individuels, comme les adjectifs _blanc, rouge, dur_, etc., et les 
substantifs abstraits qui y répondent. Les premières de ces idées sont 
des êtres[11], les secondes des accidents. Il est resté: 1° Les idées de 
certaines choses non sensibles qui sont comme les conceptions 
nécessaires de l'esprit (_substance, essence, cause_, etc.), attributs les 
plus généraux des choses, analogues aux catégories ou prédicaments 
des aristotéliciens. 2° Les idées de certaines qualités essentielles qui 
sont la base et la condition des essences; ces idées, difficiles à exprimer, 
sont les formes essentielles du péripatétisme et de la scolastique. 3° Les 
idées des essences qui sont le fondement des genres et des espèces; ce 
sont les universaux proprement dits. 4° Les idées des touts qui sont ou 
les collections d'individus autres que les genres et les espèces, ou des 
composés déterminés de parties formant ensemble une unité de 
conception.
[Note 11: Les premières n'ont pas été constamment et sans exception 
mises hors du débat, et nous voyons dans Abélard qu'une secte, 
observant que Dieu ne pouvait être ni accident, ni espèce, ni genre, ni 
forme, etc., soutenait qu'il n'était rien. Voyez ci-après I. III, c. ii.] 
Toutes ces idées ont un caractère commun: elles sont désignées par des 
noms généraux, ce qui fait qu'elles peuvent toutes être appelées des 
universaux. Sur elles toutes, la querelle des universaux pouvait à la 
rigueur s'élever, car toutes étaient atteintes dans leur réalité objective 
immédiate par le principe qu'il n'y a de réel que l'individu. Cependant 
c'est sur la troisième classe d'idées que la querelle a surtout éclaté. 
Voici pourquoi. Si l'on décompose le genre ou l'espèce, on trouve des 
réalités incontestables, lorsqu'on arrive aux individus. Cependant la 
conception du genre ou de l'espèce n'est pas celle des individus; 
qu'est-elle donc? On ne peut lui refuser toute réalité, puisqu'elle 
comprend les individus qui sont réels, et cependant, comme elle n'est 
pas la conception même des individus qui sont seuls réels, elle est la 
conception de quelque chose qui n'est pas réel. Ainsi les idées de genre 
et d'espèce n'ont point de réalité immédiate, quoique médiatement elles 
soient fondées sur des réalités. De là des équivoques et des difficultés 
sans nombre. Les autres idées non sensibles dont les objets se 
résolvaient moins facilement en réalités, offraient un caractère plus 
évident d'abstraction; c'étaient ces idées scientifiques _d'être, d'essence, 
de cause_, au lieu que les idées des genres et des espèces avaient une 
face changeante qui piquait la curiosité et embarrassait la subtilité. 
Or donc, tandis que les universaux avaient été assez généralement pris 
pour des conceptions formées en conséquence plus ou moins éloignée 
de l'existence d'individus réels, deux opinions presque absolues se 
produisirent au moyen âge. D'un côté, la doctrine de Platon, 
imparfaitement connue, qui attribuait aux idées universelles des types 
primitifs et des essences immuables, devint l'affirmation directe de 
l'existence d'essences universelles subsistant dans les genres mêmes et 
les espèces; ce fut là le réalisme. D'un autre côté, la doctrine 
aristotélique, portant que la substance proprement dite est 
nécessairement particulière, et qu'il n'y a point d'existence universelle, 
quoique les universaux soient les conceptions générales de réalités 
individuelles, s'exagéra à ce point de ne plus même les admettre à titre 
de conception, et outrant le principe du sensualisme, elle les réduisit à
de purs noms, _meroe voces, flatus vocis_. Ce fut là le nominalisme. 
Roscelin, et probablement Jean le Sourd, son maître, traita de noms et 
de mots, non-seulement les genres et les espèces, mais tout ce que 
l'idéologie appelle idées abstraites. Comme il n'admit que les individus, 
il nia les touts et les parties; les touts, en tant que formés d'individus, 
les parties, en tant que n'étant pas des individus entiers; de sorte que 
pour lui des individus réels composaient des touts imaginaires, et des 
parties imaginaires composaient des individus réels. Ces excès 
amenèrent l'excès de réalisme où tomba Guillaume de Champeaux, du 
moins au témoignage d'Abélard. Il soutint qu'une seule et même 
essence existait dans tous les individus, dont la diversité dépendait tout 
entière de la variété des accidents. Dans cette doctrine, la diversité des 
sujets des accidents semble s'anéantir, et comme toutes les espèces, 
aussi bien que les individus, comme tous les genres, aussi bien que les 
espèces, tombent sous la loi commune de la conception d'essence, cette 
doctrine, si elle a été fidèlement représentée, aurait réduit l'univers à 
ces termes: unité de substance, diversité de phénomènes. 
Entre ces deux systèmes absolus, Abélard crut trouver la vérité en 
prenant un milieu. Il produisit une doctrine qui, sans être neuve pour le 
fond, l'était par quelques détails et quelques expressions, et qui a été 
tour à tour appelée le conceptualisme ou confondue avec le 
nominalisme. En effet, une analyse exacte la réduirait peut-être au 
premier de ces systèmes, lequel lui-même penche vers le second. 
Cependant il est plus difficile qu'on ne    
    
		
	
	
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