Les lois sociologiques | Page 2

Guillaume de Greef
statique et dynamique comme tous les phénomènes naturels. Si l'immortel auteur de l'Esprit des lois a pu dire avec raison que ?la Divinité même a des lois?, l'orgueil métaphysique peut bien se plier au même niveau, et c'est encore lui rendre service que de lui restituer ce caractère relatif et social, qui seul peut le sauver de l'oubli en le faisant entrer dans l'histoire, à c?té et au-dessus des religions et de leurs formes primitives. On a pu calculer les probabilités, c'est-à-dire démontrer que le hasard même n'a rien d'absolu; si les religions et les métaphysiques soulevaient la prétention de se soustraire au déterminisme universel, par cela même elles méconna?traient leur incontestable et respectable fonction sociale; elles se calomnieraient pour ne pas déchoir, elles se suicideraient croyant se sauver et s'affranchir; mais cela même ne leur est plus possible: la philosophie positive, leur assignant leur r?le transitoire bien que considérable, dans l'évolution générale, leur garantit la seule immortalité possible, celle que procure l'histoire, organe enregistreur de la mémoire collective.
Nous ne connaissons des choses y compris l'homme et les sociétés que leurs phénomènes et les rapports entre ces derniers, c'est-à-dire encore des phénomènes; l'absolu, la substance, l'en-soi ne peuvent être scientifiquement atteints; il en est de même des causes premières et des causes finales, elles sont insaisissables; la science ne peut s'emparer des uns et des autres qu'en tant que leur préoccupation et leur recherche sont elles-mêmes des phénomènes sociaux, dès lors relatifs et susceptibles d'être étudiés.
Si nous limitons ainsi, comme il le faut, le domaine des sciences positives, si en outre, départageant celles-ci en concrètes et abstraites, nous avons surtout égard à ces dernières, nous reconnaissons que la série logique des sciences correspond d'une fa?on assez générale à leur évolution historique, c'est-à-dire aux divers moments où elles sont parvenues à se constituer comme sciences abstraites à l'état positif.
Les phénomènes relatifs à l'étendue et au nombre sont les plus simples et les plus généraux; les mathématiques sont aussi la plus abstraite des sciences; non seulement il est possible de les étudier indépendamment de toutes les autres sciences, mais les lois abstraites qu'une expérience antique a dégagées dans leur domaine sont tellement parfaites, que le raisonnement déductif a pu s'y substituer en très grande partie à la méthode inductive, en dehors de toute application concrète et particulière. Bien que, comme toutes les sciences, la mathématique ait été précédée d'une période d'empirisme, de tatonnements et d'inductions accompagnées et suivies de constantes vérifications, sa perfection est devenue telle que certains logiciens ont perdu de vue ces caractères primitifs; en réalité les mathématiques doivent tout à l'observation et à l'expérience comme toutes les autres sciences. L'étendue et le nombre sont les phénomènes et les rapports les plus simples et les plus généraux que nous puissions atteindre. Ceci explique pourquoi Pythagore y crut trouver la cause première de tous les faits naturels, y compris les faits sociaux et politiques; plus tard, les métaphysiciens en firent des catégories de l'esprit humain, des cadres préexistants à toutes nos idées et où elles venaient nécessairement se classer. La vérité est que tout phénomène implique la double relation d'étendue et de nombre; on n'en peut concevoir aucun indépendamment de ces propriétés élémentaires; l'étendue et le nombre, l'espace et le temps, sont le point extrême de toute abstraction.
Les mathématiques, limitées au calcul et à la géométrie, nous présentent principalement le monde des phénomènes au point de vue statique, à l'état de repos; ce n'est toutefois pas l'aspect exclusif des notions qu'elles dégagent; les nombres, par exemple, nous donnent en effet déjà, par leurs seules combinaisons, les notions d'addition, de multiplication, de succession, de développement, de croissance, d'ordre sériel hiérarchique et par conséquent d'évolution, en un mot une vue rudimentaire, la plus simple possible, de propriétés dynamiques. C'est dans la mécanique rationnelle, cette troisième branche des mathématiques, que la division logique et naturelle des phénomènes en statiques et dynamiques acquiert une importance décisive. D'un autre c?té, il est incontestable qu'on peut étudier et enseigner le calcul et la géométrie indépendamment de la mécanique, même statique, on ne peut, au contraire, aborder cette dernière sans le secours des Mathématiques proprement dites. Les propriétés relatives à l'étendue et au nombre sont aussi plus générales que celles relatives aux forces; celles-ci sont déjà une combinaison particulière de celles-là; l'arithmétique et la géométrie sont donc des sciences plus simples, plus générales, plus abstraites que la mécanique.
Nombre, étendue, forces en repos ou en activité, voilà les trois propriétés élémentaires de la phénoménalité universelle. Nous les rencontrons aux confins les plus éloignés, aux dernières cimes accessibles de la science; elles sont au berceau, de l'évolution cosmique; elles sont à la base de tout enseignement; de même, au point de vue historique de la constitution positive des sciences abstraites, les annales de toutes les civilisations nous montrent ces sciences
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