Le mystère de la chambre jaune | Page 3

Gaston Leroux
de mademoiselle qui criait: ?à l’assassin! ... Au secours! ... Papa!Papa!?
?Vous pensez si nous avons bondi et si M. Stangerson et moi nous nous sommes rués sur la porte. Mais, hélas! Elle était fermée et bien fermée ?à l’intérieur? par les soins de mademoiselle, comme je vous l’ai dit, à clef et au verrou. Nous essayames de l’ébranler, mais elle était solide. M. Stangerson était comme fou, et vraiment il y avait de quoi le devenir, car on entendait mademoiselle qui ralait: ?Au secours! ... Au secours!? Et M. Stangerson frappait des coups terribles contre la porte, et il pleurait de rage et il sanglotait de désespoir et d’impuissance.
?C’est alors que j’ai eu une inspiration.? L’assassin se sera introduit par la fenêtre,m’écriai-je, je vais à la fenêtre!? Et je suis sorti du pavillon, courant comme un insensé!
?Le malheur était que la fenêtre de la ?Chambre Jaune? donne sur la campagne, de sorte que le mur du parc qui vient aboutir au pavillon m’empêchait de parvenir tout de suite à cette fenêtre. Pour y arriver, il fallait d’abord sortir du parc. Je courus du c?té de la grille et, en route, je rencontrai Bernier et sa femme, les concierges, qui venaient, attirés par les détonations et par nos cris. Je les mis, en deux mots, au courant de la situation; je dis au concierge d’aller rejoindre tout de suite M. Stangerson et j’ordonnai à sa femme de venir avec moi pour m’ouvrir la grille du parc. Cinq minutes plus tard, nous étions, la concierge et moi, devant la fenêtre de la ?Chambre Jaune?. Il faisait un beau clair de lune et je vis bien qu’on n’avait pas touché à la fenêtre. Non seulement les barreaux étaient intacts, mais encore les volets, derrière les barreaux, étaient fermés, comme je les avais fermés moi-même, la veille au soir, comme tous les soirs, bien que mademoiselle, qui me savait très fatigué et surchargé de besogne, m’e?t dit de ne point me déranger, qu’elle les fermerait elle- même; et ils étaient restés tels quels, assujettis, comme j’en avais pris le soin, par un loquet de fer, ?à l’intérieur?. L’assassin n’avait donc pas passé par là et ne pouvait se sauver par là; mais moi non plus, je ne pouvais entrer par là!
?C’était le malheur! On aurait perdu la tête à moins. La porte de la chambre fermée à clef ?à l’intérieur?, les volets de l’unique fenêtre fermés, eux aussi, ?à l’intérieur?, et, par-dessus les volets, les barreaux intacts, des barreaux à travers lesquels vous n’auriez pas passé le bras... Et mademoiselle qui appelait au secours! ... Ou plut?t non, on ne l’entendait plus... Elle était peut-être morte... Mais j’entendais encore, au fond du pavillon, monsieur qui essayait d’ébranler la porte...
?Nous avons repris notre course, la concierge et moi, et nous sommes revenus au pavillon. La porte tenait toujours, malgré les coups furieux de M. Stangerson et de Bernier. Enfin elle céda sous nos efforts enragés et, alors, qu’est-ce que nous avons vu??Il faut vous dire que, derrière nous, la concierge tenait la lampe du laboratoire, une lampe puissante qui illuminait toute la chambre.
?Il faut vous dire encore, monsieur, que la ?Chambre Jaune? est toute petite. Mademoiselle l’avait meublée d’un lit en fer assez large, d’une petite table, d’une table de nuit, d’une toilette et de deux chaises. Aussi, à la clarté de la grande lampe que tenait la concierge, nous avons tout vu du premier coup d’oeil. Mademoiselle, dans sa chemise de nuit, était par terre, au milieu d’un désordre incroyable. Tables et chaises avaient été renversées montrant qu’il y avait eu là une sérieuse ?batterie?. On avait certainement arraché mademoiselle de son lit; elle était pleine de sang avec des marques d’ongles terribles au cou -- la chair du cou avait été quasi arrachée par les ongles -- et un trou à la tempe droite par lequel coulait un filet de sang qui avait fait une petite mare sur le plancher. Quand M. Stangerson aper?ut sa fille dans un pareil état, il se précipita sur elle en poussant un cri de désespoir que ?a faisait pitié à entendre. Il constata que la malheureuse respirait encore et ne s’occupa que d’elle. Quant à nous, nous cherchions l’assassin, le misérable qui avait voulu tuer notre ma?tresse, et je vous jure, monsieur, que, si nous l’avions trouvé, nous lui aurions fait un mauvais parti. Mais comment expliquer qu’il n’était pas là, qu’il s’était déjà enfui? ... Cela dépasse toute imagination. Personne sous le lit, personne derrière les meubles, personne! Nous n’avons retrouvé que ses traces; les marques ensanglantées d’une large main d’homme sur les murs et sur la porte, un grand mouchoir rouge de sang, sans aucune initiale, un vieux béret et la marque fra?che, sur le plancher, de nombreux pas d’homme. L’homme qui avait marché là
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