Le lys noir | Page 2

Jules de Gastyne
race.
Le chagrin terrible qu'il venait d'��prouver, et dont on voyait encore les ondes passer sur sa chair et la faire fr��mir, comme la houle sur une mer mal apais��e, ce chagrin, assur��ment terrible, avait imprim�� �� sa physionomie un caract��re encore plus sympathique et plus touchant. Il y a une beaut�� particuli��re sur un visage qui souffre. On dirait qu'un reflet de l'ame l'illumine.
Du m��me pas r��gulier, r��solu, l'inconnu arriva rue du Bac, s'engagea dans cette rue et la suivit jusqu'�� la rue de Verneuil.
L��, il s'arr��ta devant la porte d'une maison d'assez riche apparence, mais vieille. Il appuya le doigt sur un bouton de cuivre. Une sonnerie de timbre se fit entendre, et presque aussit?t la porte coch��re s'ouvrit avec un bruit sec. Il entra.
Une obscurit�� compl��te r��gnait sous la vo?te, mais il connaissait les ��tres de la maison, car il se dirigea tout droit, sans tatonnements, jusqu'�� la loge de la concierge.
L��, il frappa l��g��rement aux carreaux et dit son nom: M. de Br��court, et il demanda:
--M. Mareuil est-il chez lui?
--Oui, monsieur.
Il se dirigea vers l'escalier.
Dans le vestibule, il enflamma une allumette-bougie et il monta jusqu'au deuxi��me ��tage o�� habitait M. Mareuil.
Il sonna avec force.
Pas un mouvement ne se produisit dans l'appartement.
Mareuil dormait sans doute ... et son domestique devait coucher au sixi��me.
De Br��court attendit quelques minutes.
Et il recommen?a �� sonner....
Ce n'est qu'au troisi��me coup qu'un bruit de porte qu'on ouvre et de pantoufles tra?n��es sur le parquet, se fit entendre derri��re la porte.
Et, presque aussit?t, une voix ��tonn��e, encore tout engourdie de sommeil, demanda, maussade:
--Qui est l��?
--Br��court.
--Br��court?... �� cette heure? s'exclama la voix.... Es-tu fou?... Qu'est-ce qui te prend?
--J'ai besoin de te parler tout de suite.
--Entre ... mais que le diable t'emporte!
Et la porte livra passage �� un gros corps envelopp�� d'une robe de chambre dans laquelle il grelottait, et surmont�� d'une t��te ahurie coiff��e d'un foulard moins cramoisi que son teint.
C'��tait M. Mareuil.
Il s'effa?a pour laisser passer son ami tout en grommelant:
--En voil�� une heure!... Je ne sais pas s'il y a encore du feu.... Tu dois ��tre gel��.... Qu'est-ce qui t'arrive?
Et il conduisit tout en parlant son ami vers sa chambre �� coucher o�� il esp��rait que le feu ne serait pas encore ��teint.
De Br��court ne parlait pas, n'expliquait rien ... mais de temps en temps des soupirs profonds s'��chappaient de sa poitrine.
Et quand il fut arriv�� dans la chambre, sous la lueur de la lampe que Mareuil avait allum��e �� la hate, il apparut si livide, si boulevers��, avec une telle apparence de souffrance sur la face, que son ami s'��cria, tout ��mu:
--Est-ce que tu es malade?
--Non.
--Qu'as-tu alors?
--Je suis mort.
--Mort?
--Mort au moral ... mort au physique ... an��anti ... Je vais ... je viens ... je me meus.... J'ai l'air de vivre ... mais je ne vis pas.... Mon coeur est mort ... tout est mort!...
Et il se laissa tomber, accabl��, sur un canap��.
Mareuil le consid��rait avec un ahurissement qu'il ne cherchait pas �� dissimuler, un ahurissement o�� se m��lait aussi quelque piti��, car il ��tait bon.
--Il demanda:
--Qu'est-ce qui t'arrive?
--Tout est fini....
--Quoi?
--Mon mariage....
--Rompu?... Avec mademoiselle de Fr��milly?
Incapable de formuler une parole, de Br��court inclina la t��te avec un tel air d'accablement qu'on voyait bien que tout ressort en effet ��tait bris�� en lui.
Mareuil s'��cria:
--En voil�� une nouvelle! Puis il dit:
--Et vous vous aimiez?
--Et nous nous aimons toujours ... comme des fous ... moi, du moins.... Elle, je ne sais plus.... Ah! mon pauvre ami!
Et Br��court porta la main �� son front, comme s'il avait craint qu'il n'��clatat.
Mareuil ne parlait plus.
Il le contemplait ... plein maintenant d'une piti�� sinc��re, et aussi un peu surpris qu'un amour bris�� p?t produire chez un homme comme Br��court ... un homme qu'il croyait fort, un peu blas��, une telle douleur.
Br��court reprit:
--Je l'aimais tant!... Je l'aime tant encore!... Je l'aimerai tant toujours!... car il ne sortira pas de moi, cet amour. Il ne sortira pas de mon coeur, de mon sang, de ma chair ... de tout moi!... Il est plus attach�� �� mon corps que l'ame elle-m��me.... C'��tait mon souffle, ma vie! Et maintenant qu'il n'est plus, je n'ai plus qu'�� mourir. Mais comment mourir?... J'ai song�� au suicide ... avant de venir ici. Je me suis arr��t�� sur un pont �� regarder l'eau, et si je ne me suis pas pr��cipit�� ... c'est qu'un reste d'espoir m'est entr�� au coeur ... un reste d'espoir qui s'est ��vanoui depuis ... que je n'ai plus et qui ne reviendra jamais.... Non, elle est perdue pour moi ... perdue pour toujours.... J'ai entendu ce soir des paroles inexorables, et je l'aime, je l'aime �� en mourir!
Il s'interrompit et se mit �� sangloter.
Mareuil n'osait pas l'interroger.
Il ne devinait pas ce qui ��tait arriv�� et il aurait voulu le savoir.
Il murmura pour dire quelque chose:
--Elle ne t'aime plus?
Il eut un geste d'ignorance.
--Je ne
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 88
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.