, 
prenant une résolution subite, il écrivit rapidement quelques mots, déchira le feuillet, et le 
présentant à Jacques, attacha sur l'enfant un regard profond. Jacques examina le papier. 
--Je lis, mais je ne comprends pas, dit-il. 
L'étranger sourit. 
--Il n'est pas nécessaire que tu comprennes, reprit-il; mets le papier dans ta poche et saute 
à cheval... Bien!... Parbleu, mon garçon, tu te tiens gaillardement!... si tu t'y prends de 
cette façon, tu ne serviras pas de fascine à quelque fossé... Cependant, aie toujours les 
yeux sur les oreilles de l'animal... il est fantasque; mais quand il est en humeur de faire un 
écart, il a l'honnêteté d'en prévenir son cavalier par un certain mouvement d'oreille, dont 
les reins de beaucoup de gens ont gardé le souvenir... Ah! tu ris! tu verras, mon garçon!
Comme Jacques lâchait la bride au cheval, l'étranger le retint. 
--Un mot encore. Connais-tu dans les environs une maison de braves gens où je puisse 
attendre ton retour sans craindre les indiscrets? 
--J'en connais dix, mais il y en a une surtout qui fera votre affaire. Sortez du bois, suivez 
le sentier où je vous ai rencontré, prenez la grande route et arrêtez-vous devant la 
première maison que vous trouverez sur votre droite. Vous la reconnaîtrez facilement. 
Tout est ouvert, portes et fenêtres. Vous serez chez mon père, Guillaume Grinedal, 
comme chez vous. 
--Diable! mais j'y serai très bien, dit l'étranger avec un sourire. Va maintenant. 
Il retira sa main qui serrait la gourmette, et le cheval partit. Un quart d'heure après, 
l'étranger entrait dans le jardin de Guillaume Grinedal. A la vue d'un étranger, le 
fauconnier quitta un long pistolet d'arçon qu'il fourbissait et se leva. 
--Que demandez-vous? lui dit-il. 
--L'hospitalité. 
--Entrez. Ce que j'ai est à vous. Si vous avez faim, vous mangerez; si vous avez soif, vous 
boirez; et pour si pauvre que je sois, j'ai toujours un lit pour le voyageur que Dieu 
conduit. 
En parlant ainsi, le père Guillaume avait découvert son front; ses traits honnêtes, ridés par 
le travail, gardaient une expression de dignité qui le faisait paraître au-dessus de sa 
condition. 
--Je vous remercie, dit l'étranger; ma visite sera courte. Quand votre fils sera revenu, je 
partirai. 
Guillaume l'interrogea du regard. 
--Oh! reprit son hôte, il ne court aucun danger. Avant que la lune se soit levée, il sera de 
retour. Je suis un marchand d'Arras qui vais, pour les affaires de mon commerce, à Lille; 
le pays est mauvais, et j'ai pensé que votre fils pourrait, plus sûrement que moi, se 
charger d'une valise laissée aux mains de mon valet à Witternesse. On ne saurait trop 
prendre de précautions dans les temps où nous vivons. 
Tandis que l'étranger parlait, Pierre, Claudine et quelques enfants, d'abord épars dans le 
jardin, s'étaient doucement rangés autour de lui, avec cette avide et farouche curiosité qui 
cherche mille détours pour se satisfaire et s'étonne de tout ce qu'elle voit. Guillaume les 
écarta du geste et pria l'étranger de le suivre, à quoi celui-ci se soumit sans délibérer. 
--Vous avez raison, reprit le fauconnier quand ils furent parvenus dans la salle basse de la 
maisonnette, nous vivons dans un temps où il faut s'entourer de précautions. Mais dans la 
maison d'un honnête homme il n'en est pas besoin; ainsi, mon gentilhomme, ne vous
gênez point pour déguiser votre langage et vos manières. 
A ces mots, l'étranger tressaillit. 
--Je ne vous demande pas votre qualité et votre nom, reprit le fauconnier. L'hôte est sacré; 
son secret est comme sa personne; mais il ne faut point parler devant les enfants; les 
enfants ont le sens droit, ils comprennent et devinent; sitôt qu'on ouvre la bouche ils 
écoutent. Se taire est donc prudent. Moi,    
    
		
	
	
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