Le meunier dAngibault | Page 3

George Sand
savez, nous n'avions jamais parl�� de cela, vous n'ignoriez pas que je vous aimais avec passion, et pourtant voici la premi��re fois que je vous le dis aussi hardiment! Mais, mon ami, que vous ��tes pale! vos mains sont glac��es, vous paraissez tant souffrir! Vous m'effrayez!
--Non, non, parlez, parlez encore, r��pondit L��mor succombant sous le poids des ��motions les plus d��licieuses et les plus p��nibles en m��me temps.
--Eh bien, continua madame de Blanchemont, je ne peux pas avoir ces scrupules et ces agitations de la conscience que vous redoutez pour moi. Quand on me rapporta le corps sanglant de mon mari, tu�� en duel pour une autre femme, je fus frapp��e de consternation et d'��pouvante, j'en conviens; en vous annon?ant cette terrible nouvelle, en vous disant de rester quelque temps ��loign�� de moi, je crus accomplir un devoir; oh! si c'est un crime d'avoir trouv�� ce temps bien long, votre ob��issance scrupuleuse m'en a assez punie! Mais depuis un mois que je vis retir��e, occup��e seulement d'��lever mon fils et de consoler de mon mieux les parents de M. de Blanchemont, j'ai bien examin�� mon coeur, et je ne le trouve plus si coupable. Je ne pouvais pas aimer cet homme qui ne m'a jamais aim��e, et tout ce que je pouvais faire, c'��tait de respecter son honneur. A pr��sent, Henri, je ne dois plus �� sa m��moire qu'un respect ext��rieur pour les convenances. Je vous verrai en secret, rarement, il le faudra bien!... jusqu'�� la fin de mon deuil; et dans un an, dans deux ans, s'il le faut....
--Eh bien! Marcelle, dans deux ans?
--Vous me demandez ce que nous serons l'un pour l'autre, Henri? Vous ne m'aimez plus, je vous le disais bien!
Ce reproche n'��mut point Henri. Il le m��ritait si peu! Attentif jusqu'�� l'anxi��t�� �� toutes les paroles de son amante, il la supplia de continuer:
--Eh bien! reprit-elle en rougissant avec la pudeur d'une jeune fille, ne voulez-vous donc pas m'��pouser, Henri?
Henri laissa tomber sa t��te sur les genoux de Marcelle, et resta quelques instants comme bris�� par la joie et la reconnaissance; mais il se releva brusquement, et ses traits exprimaient le plus profond d��sespoir.
--N'avez-vous donc pas fait du mariage une assez triste exp��rience? dit-il avec une sorte de duret��. Vous voulez encore vous remettre sous le joug?
--Vous me faites peur, dit madame de Blanchemont apr��s un moment d'effroi silencieux. Sentez-vous donc en vous-m��me des instincts de tyrannie, ou bien est-ce pour vous que vous craignez le joug de l'��ternelle fid��lit��?
--Non, non, ce n'est rien de tout cela, r��pondit L��mor avec abattement; ce que je redoute, ce �� quoi il m'est impossible de vous soumettre et de me soumettre moi-m��me, vous le savez; mais vous ne voulez pas, vous ne pouvez pas le comprendre. Nous en avons tant parl�� cependant, alors que nous ne pensions pas que de pareilles discussions dussent un jour nous int��resser personnellement, et devenir pour moi un arr��t de vie ou de mort!
--Est-il possible, Henri, que vous soyez attach�� �� ce point �� vos utopies? Quoi! l'amour m��me ne saurait les vaincre? Ah! que vous aimez peu, vous autres hommes! ajouta-t-elle avec un profond soupir. Quand ce n'est pas le vice qui vous dess��che l'ame, c'est la vertu, et de toutes fa?ons, laches ou sublimes, vous n'aimez que vous-m��mes.
--��coutez, Marcelle, si je vous avais demand��, il y a un mois, de manquer �� vos principes �� vous, si mon amour avait implor�� ce que votre religion et vos croyances vous eussent fait regarder comme une faute immense, irr��parable....
--Vous ne me l'avez pas demand��, dit Marcelle en rougissant.
--Je vous aimais trop pour vous demander de souffrir et de pleurer pour moi. Mais si je l'eusse fait, r��pondez donc, Marcelle!
--La question est indiscr��te et d��plac��e, dit-elle en faisant un effort d'aimable coquetterie, pour ��luder la r��ponse.
Sa grace et sa beaut�� firent fr��mir L��mor. Il la pressa contre son coeur avec passion. Mais, s'arrachant aussit?t �� ce moment d'ivresse, il s'��loigna, et reprit, d'une voix alt��r��e, en marchant avec agitation derri��re le banc o�� elle ��tait assise:
--Et si je vous le demandais, �� pr��sent, ce sacrifice que la mort de votre ��poux rendrait, �� coup s?r, moins terrible... moins effrayant....
Madame de Blanchemont redevint pale et s��rieuse.
--Henri, r��pondit-elle, je serais offens��e et bless��e jusqu'au fond du coeur d'une semblable pens��e, lorsque je viens de vous offrir ma main et que vous semblez la refuser.
--Je suis bien malheureux de ne pouvoir me faire comprendre, et d'��tre pris pour un mis��rable, quand je sens en moi l'h��ro?sme de l'amour!... reprit-il avec amertume. Le mot vous parait ambitieux et doit vous faire sourire de piti��. Il est vrai pourtant, et Dieu me tiendra compte de ma souffrance... elle est atroce, elle est au-dessus de mon courage, peut-��tre.
Et Henri fondit en larmes.
La douleur de ce jeune homme ��tait si profonde et
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