Le nabab, tome II

Alphonse Daudet

Le nabab, tome II, by Alphonse Daudet

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Title: Le nabab, tome II
Author: Alphonse Daudet
Release Date: June 24, 2004 [EBook #12727]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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OEUVRES
DE
Alphonse Daudet
Le Nabab
Tome II
M DCCC LXXXVII

LE NABAB

XIII
UN JOUR DE SPLEEN
Cinq heures de l'apr��s-midi. La pluie depuis le matin, un ciel gris et bas �� toucher avec les parapluies, un temps mou qui poisse, le gachis, la boue, rien que de la boue, en flaques lourdes, en tra?n��es luisantes au bord des trottoirs, chass��e en vain par tes balayeuses m��caniques, par les balayeuses en marmottes, enlev��e sur d'��normes tombereaux qui l'emportent lentement vers Montreuil, la prom��nent en triomphe �� travers les rues, toujours remu��e et toujours renaissante, poussant entre les pav��s, ��claboussant les panneaux des voitures, le poitrail des chevaux, les v��tements des passants, mouchetant les vitres, les seuils, les devantures, �� croire que Paris entier va s'enfoncer et dispara?tre sous cette tristesse du sol fangeux o�� tout se fond et se confond. Et c'est une piti�� de voir l'envahissement de cette souillure sur les blancheurs des maisons neuves, la bordure des quais, les colonnades des balcons de pierre... Il y a quelqu'un cependant que ce spectacle r��jouit, un pauvre ��tre d��go?t�� et malade qui, vautr�� tout de son long sur la soie brod��e d'un divan, la t��te sur ses poings ferm��s, regarde joyeusement dehors contre les vitres ruisselantes et se d��lecte �� toutes ces laideurs:
?Vois-tu, ma f��e, voil�� bien le temps qu'il me fallait aujourd'hui... Regarde-les patauger... Sont-ils hideux, sont-ils sales!... Que de fange! Il y en a partout, dans les rues, sur les quais, jusque dans la Seine, jusque dans le ciel... Ah! c'est bon la boue, quand on est triste... Je voudrais tripoter l��-dedans, faire de la sculpture avec ?a, une statue de cent pieds de haut, qui s'appellerait: ?Mon ennui.?
--Mais pourquoi t'ennuies-tu, ma ch��rie, dit avec douceur la vieille danseuse, aimable et rose dans son fauteuil, o�� elle se tient tr��s droite de peur d'ab?mer sa coiffure encore plus soign��e que d'habitude... N'as-tu pas tout ce qu'il faut pour ��tre heureuse??
Et, de sa voix tranquille, pour la centi��me fois, elle recommence �� lui ��num��rer ses raisons de bonheur, sa gloire, son g��nie, sa beaut��, tous les hommes �� ses pieds, les plus beaux, les plus puissants; oh! oui, les plus puissants, puisqu'aujourd'hui m��me... Mais un miaulement formidable, une plainte d��chirante du chacal exasp��r�� par la monotonie de son d��sert, fait trembler tout �� coup les vitres de l'atelier et rentrer dans son cocon l'antique chrysalide ��pouvant��e.
Depuis huit jours, son groupe fini, parti pour l'exposition, a laiss�� F��licia dans ce m��me ��tat de prostration, d'��coeurement, d'irritation navr��e et d��solante. Il faut toute la patience inalt��rable de la f��e, la magie de ses souvenirs ��voqu��s �� chaque instant pour lui rendre la vie supportable �� c?t�� de cette inqui��tude, de cette col��re m��chante qu'on entend gronder au fond des silences de la jeune fille, et qui subitement ��clatent dans une parole am��re, dans un ?pouah? de d��go?t �� propos de tout... Son groupe est hideux... Personne n'en parlera... Tous les critiques sont des anes... Le public? un goitre immense �� trois ��tages de mentons... Et pourtant, l'autre dimanche, quand le duc de Mora est venu avec le surintendant des beaux-arts voir son exposition �� l'atelier, elle ��tait si heureuse, si fi��re des ��loges qu'on lui donnait, si pleinement ravie de son travail qu'elle admirait �� distance comme d'un autre, maintenant que l'outil n'��tablissait plus entre elle et l'oeuvre ce lien g��nant �� l'impartial jugement de l'artiste.
Mais c'est tous les ans ainsi. L'atelier d��peupl�� du r��cent ouvrage, son nom glorieux encore une fois jet�� au caprice impr��vu du public, les pr��occupations de F��licia, d��sormais sans objet visible, errent dans tout le vide de son coeur, de son existence de femme sortie du tranquille sillon, jusqu'�� ce qu'elle se soit reprise �� un autre travail. Elle s'enferme, ne veut voir personne. On dirait qu'elle se m��fie d'elle-m��me. Il n'y a que le bon Jenkins qui la supporte pendant ces crises. Il semble m��me les rechercher, comme s'il en attendait quelque chose. Dieu sait pourtant qu'elle n'est pas aimable avec lui. Hier encore il est rest�� deux heures en face de cette belle ennuy��e, qui ne lui a seulement pas une fois adress�� la parole. Si c'est l�� l'accueil
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