charge d’en faire deux, 
des cochons. 
Et, pétrissant le cochon de Vallée, il en fit deux. 
Vallée, un peu vexé, prit les deux cochons et en confectionna trois, tout 
de suite. 
Pendant ce temps, les pensionnaires s’appliquaient, imperturbablement 
graves, à modeler des cochons minuscules. 
Il se faisait tard; on se quitta. 
Le lendemain, en arrivant au déjeuner, chacun des pensionnaires, sans 
s’être donné le mot, tira de sa poche une petite boîte contenant des 
petits cochons infiniment plus minuscules que ceux de la veille. 
Ils avaient tous passé leur matinée à cet exercice, dans leurs bureaux 
respectifs. 
Jouard promit d’apporter, le soir même, un cochon qui serait le dernier 
mot du cochon microscopique. 
Il l’apporta, mais Vallée aussi en apporta un, et celui de Vallée était 
encore plus petit que celui de Jouard, et mieux conformé. 
Ce succès encouragea les jeunes gens, dont la seule occupation 
désormais fut de pétrir des petits cochons, à n’importe quelle heure de
la journée, à table, au café, et surtout au bureau. Les services publics en 
souffrirent cruellement, et des contribuables se plaignirent au 
gouvernement où firent passer des notes dans La Lanterne et Le Petit 
Parisien. 
Des changements, des disgrâces, des révocations émaillèrent 
L’Officiel. 
Peine perdue! La delphacomanie ne lâche pas si aisément sa proie. 
Le pis de la situation, c’est que le mal s’était répandu en ville. De 
jeunes commis de boutiques, des négociants, M. Fourquemin lui- même, 
le patron du Café du Marché, furent atteints par l’épidémie. Tout 
Andouilly pétrissait des cochons dont le poids moyen était arrivé à ne 
pas dépasser un milligramme. 
Le commerce chôma, périclita l’industrie, stagna l’administration! 
Sans l’énergie du préfet, c’en était fait d’Andouilly. 
Mais le préfet, qui se trouvait alors être M. Rivaud, actuellement préfet 
du Rhône, prit des mesures frisant la sauvagerie. 
Andouilly est sauvé, mais combien faudra-t-il de temps pour que cette 
petite cité, jadis si florissante, retrouve sa situation prospère et sa riante 
quiétude? 
CRUELLE ÉNIGME 
Chaque soir, quand j’ai manqué le dernier train pour Maisons- Laffitte 
(et Dieu sait si cette aventure m’arrive plus souvent qu’à mon tour), je 
vais dormir en un pied-à-terre que j’ai à Paris. 
C’est un logis humble, paisible, honnête, comme le logis du petit 
garçon auquel Napoléon III, alors simple président de la République, 
avait logé trois balles dans la tête pour monter sur le trône. 
Seulement, il n’y a pas de rameau bénit sur un portrait, et pas de vieille 
grand-mère qui pleure.
Heureusement! 
Mon pied-à-terre, j’aime mieux vous le dire tout de suite, est une 
simple chambre portant le numéro 80 et sise en l’hôtel des Trois 
Hémisphères, rue des Victimes. 
Très propre et parfaitement tenu, cet établissement se recommande aux 
personnes seules, aux familles de passage à Paris, ou à celles qui, y 
résidant, sont dénuées de meubles. 
Sous un aspect grognon et rébarbatif, le patron, M. Stéphany, cache un 
coeur d’or. La patronne est la plus accorte hôtelière du royaume et la 
plus joyeuse. 
Et puis, il y a souvent, dans le bureau, une dame qui s’appelle Marie et 
qui est très gentille. (Elle a été un peu souffrante ces jours-ci, mais elle 
va tout à fait mieux maintenant, je vous remercie.) 
L’hôtel des Trois Hémisphères a cela de bon qu’il est international, 
cosmopolite et même polyglotte. 
C’est depuis que j’y habite que je commence à croire à la géographie, 
car jusqu’à présent -- dois-je l’avouer? -- la géographie m’avait paru de 
la belle blague. 
En cette hostellerie, les nations les plus chimériques semblent prendre à 
tâche de se donner rendez-vous. 
Et c’est, par les corridors, une confusion de jargons dont la tour de 
l’ingénieur Babel, pourtant si pittoresque, ne donnait qu’une faible 
idée. 
Le mois dernier, un clown né natif des îles Féroé rencontra, dans 
l’escalier, une jeune Arménienne d’une grande beauté. 
Elle mettait tant de grâce à porter ses quatre sous de lait dans la boîte de 
fer-blanc, que l’insulaire en devint éperdument amoureux. 
Pour avoir le consentement, on télégraphia au père de la jeune fille, qui
voyageait en Thuringe, et à la mère, qui ne restait pas loin du royaume 
de Siam. 
Heureusement que le fiancé n’avait jamais connu ses parents, car on se 
demande où l’on aurait été les chercher, ceux-là. 
Le mariage s’accomplit dernièrement à la mairie du XVIIIe. M. Bin, 
qui était à cette époque le maire et le père de son arrondissement, 
profita de la circonstance pour envoyer une petite allocution sur l’union 
des peuples, déclarant qu’il était résolument décidé à garder une 
attitude pacifique aussi bien avec les Batignolles qu’avec la Chapelle et 
Ménilmontant. 
J’ai dit plus haut que ma chambre porte le numéro 80. Elle est donc 
voisine du 81. 
Depuis quelques jours, le 81 était vacant. 
Un soir, en rentrant, je constatai que, de nouveau, j’avais un voisin, ou 
plutôt une voisine. 
Ma voisine était-elle    
    
		
	
	
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