Les Noces Chimiques | Page 2

Christian Rosencreutz
montagne
Qui porte trois temples [NocesChimiqes-1.png] Voir les événements.
Prends garde à toi, Examine-toi toi-même. Si tu ne t'es pas purifié
assidûment Les noces te feront dommage. Malheur à qui s'attarde
là-bas. Que celui qui est trop léger s'abstienne.
Au-dessous comme signature:
Sponsus et Sponsa.
A la lecture de cette lettre je faillis m'évanouir; mes cheveux se
dressèrent et une sueur froide baigna tout mon corps. Je comprenais
bien qu'il était question du mariage qui m'avait été annoncé dans une
vision formelle sept ans auparavant; je l'avais attendu et souhaité
ardemment pendant longtemps et j'en avais trouvé le terme en calculant
soigneusement les aspects de mes planètes; mais jamais je n'avais
soupçonné qu'il aurait lieu dans des conditions si graves et si
dangereuses.
En effet, je m'étais imaginé que je n'avais qu'à me présenter au mariage
pour être accueilli en convive bienvenu et voici que tout dépendait de
l'élection divine. Je n'étais nullement certain d'être parmi les élus; bien
plus, en m'examinant, je ne trouvais en moi qu'inintelligence et
ignorance des mystères, ignorance telle que je n'étais même pas capable
de comprendre le sol que foulaient mes pieds et les objets de mes
occupations journalières; à plus forte raison je ne devais pas être

destiné à approfondir et à connaître les secrets de la nature. A mon avis,
la nature aurait pu trouver partout un disciple plus méritant, à qui elle
eût pu confier son trésor si précieux, quoique temporel et périssable. De
même je m'aperçus que mon corps, mes moeurs extérieures et l'amour
fraternel pour mon prochain n'étaient pas d'une pureté bien éclatante;
ainsi, l'orgueil de la chair perçait encore par sa tendance vers la
considération et la pompe mondaines et le manque d'égards pour mon
prochain. J'étais encore constamment tourmenté par la pensée d'agir
pour mon profit, de me bâtir des palais, de me faire un nom immortel
dans le monde et autres choses semblables.
Mais ce furent surtout les paroles obscures, concernant les trois temples,
qui me donnèrent une grand inquiétude; mes méditations ne parvinrent
pas à les éclaircir, et, peut-être, ne les aurais-je jamais comprises si la
clef ne m'en avait été donnée d'une manière merveilleuse. Ballotté ainsi
entre la crainte et l'espérance, je pesais le pour et le contre; mais je
n'arrivais qu'à constater ma faiblesse et mon impuissance. Me sentant
incapable de prendre une décision quelconque, rempli d'effroi par cette
invitation, je cherchai enfin une solution par ma voie habituelle, la plus
certaine: je m'abandonnai au sommeil après une prière sévère et ardente,
dans l'espoir que mon ange voudrait m'apparaître avec la permission
divine pour mettre un terme à mes doutes, ainsi que cela m'avait été
déjà accordé quelques fois auparavant. Et il en fut encore ainsi, à la
louange de Dieu, pour mon bien et pour l'exhortation et l'amendement
cordial de mon prochain.
Car, à peine m'étais-je endormi, qu'il me sembla que j'étais couché dans
une tour sombre avec une multitude d'autres hommes; et, là, attachés à
de lourdes chaînes nous grouillions comme des abeilles sans lumière,
même sans la plus faible lueur; et cela aggravait encore notre affliction.
Aucun de nous ne pouvait voir quoi que ce fut et cependant j'entendais
mes compagnons s'élever constamment les uns contre les autres, parce
que la chaîne de l'un était tant soit peu plus légère que celle de l'autre;
sans considérer qu'il n'y avait pas lieu de se mépriser beaucoup
mutuellement, car nous étions tous de pauvres sots.
Après avoir subi ces peines pendant assez longtemps, nous traitant

réciproquement d'aveugles et de prisonniers, nous entendîmes enfin
sonner de nombreuses trompettes et battre le tambour avec un tel art
que nous en fûmes apaisés et réjouis dans notre croix. Pendant que
nous écoutions, le toit de la tour fut soulevé et un peu de lumière put
pénétrer jusqu'à nous. C'est alors que l'on put nous voir tomber les uns
sur les autres, car tout ce monde remuait en désordre, de sorte que celui
qui nous dominait tantôt était maintenant sous nos pieds. Quant à moi,
je ne restai pas inactif non plus mais je me glissai parmi mes
compagnons et, malgré mes liens pesants, je grimpai sur une pierre
dont j'avais réussi à, m'emparer; mais là aussi je fus attaqué par les
autres et je les repoussai en me défendant de mon mieux des mains et
des pieds. Nous étions convaincus que nous serions tous libérés mais il
en fut autrement.
Lorsque les Seigneurs qui nous regardaient d'en haut par l'orifice de la
tour se furent égayés quelque peu de cette agitation et de ces
gémissements, un vieillard tout blanc nous ordonna de nous taire, et,
dès qu'il eut obtenu le silence, il parla, si ma mémoire est fidèle, en ces
termes:
Si le pauvre genre humain Voulait ne pas se révolter, Il recevrait
beaucoup de biens D'une
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