Lettre relative à lorganisation des postes et relais | Page 2

Ch. Dugas
ont prospéré sous
des fermiers.
Ils demandent en conséquence qu'elles soient données à l'entreprise, et
que le Directoire nomme un commissaire pour en surveiller les
opérations.
C'est principalement ces propositions que je vais m'attacher à combattre,
persuadé qu'elles sont dangereuses pour la sûreté d'une branche du
revenu national, et pour celle d'un service auquel sont liées l'action du
gouvernement, l'activité du commerce et la correspondance des
citoyens.
Ce projet a dû trouver beaucoup d'approbateurs, 1º. parce qu'il tend à
enrichir des hommes aux dépens de la République, et qu'un grand
nombre espère en profiter; 2º. parce qu'il tend à récréer la place
d'intendant-général des postes, emploi important auquel on aspire; 3º.
parce qu'il retire des anciennes institutions de l'oubli, et qu'encore, pour
beaucoup de Français, tout est mauvais, si c'est nouveau; rien n'est bon
que ce qui est calqué sur les formes de l'ancien régime; 4º. enfin parce
qu'il flatte la haine et l'envie qui voient dans son exécution des hommes
à renverser, des fonctionnaires à calomnier.
Les postes aux lettres viennent d'être onéreuses à l'état. La dépense
générale a été portée jusqu'au moment où le nouveau tarif du 6

messidor a été suivi, à la somme de 21 millions mandats ou environ.
Comment s'en étonnera-t-on, lorsque l'on veut se rappeler que, d'un
côté, cette dépense augmentoit chaque jour, par le discrédit des
assignats, par la cherté des denrées, par la rareté des chevaux, par des
créations nombreuses d'employés que nécessitoient la guerre, des
travaux différens, ou de fréquentes organisations de l'administration
tantôt divisée en agences, tantôt réunie sous une forme nouvelle; et que,
d'un autre côté, la recette diminuoit chaque jour par le même discrédit
des assignats, par un abus extraordinaire des contre-seings et franchises
dont jouissoient, pour eux et pour les personnes de leur connoissance,
les membres de la convention, les bureaux des comités, douze
commissions exécutives et les milliers d'agences qui en dépendoient, et
les corps administratifs, etc.
Si les perceptions se faisoient en assignats valeur nominale, et si les
frais de régie se payoient en papier au cours, et enfin s'il étoit
impossible d'élever le tarif des lettres et le prix des courses des chevaux
des postes assez haut pour égaler la recette à la dépense, n'a-t-il pas
fallu nécessairement que le gouvernement fit des sacrifices pour que le
service fut maintenu? Comment peut-on les blâmer? Croit-on que des
fermiers, dans les momens difficiles d'où nous sortons, eussent pu
soutenir les postes, et n'eussent pas été contraints d'avoir recours à la
générosité et aux secours du gouvernement?
Loin donc de se plaindre des dépenses extraordinaires que les
circonstances seules ont occasionné, on doit se féliciter de ce que les
postes existent encore.
Et quand bien même, je le suppose, la forme de régie simple sous
laquelle elles ont été administrées eut contribué à aggraver ces
dépenses, il en résulteroit seulement qu'elles ne doivent plus être
soumises à ce régime, mais cela ne prouveroit pas plus en faveur du
système de la ferme, que contre celui de la régie intéressée.
Les postes, dit-on, étoient florissantes sous des fermiers. On entend
sans doute que le service se faisoit avec facilité, et que les produits
étoient clairs et considérables; mais à quelle époque? Dans un temps où
les relais étoient bien montés, les chevaux moins rares, le travail des

postes aux lettres moins compliqué; dans un temps où les directeurs des
postes et les maîtres des relais jouissoient d'exemptions et priviléges
qui favorisoient leur industrie; dans un temps où le numéraire sembloit
rouler de lui-même dans toute la France: aujourd'hui le contraire existe.
Qu'on cesse donc de parler de l'ancien état des choses, et de vouloir
comparer le présent au passé.
Je demande aux partisans de la ferme d'après quelles bases pourroit
partir le Directoire pour fixer, dans ce moment, le prix d'un bail des
postes.
Seroit-ce d'après la recette actuelle? Non, la dépense l'égale. Seroit-ce
d'après les produits anciens; celui par exemple de 1790, où elles ont
donné net plus de 10 millions? Mais cette règle ne seroit pas juste.
Si on l'adopte (après avoir préalablement réformé le tarif, les
contre-seings et franchises), et si la guerre continue, on verra la
nouvelle compagnie fermière ne pouvoir pas tenir ses promesses, et de
quelque clause renonciative qu'elle soit liée, soutenir qu'à l'impossible
nul n'est tenu, réclamer indemnité sur indemnité, ou bien se ruiner et
compromettre le service. Si la paix se fait, la compagnie s'enrichira au
détriment d'une branche importante d'imposition; car d'abord elle aura
profité des circonstances épineuses où nous sommes pour obtenir aux
meilleures conditions et son bail, qui est le point le plus intéressant, et
le mobilier énorme qui est nécessaire à l'exploitation, et ensuite elle
jouira, pendant tout le cours de son engagement, des bienfaits
inappréciables de la paix par la diminution du prix des denrées, des
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 10
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.