Voyage du Prince Fan-Federin dans la romancie | Page 2

Guillaume Hyacinthe Bougeant
elle avoit s?? me rendre en moins de rien un des princes les plus accomplis que l��on e?t encore v?s. Je suis m��me persuad�� que ce r��cit, orn�� de belles maximes sur l����ducation des jeunes princes, figureroit assez bien dans cet ouvrage; mais comme mon dessein est moins de parler de moi-m��me, que de raconter les choses admirables que j��ai vu?s, j��ai cr? devoir omettre ce d��tail, et toute autre circonstance inutile �� mon sujet.
La Reine Fan-F��r��dine aimoit assez peu les romans; mais ayant l? par hasard dans je ne s?ai quel ouvrage, compos�� par un auteur d��un caractere respectable, que rien n��est plus propre que cette lecture pour former le coeur et l��esprit des jeunes personnes, elle se cr?t oblig��e en conscience de me faire lire le plus que je pourrois de romans, pour m��inspirer de bonne heure l��amour de la vertu et de l��honneur, l��horreur du vice, la fuite des passions, et le go?t du vrai, du grand, du solide, et de tout ce qu��il y a de plus estimable. En effet, comme je suis n��, dit-on, avec d��assez heureuses dispositions, je ressentis bien-t?t les fruits d��une si lo��able ��ducation. Agit�� de mille mouvemens inconnus, le coeur plein de beaux sentimens, et l��esprit rempli de grandes id��es, je commen?ai �� me d��go?ter de tout ce qui m��environnoit. Quelle diff��rence, disois-je, de ce que je vois et de tout ce que j��entends, avec ce que je lis dans les romans! Je vois ici tout le monde s��occuper d��objets d��int��r��t, de fortune, d����tablissement, ou de plaisirs frivoles. Nulle avanture singuliere: nulle entreprise h��ro?que. Un amant, si on l��en croyoit, iroit d��abord au d��nou?ment, sans s��embarrasser d��aucun pr��liminaire. Quel proc��d��! Pourquoi faut-il que je sois n�� dans un climat o�� les beaux sentimens sont si peu connus? Mais pourquoi, ajo?tois-je, me condamner moi-m��me �� passer tristement mes jours dans un pays o�� l��on ne s?ait point estimer les vertus h��ro?ques? J��y regne, il est vrai, mais quelle satisfaction pour un grand coeur de regner sur des sujets presque barbares? Abandonnons-les �� leur grossieret��, et allons chercher quelque glorieux ��tablissement dans ce pays merveilleux des romans, o�� le peuple m��me n��est compos�� que de h��ros.
Telles furent les pens��es qui me vinrent �� l��esprit, et je ne tardai pas �� les mettre en ex��cution. Apr��s m����tre muni secretement de tout ce que je cr?s n��cessaire pour mon voyage, je partis pendant une belle nuit au clair de la lune, pour tenter, en parcourant le monde, la d��couverte que je m��ditois. Je traversai beaucoup de plaines, je passai beaucoup de montagnes; je rencontrai dans mon chemin des chateaux et des villes sans nombre; mais ne trouvant par-tout que des pays semblables �� ceux que je connoissois d��ja, et des peuples qui n��avoient rien de singulier, je commen?ai enfin �� m��ennuyer de la longueur de mes recherches. J��avois beau m��informer et demander des nouvelles du pays des romans; les uns me r��pondoient qu��ils ne le connoissoient pas m��me de nom: les autres me disoient qu���� la v��rit�� ils en avoient entendu parler, mais qu��ils ignoroient dans quel lieu du monde il ��toit situ��. La seule chose qui so?tenoit mon courage dans la longueur et la difficult�� de l��entreprise, c��est la r��flexion que je faisois, qu��apr��s tout il falloit bien que la romancie f?t quelque part, et que ce ne pouvoit pas ��tre une chimere. Car enfin, disois-je, si ce pays n��existoit pas r��ellement, il faudroit donc traiter de visions ridicules et de fables pu��riles tout ce qu��on lit dans les romans. Quelle apparence! Eh! Que faudroit-il donc penser de tant de personnes si raisonnables d��ailleurs qui ont tant de go?t pour ces lectures, et de tant de gens d��esprit qui employent leurs talens �� composer de pareils ouvrages? Cependant malgr�� ces r��flexions, j��avoue que je fus quelquefois sur le point de me repentir de mon entreprise, et qu��il s��en fall?t peu que je ne prisse la r��solution de retourner sur mes pas. Mais non, me dis-je, encore une fois �� moi-m��me: apr��s en avoir tant fait, il seroit honteux de reculer. Que s?ais-je si je ne touche pas au terme tant desir��? J��y touchois en effet sans le s?avoir, et voici comment la chose arriva par un accident bizare, qui par-tout ailleurs m��auroit co?t�� la vie.
Apr��s avoir mont�� pendant plusieurs heures les grandes montagnes de la Troximanie, j��arrivai enfin avec beaucoup de peine jusqu���� leur cime, conduisant mon cheval par la bride. L��, je sentis tout-��-coup que la terre me manquoit sous les pieds; en effet mon cheval roula d��un c?t�� de la montagne, et je culbutai de l��autre, sans s?avoir ce que je devins depuis ce moment jusqu���� celui o�� je me trouvai au fond d��un affreux pr��cipice, environn�� de toutes parts de rochers effroyables. Il est visible que quelque bon g��nie me soutint
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 45
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.