Paula Monti, Tome I | Page 2

Eugène Süe
bon go?t.
Apr��s avoir ��cout�� les nombreuses interpellations qu'on lui adressait, M. de Br��vannes dit en riant:
--Maintenant j'essaierai de r��pondre, puisqu'on m'en laisse le loisir; mes r��ponses, ne seront pas longues. Je suis arriv�� hier de Lorraine. Je suis meilleur mari que vous ne le pensez, car j'ai ramen�� ma femme �� Paris.
--Madame de Br��vannes t'aurait peut-��tre trouv�� encore meilleur mari si tu l'avais laiss��e en Lorraine--dit le domino;--mais tu es trop jaloux pour cela.
--Vraiment? reprit M. de Br��vannes en regardant le masque avec curiosit��--je suis jaloux?
--Aussi jaloux qu'opiniatre... c'est tout dire.
--Le fait est--reprit M. de Fierval--que, lorsque ce diable de Br��vannes a mis quelque chose dans sa t��te....
--Cela y reste--dit en riant M. de Br��vannes;--je m��ritais d'��tre Breton. Aussi, beau masque, puisque tu me connais si bien, tu dois savoir ma devise:--vouloir c'est pouvoir.
--Et comme tu crains qu'�� son tour ta femme ne te prouve aussi que... vouloir c'est pouvoir, tu es jaloux comme un tigre.
--Jaloux?... moi? Allons donc... tu me vantes.... Je ne m��rite pas cet ��loge....
--Ce n'est pas un ��loge, car tu es aussi infid��le que jaloux, ou, si tu le pr��f��res, aussi orgueilleux que volage. C'��tait bien la peine de faire un mariage d'amour et d'��pouser une fille du peuple.... Pauvre Berthe Raimond! je suis s?re qu'elle paye cher ce que les sots appellent son ��l��vation--dit le domino avec ironie.
M. de Br��vannes fron?a imperceptiblement le sourcil; ce nuage pass��, il reprit gaiement:
--Beau masque, tu te trompes; ma femme est la plus heureuse des femmes, je suis le plus heureux des hommes; ainsi notre m��nage n'offre aucune prise �� la m��disance... ne parlons donc plus de moi. Je suis une mode de l'an pass��.
--Tu es trop modeste... tu es toujours, sous le rapport de la m��disance, tr��s �� la mode. Pr��f��res-tu que nous causions de ton voyage d'Italie?
M. de Br��vannes dissimula un nouveau mouvement d'impatience; le domino semblait conna?tre �� merveille les endroits vuln��rables de l'homme qu'il intriguait.
--Sois donc g��n��reux, m��chant masque--r��pondit M. de Br��vannes--immole maintenant d'autres victimes.... Tu me sembles tr��s bien instruit; mets-moi un peu au fait des histoires du jour.... Quelles sont les femmes �� la mode? Leurs adorateurs de l'autre hiver durent-ils encore cette saison? Ont-ils impun��ment travers�� l'��preuve de l'absence, de l'��t��, des voyages?
--Allons, j'ai piti�� de toi... ou plut?t je te r��serve pour une meilleure occasion--reprit le domino.--Tu parles de nouvelles beaut��s? Justement nous nous entretenions tout �� l'heure... de la femme la plus �� la mode de cet hiver... une belle ��trang��re... la princesse de Hansfeld....
--Rien qu'�� ce nom--dit M. de Br��vannes--on voit qu'il s'agit d'une Allemande... blonde et vaporeuse comme une m��lodie de Schubert, j'en suis s?r.
--Tu te trompes--dit le domino--elle est brune et sauvage comme la jalouse passion d'Othello... pour suivre ta comparaison musicale et ampoul��e.
--Est-ce qu'il y a aussi un prince de Hansfeld?--demanda M. de Br��vannes.
--Certainement....
--Et ce cher prince, �� quelle ��cole appartient-il? A l'��cole allemande, italienne?... ou �� l'��cole... des maris?
--Tu en demandes plus qu'on n'en sait.
--Comment! cette belle princesse serait mari��e �� un prince in partibus?
--Pas du tout--reprit M. de Fierval--le prince est ici, mais personne ne l'a encore vu; il ne va jamais dans le monde. On en parle comme d'un ��tre bizarre, excentrique... on fait sur lui les r��cits les plus extravagants.
--On assure qu'il est compl��tement idiot--dit l'un.
--J'ai entendu soutenir que c'��tait un homme de g��nie--reprit un autre.
--Pour vous mettre d'accord, messieurs, il faut avouer que cela se ressemble quelquefois beaucoup--dit Br��vannes--surtout quand l'homme de g��nie est au repos. Et le prince est-il jeune ou vieux?
--On ne le conna?t pas--dit Fierval;--ceux-ci pr��tendent qu'on le tient en charte priv��e, de crainte que ses ��tranget��s ne donnent �� rire....
--Ceux-l��, au contraire, affirment qu'il a un si souverain m��pris pour le monde, ou tant d'amour pour la science, qu'il ne sort jamais de chez lui.
--Diable! dit M. de Br��vannes--c'est un personnage tr��s myst��rieux que cet Allemand; comme mari, il doit ��tre fort commode. Sait-on qui s'occupe de la princesse?
--Personne--dit Fierval.
--Tout le monde!--s'��cria le domino.
--C'est la m��me chose--reprit M. de Br��vannes.--Mais cette madame de Hansfeld est donc bien s��duisante?
--Je suis femme... et je suis oblig��e d'avouer que l'on ne peut rien voir de plus remarquablement beau--dit le domino.
--Elle a surtout des yeux... des yeux... oh!... on n'a jamais vu des yeux pareils--dit M. de Fierval.
--Quant �� sa taille--ajouta le domino--c'est une perfection... de contrastes... imposante comme une reine, svelte et souple comme une bayad��re.
--Ces louanges-l�� sont bien pr��s de devenir des m��chancet��s, beau masque--dit Br��vannes.
--Vraiment--reprit Fierval--il n'y a personne �� comparer �� la princesse pour la taille, pour la dignit��, pour la grace, pour la distinction des traits. Et puis son regard a quelque chose de sombre, d'ardent et de fier, qui contraste avec le calme habituel de sa physionomie.
--Moi, je l'avoue, il me semble que madame de Hansfeld a quelque chose de sinistre dans la figure... si
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