Au large de l'Écueil 
 
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Title: Au large de l'Écueil 
Author: Hector Bernier 
Release Date: February 18, 2006 [EBook #17791] 
Language: French 
Character set encoding: ISO-8859-1 
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK AU LARGE 
DE L'ÉCUEIL *** 
 
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AUX DÉFENSEURS DE LA LANGUE FRANÇAISE AU CANADA 
A L'OCCASION DU CONGRÈS DE 1912. HUMBLEMENT, 
L'AUTEUR. 
HECTOR BERNIER
AU LARGE DE L'ÉCUEIL 
ROMAN CANADIEN 
QUÉBEC Imprimerie du "L'Évènement". 1912 
 
I 
Le Laurentic, paquebot d'allure altière, remontait gracieusement le 
Saint-Laurent. Il creusait, dans le calme de l'eau, une entaille qui 
s'ouvrait de toute la largeur de son flanc. L'écume ruisselait et une 
vague énorme, courant sur la surface troublée dans un lourd sommeil, 
allait porter aux deux rives la plainte du fleuve blessé. La cloche du 
quart sonne allègrement l'heure de midi: une escouade nouvelle de 
marins accourt à la manoeuvre. Le soleil de juillet alanguit les 
passagers; les uns, accoudés au rebord, les autres, paresseux dans les 
chaises longues, subissent l'enchantement du paysage canadien. L'île 
d'Orléans étale à leurs regards la merveille de ses feuillages et de ses 
grèves. Le phare de Saint-Jean de l'Ile dresse une silhouette blanche sur 
un quai ancien, et on admire les érables, la coquetterie des maisons 
groupées autour de l'humble église. Le clocher de Saint-Michel, élancé, 
flamboyant, paraissait répandre des flots de lumière sur le plus 
charmant des villages, et, un peu plus loin, sur la hauteur, la flèche de 
Notre-Dame de Lourdes pointait vers le ciel. On apercevait, à l'arrière, 
la forme bleue, légèrement indécise de la Grosse-Ile et celle de l'Ile aux 
Grues, les rochers menaçants des Ilets de Bellechasse, la presqu'île 
élégante de Saint-Valier, la demeure solitaire tapie dans un nid de 
verdure de l'Ile Madame. Le transatlantique se hâte vers Québec; les 
rivages, toujours plus près l'un de l'autre, semblent se diriger vers un 
rendez-vous. Au loin, quelques voiles attendent la brise. Le pilote 
songe, avec une étrange volupté, que la machine frémissante est docile 
à ses ordres. On dirait que le quartier-maître, dont les yeux reflètent 
l'infini des mers, poursuit un rêve. 
Seuls témoins du mystère que laissait entrevoir le visage hâlé de 
l'homme à la roue, deux passagers s'arrêtèrent, un moment, émus,
silencieux, fascinés. Ce colosse revivait-il ses naufrages d'autrefois? 
Son imagination le transportait peut-être aux terres lointaines. La vision 
du village natal lui souriait-elle à travers l'espace? Se souvenait-il de la 
dernière caresse de son enfant ou de la dernière étreinte de sa femme? 
Était-ce un de ces poètes au coeur simple dont la magie de l'heure 
ensorcellait l'âme? 
--Les traits de ce matelot sont étonnants, n'est-ce pas, Mademoiselle? 
dit Jules Hébert à celle qui l'accompagnait. Ce serait un passionnant 
modèle pour un sculpteur... 
--En effet, nous avons la même impression... Il y a, dans son attitude, 
quelque chose de fier, d'un peu douloureux qui m'intrigue... Vous aviez 
raison, c'est un sujet digne de Rodin. 
--Les sourcils trop fournis, les épaules trop massives, les mains trop 
rudes s'effacent: il pense, il sent, cela rayonne, c'est de la Beauté... 
--Toujours de la Beauté... reprit-elle. Depuis le matin, c'est une ivresse 
de beauté. Ce voyage du Saint-Laurent m'enthousiasme. Vous redoutiez 
de m'avoir trop fait espérer, vous ne m'aviez pas assez promis. Votre 
fleuve canadien est un noble et grand seigneur et je l'aime... 
Et, de nouveau repris par la griserie de la nature, ils se promenèrent. 
Bien souvent, depuis une semaine, ils avaient ainsi mêlé la cadence de 
leurs pas. Ignorant tout l'un de l'autre, la veille, Jules Hébert et 
Marguerite Delorme avaient été réunis par cette intimité spéciale, 
rapide, impulsive du bord. On dirait que l'Océan grandit les sympathies 
et les répulsions qui naissent du choc fortuit des êtres humains. Ils 
s'étaient racontés l'un à l'autre, et déjà, savaient presque tout de leur 
passé, de leur jeunesse, de leur mentalité, de leurs voyages, de leurs 
espérances. Elle avait, gravé à jamais dans sa mémoire, le rayon de joie 
intense qu'avait lancé l'oeil du jeune homme, lorsque les feux de 
Belle-Isle eurent soudain percé la nuit. Elle l'entendait encore 
murmurer avec passion: Que je suis heureux de te sentir, là, près de moi, 
mon Canada bien-aimé. Je vais donc te revoir, te contempler, te servir 
encore. Bientôt, nous vivrons ensemble: ma poitrine aspire déjà le 
souffle qui vient de ton golfe... Je vous demande pardon, Mademoiselle,
je me suis oublié. J'éprouve une exaltation plus    
    
		
	
	
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