dans l'année (rien ne me disait que ce ne f?t pas cette nuit-là même), où tous les morts sortaient de terre et s'asseyaient au chevet de leurs propres fosses jusqu'au matin. Cela me fit songer combien de gens que j'avais connus étaient enterrés entre la porte de l'église et la porte du cimetière, et quelle chose effroyable ce serait que d'avoir à passer au milieu d'eux et de les reconna?tre, malgré leurs figures terreuses, et quoique si différents d'eux-mêmes. Je connaissais depuis mon enfance toutes les niches et tous les arceaux de l'église; cependant je ne pouvais me persuader que ce f?t leur ombre que je voyais sur les dalles, mais j'étais convaincu qu'il y avait là une foule de laides figures qui se cachaient parmi ces ombres pour m'épier. Dans le cours de mes réflexions, je commen?ai à penser au vieux gentleman qui venait de mourir, et j'aurais juré, lorsque je regardais en haut le noir sanctuaire, que je le voyais à sa place accoutumée, s'enveloppant de son linceul, et frissonnant comme s'il e?t senti froid. Tout ce temps, je restai assis écoutant, écoutant toujours, et n'osant presque pas respirer. à la fin je me levai brusquement et je pris dans mes mains la corde de la cloche. Au moment même sonna, non pas cette cloche, car j'avais à peine touché la corde, mais une autre.
?J'entendis sonner une autre cloche, et une fameuse cloche encore. Ce fut l'affaire d'un instant, car le vent emporta le son, mais je l'entendis. J'écoutai longtemps, mais plus rien. J'avais ou? dire que les morts avaient des chandelles à eux; je finis par me persuader qu'ils pouvaient bien aussi avoir une cloche qui tintait d'elle-même à minuit pour les trépassés. Je tintai ma cloche, comment ou combien de temps, je n'en sais rien, et je courus regagner la maison et mon lit sans regarder derrière mes talons.
?Je me levai le lendemain matin après une nuit sans sommeil, et je racontai mon aventure à mes voisins. Quelques-uns l'écoutèrent sérieusement, d'autres n'en firent que rire; je crois qu'au fond personne n'y voulut croire. Mais ce matin-là, on trouva M. Reuben Haredale assassiné dans sa chambre à coucher: il tenait à la main un morceau de la corde attachée à une cloche d'alarme en dehors du toit; cette corde pendait dans sa chambre, et elle avait été coupée en deux, sans aucun doute par l'assassin, lorsque sa victime l'avait saisie.
?La cloche que j'avais entendue, c'était celle-là.
?On trouva un secrétaire ouvert; une cassette, que M. Haredale avait apportée la veille et qu'on supposait renfermer une grosse somme d'argent, avait disparu. L'intendant et le jardinier n'étaient plus là ni l'un ni l'autre, et tous deux furent longtemps soup?onnés; mais on ne parvint jamais à les trouver, quoiqu'on les cherchat bien loin, bien loin. On aurait pu chercher encore plus loin l'intendant, le pauvre M. Rudge: car son corps, à peine reconnaissable sans ses vêtements, sans la montre et l'anneau qu'il portait, fut trouvé, des mois après, au fond d'une pièce d'eau, dans les terres du domaine, avec une blessure béante à la poitrine: il avait été frappé d'un coup de couteau. Il était à moitié vêtu, et tout le monde s'accorda à dire qu'il était en train de lire dans sa chambre, qu'on trouva pleine de traces de sang, quand on était tombé soudainement sur lui pour le tuer avant son ma?tre.
?Chacun reconnut alors que c'était le jardinier qui devait être l'assassin, et, quoiqu'on n'en ait jamais entendu parler depuis cette époque jusqu'à présent, on en entendra parler; prenez note de ce que je vous dis là. Le crime a été commis il y a vingt-deux ans, jour pour jour, le 19 mars 1753. Le 19 mars d'une année quelconque, peu importe quand... je sais toujours bien, et j'en suis s?r, parce que toujours, d'une manière quelconque, et par une co?ncidence étrange, nous avons été ramenés à en parler, ce même jour, depuis l'événement... le 19 mars d'une année quelconque, t?t ou tard cet homme-là sera découvert.?
CHAPITRE II.
?Voilà une étrange histoire! dit l'homme qui avait donné lieu au récit, plus étrange encore si votre prédiction se réalise. Est-ce tout??
Une question tellement inattendue ne piqua pas peu Salomon Daisy. à force de raconter cette histoire très souvent, et de l'embellir, disait-on au village, de quelques additions que lui suggéraient de temps à autre ses divers auditeurs, il en était venu par degrés à produire en la racontant un grand effet; et ce ?Est-ce tout?? après le crescendo d'intérêt, certes, il ne s'y attendait guère.
?Est-ce tout? répéta le sacristain; oui, monsieur, oui, c'est tout. Et c'est bien assez, je pense.
-- Moi, de même. Mon cheval, jeune homme. Ce n'est qu'une rosse, louée à une maison de poste sur la route; mais il faut que l'animal me porte à Londres ce soir.
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