Noa Noa

Paul Gauguin
Noa Noa, by Paul Gauguin, et al

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Title: Noa Noa
Author: Paul Gauguin
Release Date: March 21, 2004 [eBook #11646]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
***START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK NOA
NOA***
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Paul GAUGUIN et Charles MORICE

Noa Noa

Téhura, j'inscrirai ton nom d'ébène et d'or A l'aile du poème, à l'heure
de l'essor, Car mon désir séduit par ta belle pensée A bien souvent
tenté la longue traversée Vers toi. Voix des Secrets, parfum vivant des
bois.
Que les yeux pleins du feu des soleils d'autrefois Reflètent leur clarté
sur cette heure morose Dans le rêve de vengeresse apothéose Qu'a rêvé
ton coeur sans savoir qu'il l'a rêvé! Et que debout au seuil du temple
retrouvé, Attestant la forêt, la mer et la montagne, Et Hina dont le
geste amoureux t'accompagne, Et Taaroa, Dieu des Dieux, qui t'inspira,
Tu te dresses devant les tiens, ô Téhura Des jours anciens, dans leur
mémoire illuminée, O triste et belle comme fut leur destinée!

I
POINT DE VUE
(Lecteur, sous les yeux de qui l'oeuvre tahitienne de Paul Gauguin
passa peut-être inaperçue--tant on a peu de temps, à Paris et ailleurs,
pour penser à soi, à son propre développement, à ses plus profitables
plaisirs!--elle est là, je t'y ramène: le point de vue est en elle, des
songeries que voici.) Dans ces toiles gonflées encore des souffles
lointains qui nous les apportèrent, vivantes d'une vie à la fois
élémentaire et fastueuse, c'est la sérénité de l'atmosphère qui donne à la
vision sa profondeur, c'est la simplification des lignes qui projette les
formes dans l'infini, c'est du mystère que l'intarissable lumière, en le
désignant, irradie, révélant: une race.
Si distante de la nôtre, qu'elle te semble, dans le genre humain, une
espèce différente de toutes, à part, exceptionnelle. Dans la nature
éternellement en fête qui lui fait un cadre de luxuriance, avec le frisson
glorieux de ses grandeurs anciennes, avec les marques fatales de sa
présente agonie, avec sa religion recherchée dans ses origines et

poursuivie jusque dans les conséquences qui l'amènent à l'orée du
christianisme: une race, dite par un esprit, le mieux fait, ou l'unique,
pour la comprendre et pour l'aimer, par les procédés artistiques les plus
voisins de ce luxe extraordinaire en sa simplicité, luxe animal et végétal
où le prodige de l'éclat n'égale que le prodige de l'ombre installée au
fond de cet éclat même.
Vois, par exemple.
Des formes féminines, nues; dorées, bronzées, de colorations à la fois
sombres et ardentes. Le soleil les a brûlées, mais il les a pénétrées aussi.
Il les habite, il rayonne d'elles, et ces formes de ténèbres recèlent la
plus intense des chaleurs lumineuses. À cette clarté, l'âme, d'abord, te
semble transparente de créatures promptes au rire, au plaisir, hardies,
agiles, vigoureuses, amoureuses, comme autour d'elles les grandes
fleurs aux enlacements audacieux,--de ces filles indolentes et
turbulentes, aimantes et légères, entêtées et changeantes, gaies le matin
et tout le jour, attristées, tremblantes dès la fin du soir et toute la nuit:
or, la lumière éblouit comme elle éclaire. Le soleil dévoile tous les
secrets, excepté les siens. Ces obscurs foyers vivants de rayons, les
Maories, sous des dehors de franchise, d'évidence, gardent peut-être
aussi, dans leurs âmes, des secrets. Déjà, entre la majesté architecturale
de leur beauté et la grâce puérile de leurs gestes, de leurs allures, un
écart avertit.
Vois plus loin.

I.
En effet, la Maorie a tôt oublié les terreurs de la nuit pour la volupté
d'être, dans la fraîcheur brillante du matin, et d'aller, et de s'ébattre,
insoucieuse, libre dans la caresse de l'air, de l'herbe, du bain. Sa vie
s'éveille avec la belle humeur de la terre et du soleil. Le plaisir est la
grande affaire, et l'amour n'est que plaisir. Puis, elle danse, elle se
couronne de fleurs, elle chante, elle rit, elle joue, et puis elle aime
encore, à l'ombre des pandanus, et puis, elle rit encore, et tout n'est que

plaisir. Et la mer est là, dont elle préfère le blanc rivage aux fourrés de
la forêt, la mer jolie avec ses récifs de coraux, la mer vivante avec sa
voix infinie qui accompagne sourdement l'iméné*, la mer reposante qui
baise de ses brises les brûlures de l'amour et du soleil. Et l'amour n'est
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