Les Trois Mousquetaires | Page 4

Alexandre Dumas
��cus par an; c��est donc un fort grand seigneur. -- Il a commenc�� comme vous, allez le voir avec cette lettre, et r��glez-vous sur lui, afin de faire comme lui.?
Sur quoi, M. d��Artagnan p��re ceignit �� son fils sa propre ��p��e, l��embrassa tendrement sur les deux joues et lui donna sa b��n��diction.
En sortant de la chambre paternelle, le jeune homme trouva sa m��re qui l��attendait avec la fameuse recette dont les conseils que nous venons de rapporter devaient n��cessiter un assez fr��quent emploi. Les adieux furent de ce c?t�� plus longs et plus tendres qu��ils ne l��avaient ��t�� de l��autre, non pas que M. d��Artagnan n��aimat son fils, qui ��tait sa seule prog��niture, mais M. d��Artagnan ��tait un homme, et il e?t regard�� comme indigne d��un homme de se laisser aller �� son ��motion, tandis que Mme d��Artagnan ��tait femme et, de plus, ��tait m��re. -- Elle pleura abondamment, et, disons-le �� la louange de M. d��Artagnan fils, quelques efforts qu��il tentat pour rester ferme comme le devait ��tre un futur mousquetaire, la nature l��emporta et il versa force larmes, dont il parvint �� grand-peine �� cacher la moiti��.
Le m��me jour le jeune homme se mit en route, muni des trois pr��sents paternels et qui se composaient, comme nous l��avons dit, de quinze ��cus, du cheval et de la lettre pour M. de Tr��ville; comme on le pense bien, les conseils avaient ��t�� donn��s par-dessus le march��.
Avec un pareil _vade-mecum_, d��Artagnan se trouva, au moral comme au physique, une copie exacte du h��ros de Cervantes, auquel nous l��avons si heureusement compar�� lorsque nos devoirs d��historien nous ont fait une n��cessit�� de tracer son portrait. Don Quichotte prenait les moulins �� vent pour des g��ants et les moutons pour des arm��es, d��Artagnan prit chaque sourire pour une insulte et chaque regard pour une provocation. Il en r��sulta qu��il eut toujours le poing ferm�� depuis Tarbes jusqu���� Meung, et que l��un dans l��autre il porta la main au pommeau de son ��p��e dix fois par jour; toutefois le poing ne descendit sur aucune machoire, et l����p��e ne sortit point de son fourreau. Ce n��est pas que la vue du malencontreux bidet jaune n����panou?t bien des sourires sur les visages des passants; mais, comme au-dessus du bidet sonnait une ��p��e de taille respectable et qu��au-dessus de cette ��p��e brillait un oeil plut?t f��roce que fier, les passants r��primaient leur hilarit��, ou, si l��hilarit�� l��emportait sur la prudence, ils tachaient au moins de ne rire que d��un seul c?t��, comme les masques antiques. D��Artagnan demeura donc majestueux et intact dans sa susceptibilit�� jusqu���� cette malheureuse ville de Meung.
Mais l��, comme il descendait de cheval �� la porte du Franc Meunier sans que personne, h?te, gar?on ou palefrenier, f?t venu prendre l����trier au montoir, d��Artagnan avisa �� une fen��tre entrouverte du rez-de-chauss��e un gentilhomme de belle taille et de haute mine, quoique au visage l��g��rement renfrogn��, lequel causait avec deux personnes qui paraissaient l����couter avec d��f��rence. D��Artagnan crut tout naturellement, selon son habitude, ��tre l��objet de la conversation et ��couta. Cette fois, d��Artagnan ne s����tait tromp�� qu���� moiti��: ce n����tait pas de lui qu��il ��tait question, mais de son cheval. Le gentilhomme paraissait ��num��rer �� ses auditeurs toutes ses qualit��s, et comme, ainsi que je l��ai dit, les auditeurs paraissaient avoir une grande d��f��rence pour le narrateur, ils ��clataient de rire �� tout moment. Or, comme un demi-sourire suffisait pour ��veiller l��irascibilit�� du jeune homme, on comprend quel effet produisit sur lui tant de bruyante hilarit��.
Cependant d��Artagnan voulut d��abord se rendre compte de la physionomie de l��impertinent qui se moquait de lui. Il fixa son regard fier sur l����tranger et reconnut un homme de quarante �� quarante-cinq ans, aux yeux noirs et per?ants, au teint pale, au nez fortement accentu��, �� la moustache noire et parfaitement taill��e; il ��tait v��tu d��un pourpoint et d��un haut-de-chausses violet avec des aiguillettes de m��me couleur, sans aucun ornement que les crev��s habituels par lesquels passait la chemise. Ce haut- de-chausses et ce pourpoint, quoique neufs, paraissaient froiss��s comme des habits de voyage longtemps renferm��s dans un portemanteau. D��Artagnan fit toutes ces remarques avec la rapidit�� de l��observateur le plus minutieux, et sans doute par un sentiment instinctif qui lui disait que cet inconnu devait avoir une grande influence sur sa vie �� venir.
Or, comme au moment o�� d��Artagnan fixait son regard sur le gentilhomme au pourpoint violet, le gentilhomme faisait �� l��endroit du bidet b��arnais une de ses plus savantes et de ses plus profondes d��monstrations, ses deux auditeurs ��clat��rent de rire, et lui-m��me laissa visiblement, contre son habitude, errer, si l��on peut parler ainsi, un pale sourire sur son visage. Cette fois, il n��y avait plus de doute, d��Artagnan ��tait r��ellement insult��. Aussi, plein de cette conviction, enfon?a-t-il son b��ret sur ses yeux, et, tachant de copier
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